Entretien C. Kintzler à Figarovox : le problème n’est pas la laïcité, mais l’islamisme

Le site FigaroVox a mis en ligne un entretien où Catherine Kintzler répond aux questions d’Alexis Feertchak.
Présentation par la rédaction : « Le Conseil d’Etat a suspendu ce vendredi un arrêté «anti-burkini». Pour Catherine Kintzler, il ne s’agit pas d’une question juridique liée à la laïcité, mais d’une question davantage politique liée à l’acceptation (ou non) du communautarisme islamiste. »

Les points mis en valeur par la rédaction :

« Qu’on ait affaire à une « fausse question laïque » ne veut pas dire que ce «burkini» ne soulève aucun problème. »

« Plus les manifestations communautaristes se font provocatrices, plus cela témoigne de l’impopularité du communautarisme. »

« On a affaire à une tentative de banalisation du totalitarisme islamiste. »

« Il s’agit bien d’un combat idéologique et politique au sens où la conception de la cité est engagée. Ce combat implique un devoir de réprobation publique. »

Et la conclusion :

« Si ne pas porter de voile, si porter une jupe courte, si porter un maillot deux-pièces, si s’attabler seule à la terrasse d’un café, si tout cela devient pour certaines femmes un acte d’héroïsme social, c’est qu’on a déjà accepté que cela le devienne pour toutes, c’est qu’on a déjà accepté de ne pas faire attention aux signaux envoyés par un totalitarisme féroce: c’est l’inverse qui devrait être «normal». »

Lire l’intégralité de l’entretien sur le site Figarovox.

 

11 thoughts on “Entretien C. Kintzler à Figarovox : le problème n’est pas la laïcité, mais l’islamisme

  1. Jeanne Favret-Saada

    Votre interview a bien sûr toute mon approbation. Cependant, l’arrêt (prévisible) du Conseil d’Etat nous désigne un objectif politique très clair : faire saisir à « l’opinion » que la seule voie politique possible, pour s’opposer au burkini, N’EST PAS d’édicter une loi l’interdisant. Les Républicains se sont déjà engouffrés dans cette voie (désastreuse), il est temps de présenter de façon détaillée et convaincante la nécessité d’un débat public pris en charge par tous, d’une ferme réprobation envers tous ceux qui le défendent, y compris dans nos rues et notre entourage familier. Une attitude active lors de nos sorties dans « l’espace public », fondée sur nos valeurs et non sur les facilités racistes. Depuis deux ou trois ans, je risque des interventions de ce genre dans les autobus marseillais, le résultat est étonnamment positif.

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    1. Catherine Kintzler Auteur de l’article

      Nécessité d’un débat public et réprobation avec argumentation, oui bien sûr je pense que c’est ce qu’il faut faire. Il est donc nécessaire de réunir et de forger des arguments pour le débat politique.

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      1. Jeanne Favret-Saada

        Oui, bien sûr, mais j’avais à l’esprit une façon d’être présent(e) dans l’espace collectif. Depuis une quinzaine d’années, plutôt que de subir en essayant de ne rien voir, j’ai développé un style de commentaire, sur un ton très calme, quasi-clinique, consistant à nommer les situations d’incivilité, le non-partage de lieux, etc. Cela produit des effets excellents.
        Dans le cas précis des vêtements « islamiques », la première étape est de regarder qui ne veut pas l’être (y compris des hommes en khamis, droit dans les yeux), et d’occuper sa place à tous les sens du terme, le corps et le regard, avec une parole retenue mais très précise.
        Ce que vous appelez un débat « public », c’est avec qui ? avec nos ahuris gaucho-toléros ?

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        1. Catherine Kintzler Auteur de l’article

          Je crois que je suis assez claire sur la nature de ce débat public : exposer en quoi il s’agit d’accoutumer, par banalisation d’une norme sociale, un projet politique totalitaire.
          Ce qui suppose aussi qu’on démonte la logique de l’excuse, qu’on connaît de longue date car elle a fonctionné aussi naguère pour excuser le stalinisme, le goulag, etc. Cette logique procède en deux temps 1° minimiser (ce n’est qu’un bout de chiffon, il y a des problèmes tellement plus graves !) 2° brandir et victimiser en le rendant intouchable un opprimé par essence (naguère le prolétariat, aujourd’hui le fantasme de l’ex-colonisé forcément « musulman ») à des fins de culpabilisation et de neutralisation de toute pensée critique.

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          1. Jeanne Favret-Saada

            Mes remarques visaient à souligner l’aspect infra-discursif d’échanges politiques possibles. Avec ceux de nos concitoyens qui, bon gré mal gré, se laissent embringuer dans la nouvelle norme « islamique » sans voir ou admettre qu’elle est salafiste et politique, un « débat public » proprement dit n’est en général pas possible. Nous pouvons toutefois faire passer l’équivalent d’arguments rationnels (du genre : nous avons à co-exister dans un même espace matériel, civique, moral et politique) par d’autres moyens d’expression. Un constat fait à haute voix du genre « J’ai aussi deux jambes », assorti d’un mouvement pour repousser celles, très largement écartées, d’un barbu en khamis dans le métro, n’ouvre sur aucun « débat public » : l’homme rabat précipitamment ses guibolles, l’assistance observe avec intérêt si je vais prendre une baffe, il n’ose évidemment pas, et pour finir, rien ne paraît s’être passé. C’est pourtant une forme de « débat public ». Mon exemple évoque un bénéficiaire de la nouvelle coutume « islamique », qui n’ignore peut-être pas sa visée politique, mais les choses ne sont pas différentes avec celles qui ne la voient pas.

