Archives de catégorie : Revue

Dépenses publiques, dépenses privées, PIB : sortir de la confusion

Le débat fait rage entre économistes libéraux et « économistes atterrés » sur la question du montant de nos dépenses publiques et de la part du montant du PIB que cela représente. François Braize tente ici une élucidation des confusions et des contradictions que produisent des choix idéologiques opposés.

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Libéralismes et éducation

Quand le loup libéral entre dans la bergerie scolaire

Sébastien Duffort poursuit et élargit, cette fois d’un point de vue plus spécifiquement politique, l’analyse qu’il a proposée avec l’article « Les pédagogies innovantes. Heurts et malheurs ». Il examine les relations entre libéralisme économique et libéralisme culturel et leurs conséquences sur les politiques scolaires. En défendant à la fois l’innovation pédagogique (libéralisme culturel) et la libéralisation du système scolaire (libéralisme économique), de nombreux acteurs du système éducatif qui se disent « modernisateurs », « progressistes », autrement dit « de gauche », ont en réalité contribué à l’accentuation des inégalités de réussite scolaire au détriment des élèves les plus défavorisés.

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Le retour du fascisme ?

Analyse du livre d’Emilio Gentile « Chi è fascista »

En proposant une analyse de l’ouvrage récent d’Emilio Gentile « Chi è fascita », Samuël Tomei rappelle, non sans humour, que l’usage prétendument générique, en réalité imaginaire, analogique et projectif, du terme « fasciste » n’a pas attendu la seconde moitié du XXe siècle pour qualifier tout régime autoritaire ou tout dirigeant nationaliste avec en prime un avertissement au sujet d’un retour « des années les plus sombres de notre histoire ». Cet usage idéologique, confusionniste et moralisateur s’érige aujourd’hui à peu de frais en « antifascisme » ; il relève d’une paresse intellectuelle prétentieuse et aveugle qui brandit une démocratie de façade impuissante face aux oligarchies.

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Le désir de savoir

Sur le livre de Pascal Engel « Les vices du savoir »

De même qu’il existe une « éthique des vertus », s’est développée depuis une trentaine d’années une « épistémologie des vertus », à laquelle le philosophe Pascal Engel vient d’apporter – même si son livre ne se rattache pas qu’à ce courant – une contribution importante (en langue française, ce qui n’est pas très fréquent) avec « Les vices du savoir. Essai d’éthique intellectuelle ». Je n’aurai pas la prétention de recenser à proprement parler cet ouvrage ; j’aborderai seulement (et arbitrairement) quelques-uns des nombreux sujets qu’il traite de façon approfondie : les croyances religieuses ; la question de savoir s’il existe des évaluations proprement épistémiques ; cette question nous conduisant à examiner le problème des vérités triviales et celui de la curiosité.

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Michel Houellebecq, Vincent Lambert : le déshonneur du « Monde » 

Sabine Prokhoris revient avec indignation sur la manière sensationnaliste dont le journal « Le Monde » a relaté le décès de Vincent Lambert en publiant notamment une tribune de Michel Houellebecq – « écrit inutile, dont l’indignité le dispute à la médiocrité ». Dans ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Vincent Lambert », les déclarations accusatrices au nom de la Vie sont autant d’injonctions à perdre de vue la dignité, la liberté et la singularité.

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La République des Lettres : liberté, égalité, singularité et loisir

Quelques éléments de réflexion pour les républicains aujourd’hui

Alors que la référence à l’entreprise envahit la pensée politique et lui impose son lexique – on parle de gouvernance, de rentabilité, et même de productivité et de compétitivité comme si le but d’une association politique était de fabriquer des produits pour les mettre sur un marché -, il n’est pas mauvais de rappeler les aspects profondément libérateurs et désintéressés de la société scientifique et littéraire cultivée par l’Europe éclairée dès le XVe siècle. Cette « forme de sociabilité savante » me semble offrir à la réflexion politique non pas un modèle – du reste elle n’est pas exclusivement marquée par la thématisation politique – mais des éléments qui peuvent nous aider à penser, aujourd’hui encore, les caractéristiques républicaines de manière critique.

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Quel lycée pour le XXIe siècle ?

À l’occasion de ce drôle de bac 2019, Valérie Soria revient sur la notion de « rupture de l’égalité ». Oui, certains candidats, dont les copies n’ont pas été remises à temps par les correcteurs grévistes, ont été notés sur la base des notes obtenues pendant l’année, ou même auraient obtenu une note fabriquée à partir d’une moyenne supputée. Mais cette présente entorse à l’égalité n’est que l’arbre qui cache la forêt. La véritable « rupture de l’égalité » n’est autre que le fruit d’une politique, celle que des gens bien intentionnés ont décidée quand ils ont renoncé à une école de l’instruction, une école des éléments, une école de l’autonomie et de l’émancipation des esprits. Elle existe depuis que ceux qui sont mandatés pour gouverner notre pays renoncent à faire de l’instruction le cœur battant de l’école.

