Il y a encore des Bastilles à prendre

« Écrasons l’infâme ! »

Au retour de la démonstration de puissance par un grand peuple qui s’est déployé dimanche 11 janvier pour dire son amour de la liberté en rendant hommage à ses héros et ses martyrs, je relisais ce poème de Victor Hugo.

Je suivais lentement, comme l’onde suit l’onde,
Tout ce peuple, songeant qu’il était dans le monde,
Certes, le fils aîné du vieux peuple romain,
Et qu’il avait un jour, d’un revers de sa main,
Déraciné du sol les tours de la Bastille.
Je m’arrêtai : le suisse avait fermé la grille.
(Victor Hugo, « Rêverie d’un passant à propos d’un roi », Les Feuilles d’automne)

Je me faisais la réflexion que l’arrêt par le suisse dans le poème n’est pas l’arrêt de l’action : il décrit parfaitement le réel incarné par la police hier, présente comme la condition de possibilité de cet immense déploiement de liberté. 

Ma réflexion se portait surtout sur les deux vers précédents. Oui ce grand peuple a déraciné les tours de la Bastille.

Mais suffira-t-il d’un revers de main pour déraciner les Bastilles qu’on voit s’édifier sous nos yeux depuis belle lurette ? Suffira-t-il d’un revers de main pour que les accusateurs bienpensants cessent de plastronner et de faire des leçons de morale progressiste, eux qui ont désigné aux tueurs, d’un index coupable, la cible prétendue « islamophobe » ? Est-ce d’un revers de main que nos concitoyens musulmans secoueront l’omerta qui depuis des années les amalgame, tout aussi coupablement, à ce que l’islam a de plus réactionnaire ? Suffira-t-il d’un revers de main pour que nos concitoyens de culture musulmane engagent massivement le travail critique sans lequel toute religion hégémonique cède à ses monstres ? Suffira-t-il d’un revers de main pour que ceux qui, parmi eux, effectuent ce travail au risque de leur vie, soient enfin entendus ? Quand cessera-t-on de cautionner le fanatisme au prétexte d’éviter la « stigmatisation » ? 

Plus que jamais le mot d’ordre voltairien « Écrasons l’infâme ! » est à l’ordre du jour.

 

 

8 thoughts on “Il y a encore des Bastilles à prendre

  1. Albarèdes

    euh, juste une remarque….Le terrorisme islamiste vécu à Paris (et alentours) a été mis en place par les capitaux et les structures organisationnelles de l’Arabie Saoudite et du Qatar , alliées des USA et amis du couple Sarko-Hollande, en Libye d’abord (j’oublie l’Afghanistan et le Pakistan) , en Iraq ensuite, en Syrie aussi et l’Etat Islamique d’Iraq et du Levant n’existe que par les capitaux qatariens, la vente du pétrole qu’il maîtrise et les réseaux financiers et bancaires qui lui permettent d’acheter les armes… Aller aux remèdes suppose de faire le bon diagnostic et de choisir le bon traitement…et la complicité réelle de la caste politicienne française et de l’Europe de Maastrich avec ces « Etats wahhabites » n’augure rien de bon pour la suite. Faut-il rappelr ici que les fonds souverains du Qatar alimentent maintes entreprises « de France », soutiennent une chaîne de télévision et des clubs sportifs, permettent d’acquérir un patrimoine foncier important sur le sol de France…et vous voulez que le pouvoir en place, à l’image de son prédécesseur, agisse fermement contre les dérives de ce qui procède directement de l’idéologie qu’il nourrit directement?

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  2. Jean-ollivier

    On entend aujourd’hui par fanatisme une folie religieuse, sombre et cruelle. C’est une maladie de l’esprit qui se gagne comme la petite vérole. Les livres la communiquent beaucoup moins que les assemblées et les discours. On s’échauffe rarement en lisant : car alors on peut avoir le sens rassis. Mais quand un homme ardent et d’une imagination forte parle à des imaginations faibles, ses yeux sont en feu, et ce feu se communique; ses tons, ses gestes, ébranlent tous les nerfs des auditeurs. Il crie : « Dieu vous regarde, sacrifiez ce qui n’est qu’humain ; combattez les combats du Seigneur ! » et on va combattre. ?Le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère. ? Celui qui a des extases, des visions, qui prend des songes pour des réalités, et ses imaginations pour des prophéties, est un fanatique novice qui donne de grandes espérances ; il pourra bientôt tuer pour l’amour de Dieu. […] ? Il n’est d’autre remède à cette maladie épidémique que l’esprit philosophique, qui, répandu de proche en proche, adoucit enfin les mœurs des hommes, et qui prévient les accès du mal; car dès que ce mal fait des progrès, il faut fuir et attendre que l’air soit purifié. Les lois et la religion ne suffisent, pas contre la peste des âmes ; la religion, loin d’être pour elles un aliment salutaire, se tourne en poison dans les cerveaux infectés. […] ?Les lois sont encore très impuissantes contre ces accès de rage : c’est comme si vous lisiez un arrêt du conseil à un frénétique. Ces gens-là sont persuadés que l’esprit saint qui les pénètre est au-dessus des lois, que leur enthousiasme est la seule loi qu’ils doivent entendre. ?Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ? ? Lorsqu’une fois le fanatisme a gangrené un cerveau, la maladie est presque incurable.
    c’est de Voltaire, bien sûr Dictionnaire philosophique portatif (1764)

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    1. Mezetulle

      Je vous remercie infiniment pour ce rappel plus que salutaire. J’ai repris aujourd’hui un passage pour le placer en tête de site, en mémoire des victimes assassinées les 7, 8 et 9 janvier.

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  3. Incognitototo

    Des Bastilles ?

    Je pense que nous aurions tort de focaliser sur les délires islamistes… Il faudrait élargir les questions à tous les phénomènes fascistes, y inclus à ceux que notre démocratie va probablement voter pour s’en défendre…

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    1. Mezetulle

      Bonsoir Incognitototo,

      17 personnes assassinées délibérément sur programme : caricaturistes « blasphémateurs », policiers, juifs… ça ne suffit pas? on exagère ?

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      1. Incognitototo

        Bonsoir Mezetulle,

        ??? Qui a dit ça ? Sûrement pas moi… Je dis juste, comme nous l’avons déjà évoqué lors d’un débat, que je pense notre Constitution bien mal armée pour se défendre de ceux qui veulent l’abattre… parce qu’il n’y a pas que les « nazislamistes » dans le lot, dont nous devons nous défendre…

        P.-S. : Apparemment la signification de nouveaux commentaires ne fonctionne pas…

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        1. Mezetulle

          Bonjour Incognitototo,

          Oui, bien sûr, si le fascisme se réduisait à une seule forme, il serait facile de le combattre. Mais pour les armes juridiques, j’entendais ce matin à la radio un juriste qui pensait que nous ne sommes pas si démunis – il s’agirait déjà d’appliquer les lois dans toute leur rigueur.
          Pour la notification des coms, non ça n’a pas l’air de fonctionner, je n’ai pas encore tout ça très bien en main.

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  4. Christian Jean (pierrot la tombal)

    Un grand moment que je n’étais pas passé vous lire chère Catherine. Il aura fallu leur sang dans l’encrier de quelques potaches indécrottables et urbulents pour que je revienne vers vous…Malgré la tristesse et l’effroi, c’est vraiment un grand bonheur de parcourir vos mots sur nos maux…
    Continuez!

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