  2. daniel adam

    Le burkini est bien un problème politique, mais en aucun cas le problème de laïcité. La religion relève de la liberté de conscience et le libre exercice de celle-ci est garanti par la loi de 1905. Collectivement, nous avons à vivre ensemble. Or, nous constatons que CE problème du burkini n’est pas la liberté de conscience, mais la porosité existant entre la religion et la politique, car leurs « champs » ne sont pas indépendants l’un de l’autre. Les cathos de la » manif pour tous » nous réservent d’autres surprises…. politiquement parlant . Il suffit de rappeler ici le comportement « réel » et « antilaïque » du FN , puisque la nièce de la « BRUNE » estime que la religion catholique est supérieure à celle des musulmans !
    Et c’est au nom de « leur » religion que ses élus européens votent contre le droit des femmes à une véritable IVG.
    Dans le désordre actuel, il est donc indispensable de réaffirmer le caractère universel et indivisible des droits de la femme, de l’homme et de l’enfant.

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  3. Jeanne Favret-Saada

    Excusez-moi d’intervenir encore dans ce débat, cette fois par des réflexions issues de nombreuses conversations avec des femmes « musulmanes » marseillaises.
    La propagation des façons de se vêtir salafistes constitue certes un projet civique et politique, mais elle est toujours présentée comme un projet religieux : ne sont exigées que la pratique de la modestie et de la pudeur, l’engagement dans la pratique pluri-quotidienne de la prière, l’abstention des façons d’être impies (occidentales), etc. Au surplus, cette diffusion n’implique pas toujours l’exercice de la violence directe (un époux sur sa femme, un père sur sa fille, un frère sur sa sœur). Elle est souvent portée par la rumeur locale, les liens de voisinage, les sous-entendus des commerçants, etc… qui annoncent ce qu’une femme honnête peut ou ne peut pas faire désormais dans l’espace social où vivent les « musulmans », et qui s’impose en quelques mois.
    Nous avons donc affaire à une nouvelle norme (disons, salafiste), en voie de devenir la norme islamique. Sur les — mettons — cinq millions de « nés musulmans », quelques dizaines de milliers seulement adhèrent à la politique jihadiste ; tous les autres se pensent apolitiques, tout en se conformant inexorablement à la nouvelle norme islamique. Parmi eux, des filles et des femmes ont le sentiment de l’avoir adoptée librement, c’est-à-dire contre le vœu de leurs oppresseurs directs, ainsi que contre « la France raciste ». Même celles qui refusent explicitement tel élément de la nouvelle norme (telle femme que son époux a quittée parce qu’elle refusait de se voiler) se conforment néanmoins à ses autres aspects, de façon modérée : en portant quelque chose qui finit par ressembler à un voile, en pratiquant la prière cinq fois par jour, en donnant des signes de respect de la norme « islamique », etc.

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    1. Roro

      Bonjour,
      le problème n’a jamais été le vêtement, ou si peu. Le problème est que ce vêtement est un uniforme dans le sens que je donne à « uniforme ». C’est à dire le vecteur d’un choix politique. Ici l’islam politique

      Il n’y a que deux possibilités pour porter ce vêtement:
      – le choisir par provocation, c’est le cas de ces jeunes qui croient lutter contre la France raciste alors qu’elle ne font que la renforcer. La meilleure solution pour ces femmes est de réussir socialement pour damer le pion de leur adversaire et annoncer que la femme discriminer peut exceller.
      – le choisir par conscience religieuse, ce qui revient à un choix politique puisque l’islam est une politique. On retombe dans l’uniforme.

      De plus, il ne faut pas être dupe du fonctionnement de l’islam moderne. L’orthodoxie, le rigorisme sunnite est un mouvement millénaire qui émerge en 1038 et voit sa victoire en 1453 avec la chute de Byzance sous l’impulsion ottomane.
      Aujourd’hui il est en passe de truster l’ensemble de l’islam européen et orientale. C’est pourquoi les premières victimes des attentats sont des musulmans. C’est pourquoi les terroristes islamiques n’ont aucuns scrupules à abattre leur coreligionnaire. C’est encore la raison de l’établissement de nouvelles normes sociales qui ne sont que le préalable à l’installation d’une soft charia. Soft charia qui précèdera l’installation définitive du sunnisme triomphant.