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« Arbitres de la Race », comédie bouffe (par François Vaucluse)

Après « Les Suppliantes » d’Eschyle à la Sorbonne

Le 25 mars 2019, à la Sorbonne, la troupe de théâtre antique Démodocos a été physiquement empêchée de représenter une pièce d’Eschyle, « Les Suppliantes », au motif que des comédiens auraient porté des masques noirs. Cela s’inscrit dans une série d’actions de censure au nom d’un prétendu « antiracisme » qui organise et arbitre une inquiétante compétition victimaire dont le principe est la segmentation de l’humanité en « identités » intouchables. On ne s’étonnera pas que le théâtre, « lieu de la métamorphose et non pas des identités »1 soit éminemment visé. Sabine Prokhoris a publié ici même un article consacré à « Kanata » de Robert Lepage.
Mezetulle s’honore d’accueillir à présent, pour la première fois, un texte dramatique. Écrite par François Vaucluse, « Arbitres de la Race » est une brève, hilarante et grinçante comédie bouffe où les personnages s’avancent démasqués. Dans le ‘Nota bene’ qui suit la distribution, l’auteur précise que bien des passages sont empruntés à des propos « publics et authentiques, orthographe comprise » ; s’il n’avait pris soin de les placer entre guillemets, il pourrait être taxé d’outrance et d’invraisemblance !

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Vague, le monde est vague

« Pragmatism and Vagueness » de Claudine Tiercelin, lu par Thierry Laisney

Dans « Pragmatism and Vagueness », livre constitué de trois conférences données à Venise en mars 2018, la philosophe Claudine Tiercelin, professeure au Collège de France, examine la question du vague (vagueness) à la lumière du rôle qu’elle joue dans l’œuvre de Charles Sanders Peirce (1839-1914), le « fondateur du pragmatisme ».

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« La nouvelle question laïque » de Laurent Bouvet, lu par Catherine Kintzler

Le titre de l’ouvrage de Laurent Bouvet « La nouvelle question laïque » (Flammarion, 2019) est pleinement justifié. La question laïque est bien nouvelle aujourd’hui en France. Nullement en ce sens qu’il faudrait – bien au contraire ! – réviser le concept de laïcité, l’accommoder au goût du jour ou procéder à son aggiornamento. La nouveauté est la manière dont la question de la laïcité se pose, les lignes et fractures politiques qu’elle révèle, qui l’enrichissent, et qui finalement permettent de « défricher à nouveaux frais la voie républicaine vers la laïcité ». En retraçant un pan de l’histoire politique récente, le livre situe les enjeux d’un combat laïque renouvelé.

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« Le sexe et la langue » de Jean Szlamowicz, lu par Jorge Morales

L’essai du linguiste Jean Szlamowicz « Le sexe et la langue. Petite grammaire du genre en français, où l’on étudie écriture inclusive, féminisation et autres stratégies militantes de la bien-pensance » (Paris, Intervalles, 2018) analyse doctement les outils idéologiques de l’inclusivisme, dernier avatar d’une novlangue prenant prétexte de la défense des femmes pour imposer une réforme morale inspirée par l’idéologie de la déconstruction. Il examine les interprétations militantes et fantaisistes qui projettent sur la grammaire des questions sociales, politiques et culturelles. Il faut donc que la rationalité linguistique remette les points sur les « i », redonne son sens à la fonction de la langue, qu’elle écrase l’infâme diabolisation morale des contradicteurs afin de mieux combattre les « gardiens de prison qui pensent que leur surveillance [n]ous libère ».

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« Combattre le voilement » de Fatiha Agag-Boudjahlat, lu par Jorge Morales

Le courage et la pertinence de la plume de Fatiha Agag-Boudjahlat forcent l’admiration. Son dernier ouvrage « Combattre le voilement » (Paris, Cerf, 2019, préface d’Elisabeth Badinter) n’est pas un simple essai à contre-courant sur le voile en tant qu’objet, signe ou signal. Il analyse en profondeur le voilement islamique, acte que l’auteur combat en le présentant sans concession pour ce qu’il est : la normalisation (ou du moins la relativisation) d’une pratique sexiste et communautariste qui cherche à s’imposer partout au nom des droits de l’homme et de la liberté individuelle – nouveau dogme contemporain.