      La laïcité n’est pas l’adversaire de l’islam politique elle est son cheval de Troie. Ce que l’on pensait être un rempart contre le catholicisme est un outil mal conçu pour lutter contre une religion de ce type.
      Le combat est à mener dans le champ du dialogue mais il est à mener sur d’autres front. Notamment celui de la loi et de la réaffirmation sans aucune concession possible de la patrie. Par patrie j’entends le faisceau de valeurs qui fait de nous des français et pas des hindous par exemple.

      Réaffirmer la patrie comme première ce n’est pas sombrer dans une idéologie morbide c’est affirmer une identité. C’est retrouver les éléments qui font de l’autre un même et pas un étranger. C’est affirmer sans honte et compromis une intolérance à l’égard de l’opposé dans un perspective ouverte à la différence. C’est simplement affirmer le droit du peuple à s’autodéterminer et le droit fondamental à défendre ce qu’il croit être.

      Pour finir, la laïcité à cru mettre à sa bonne place la religion. Au passage elle a mis au ban la nation sous prétexte de n’être qu’un credo.
      Plus précisément elle a subordonné la nation à l’état. Or c’est la nation qui est première, sans elle, l’état n’est qu’une coquille vide.
      De nos jour il reste un état sur les débris d’une nation. Rien ne peut plus émerger de cela. Soit la nation revit soit elle disparaîtra entrainant l’état dans sa suite.

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      1. Catherine Kintzler Auteur de l’article

        Je me permets de répondre pour mon propre compte dans la mesure où votre commentaire est posté sur un article que j’ai signé.

        – Comme j’ai essayé de le montrer dans les deux livres que j’ai consacrés au sujet, la laïcité est diamétralement opposée à la partie civile des religions et conséquemment à toute religion civile. Cela ne signifie pas qu’elle doit bannir la notion même de « nation » qui, dans son sens politique employé notamment par la Déclaration des droits de 1789, ne se réfère pas à un lien à modèle religieux. Votre remarque repose donc sur un contresens : le concept de laïcité ne s’oppose qu’à la modélisation du lien politique par le lien religieux, mais suppose au contraire la constitution d’un lien politique autoconstituant ne devant rien à un lien préalable (qu’il soit religieux, ethnique, « identitaire », etc.) ; c’est ce lien qui reçoit, dans le vocabulaire politique installé par la Révolution française, le nom de « nation ».

        – Les grandes lois laïques protègent la liberté de conscience, dont la liberté des cultes est un cas particulier. Mais en protégeant les religions de l’Etat, elles protègent aussi l’Etat des religions… elles comportent un volet de contrôle de l’abus de la liberté des cultes, dans le cadre du droit commun. Il serait urgent d’appliquer ces lois laïques dans toute leur rigueur (par exemple l’article 35 de la loi du 9 décembre 1905), et de cesser leur détournement et leur contournement (notamment en ce qui concerne le financement d’activités cultuelles, et par le « clientélisme » local). Je vous renvoie, pour plus de détails sur ces contournements, au livre de Frédérique de La Morena Les frontières de la laïcité, dont vous trouverez une recension sur ce site http://www.mezetulle.fr/frontieres-de-laicite-de-f-de-morena/. En tout état de cause, l’arsenal « répressif » n’est pas négligeable en la matière, encore faut-il avoir la volonté politique d’y recourir.

        – Je ne pense pas que pour combattre un communautarisme il soit opportun d’en promouvoir un autre sur une base « identitaire » : ce serait précisément la ruine du concept politique de nation.

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      2. Jeanne Favret-Saada

        Catherine Kintzler vous a excellement répondu sur la question de l’identité, du patriotisme, etc… dans leur relation avec la laïcité. Il me reste donc à vous répondre sur l’islam. Quel savoir supérieur vous permet d’identifier, par principe, « l’islam » et « la politique » ? de dire qu’il en a toujours été ainsi et qu’il en sera toujours ainsi ? Souvenez-vous du « catholicisme », dont avant 1905 assez peu de Français pouvaient imaginer qu’il ne soit pas par essence une politique. Eh bien, on dirait qu’une certaine loi a ouvert sur d’autres « catholicismes » possibles, non politiques. S’ils sont orthodoxes, ce n’est pas mon problème : je suis athée. Mais cela permet d’imaginer la possibilité d’un islam non politique.

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  4. Auxenfans

    Pour comprendre les mécanismes historiques et institutionnels qui déterminent la particularité de la relation des pensées et vécus musulmans à la démocratie, je vous recommande le livre remarquable de Ali Mezghani, professeur à la Sorbonne d’histoire du droit dans les pays arabes: « L’État inachevé, la question du droit dans les pays arabes. » (NRF Gallimard 2011) http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-des-Sciences-humaines/L-Etat-inacheve. De mon côté, je vais essayer de faire acquérir l’un de vos livres à la médiathèque de ma ville. Entre les positions de Raphaël Liogier et les vôtres, il y a une grosse différence, de même qu’avec celle de Henri Pena Ruiz, toutes publiées dans l’Humanité, quotidien qui me fournit depuis huit ans un panorama de plus de cent chercheurs, universitaires, philosophes, historiens et sociologues éclairants. J’ai tenté d’écrire sur ces questions ici : http://desformespolitiques.eklablog.fr/

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