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Le « School business »

Teach for France, Ashoka : quand Andros, BNP-Paribas et TOTAL veulent sauver l’école

Après un important article sur l’économie sociale et solidaire, Vincent Lemaître poursuit et affine sa recherche en s’intéressant au secteur particulièrement convoité de l’éducation dont la privatisation croissante s’effectue par voie de contractualisation, bientôt dépassée par une marchandisation inspirée du « social business ». Quand les États se désengagent des secteurs sociaux ou des services publics, un vide apparaît qui demande à être comblé : c’est l’occasion pour les entrepreneurs sociaux de développer des formes de partenariats public-privé qui convertissent la demande sociale en marché.

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« Considérations sur l’Europe » de Jean-Claude Milner, lu par C. Kintzler

À l’approche des élections européennes, il est plus qu’opportun de lire le livre de Jean-Claude Milner, « Considérations sur l’Europe. Conversation avec Philippe Petit » (Paris : Cerf, 2019). L’auteur y développe sa vision politique de l’Europe et des relations internationales, examine la question centrale de l’État-nation, et soulève le point décisif des pouvoirs de l’individu. L’ensemble, plus désabusé que fondamentalement sombre, ne s’interdit pas les échappées.

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« L’innommable » d’Adélaïde Munkantabana, lu par Alain Champseix

Après avoir rencontré l’auteur de manière fortuite, Alain Champseix a lu « L’innommable – Agahomamunwa. Un récit du génocide des Tutsi », d’Adélaïde Munkantabana. Il expose comment ce récit poignant, sans se départir de sa dimension de témoignage personnel ou plutôt parce qu’il s’y attache de manière profonde et réflexive, soulève la question fondamentalement politique des conditions de possibilité d’un génocide.

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« Outer » le Vatican : à propos de « Sodoma » de Frédéric Martel

Avec plus de rigueur que jamais, la doctrine morale de l’Église catholique condamne toute pratique sexuelle hormis la procréation d’enfants par des époux munis du sacrement de mariage. L’ouvrage de Frédéric Martel « Sodoma. Enquête au cœur du Vatican » révèle que les instigateurs de cette morale, dans leur majorité, pratiquent en secret une homosexualité qu’ils anathémisent en public – ce faisant, ils bafouent à la fois leurs vœux sacerdotaux et l’exigence universelle de vérité. On notera toutefois que l’auteur s’avance souvent masqué et parvient à ce brillant résultat par des méthodes qui ne sont pas exactement celles qu’il invoque.

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« Puisque », ou la fausse évidence

Dans les ouvrages consacrés à la langue française, la conjonction de subordination ‘puisque’ est souvent opposée à la locution conjonctive ‘parce que’ : contrairement à la seconde, la première introduirait une cause déjà connue du destinataire de l’énoncé. En réalité, ‘puisque’ a moins à voir avec la cause qu’avec la justification.

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« Le triomphe des Lumières » de Steven Pinker, lu par Philippe Foussier

Le plus grand succès de l’histoire de l’humanité

L’universitaire américain Steven Pinker, auteur de « La part d’ange en nous » qui a connu un succès mondial, publie une ode à la raison, à la science et à l’humanisme, « Le triomphe des Lumières » (Les Arènes, 2018). En ces temps où toutes ces notions font l’objet de remises en cause massives, la lecture de ce livre foncièrement optimiste redonnera assurément des forces à ceux qui se reconnaissent dans l’héritage des Lumières et irritera à n’en pas douter leurs adversaires.

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Leonard Bernstein « La Question sans réponse », lu par Gérard Le Vot

Gérard Le Vot a lu le recueil de conférences de Leonard Bernstein intitulé « La Question sans réponse », récemment réédité. Il en parcourt les six leçons avec précision et jubilation, réveillant, avec ce « nomadisme exubérant de la pensée » tourné vers la musique des autres et une multitude de techniques et de plans culturels, le bouillonnement interdisciplinaire des années 1970.

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L’idée d’un enseignement de la philosophie réellement philosophique

Jean-Michel Muglioni tente d’expliciter les raisons pour lesquelles il considère que la nouvelle spécialité HLP [Humanités, littérature et philosophie] et son programme contredisent l’idée même d’un enseignement philosophique de la philosophie. Il ne cherche pas à répondre directement à l’argumentation de Denis Kambouchner, mais propose ces raisons pour que chacun puisse comprendre ce qui oppose fondamentalement deux conceptions de la philosophie et de son enseignement, peut-être même de l’enseignement en général. Qu’est-ce qu’un enseignement de la philosophie qui soit réellement philosophique ?

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