La langue française : reflet et instrument du sexisme ?

En s’appuyant sur la lecture d’un ouvrage de Marina Yaguello, André Perrin examine la thèse selon laquelle la langue serait à la fois le reflet d’une société sexiste et son agent. Cet examen conduit notamment à récuser les attendus tirés de l’histoire de la langue en faveur de féminisations forcées : car s’il est vrai que les noms féminins de métiers et de fonctions ont pu être jadis plus nombreux qu’ils ne le sont aujourd’hui, il serait erroné d’en conclure que les droits des femmes étaient alors davantage reconnus.
Cela (entre autres arguments) fait qu’on peut non seulement s’interroger sur la pertinence d’une corrélation entre langue et sexisme dans la société, mais aussi, généralement, sur la légitimité et la valeur d’une action volontariste sur la langue.

Le 7 octobre dernier à l’Assemblée Nationale le député Julien Aubert qui persistait à appeler Mme Sandrine Mazetier, vice-présidente de l’Assemblée et présidente de séance, «Madame le président » ou « Madame » et non « Madame la présidente » comme celle-ci l’exigeait, a fait l’objet d’un rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal de la part de cette parlementaire, sanction qui lui a valu d’être privé du quart de son indemnité mensuelle, soit 1400 euros environ. D’aucuns, en particulier dans les milieux les plus réactionnaires de l’Éducation nationale, regretteront qu’on ne puisse priver du quart de leur argent de poche mensuel des collégiens et des lycéens qui s’obstinent à confondre le futur et le conditionnel ou l’infinitif et le passé composé, plutôt qu’un député qui prétendait, lui, se conformer aux règles de l’Académie française. D’autres mettront en doute la solidité du fondement juridique de cette sanction : l’article 19 alinéa 3 du règlement qui a été invoqué pour l’infliger concernait en effet les comptes rendus des séances et s’adressait par conséquent aux fonctionnaires chargés de rédiger ceux-ci, non aux parlementaires durant leurs débats1.

Toujours est-il que cet incident nous ramène aux récents articles que Catherine Kintzler, Alain Champseix et Jorge Morales ont consacrés aux rapports du sexe et du genre dans la langue et à la féminisation forcée. Nous ne reviendrons pas sur un certain nombre de points qui nous paraissent acquis : on aura beau regarder le soleil et la mort en face, le soleil n’a pas de sexe, qui est masculin en français et féminin en allemand, et la mort pas davantage, désignée par un mot de genre féminin en français et masculin en allemand. Toutefois cet arbitraire ne concerne pas les seuls êtres inanimés. Le pou, le grillon et le homard ne sont pas forcément des mâles, de même que les hirondelles, les panthères, les girafes ou les mouches ne sont pas toujours des femelles. Et dans le monde humain si nous disons qu’un homme a été la victime d’une agression, pourquoi une femme ne pourrait-elle pas en être le témoin ? Si le premier n’hésite pas à dire de son agresseur que c’est une canaille, une crapule ou une fripouille, pourquoi ne pourrait-il pas présenter son épouse comme un parangon de vertu ? Quant au grand saint Éloi, s’adressant à son roi, il n’hésite pas à lui signifier que sa Majesté est mal culottée. Il est toutefois exact que les noms masculins qui servent à désigner des êtres de sexe féminin sont plus nombreux que les noms féminins qui désignent des êtres de sexe masculin et c’est sur ce constat qu’on s’appuie généralement pour qualifier la langue de sexiste, c’est-à-dire de « machiste », et parfois pour réclamer qu’on impose par la force du droit la féminisation des noms. Ce sont ces deux points que nous nous proposons d’examiner ici : quelle est la valeur d’une action volontariste sur la langue ? Et quelle est la valeur de la théorie qui fonde ce projet, celle d’une langue qui serait à la fois le reflet d’une société sexiste et son auxiliaire ou son agent ?

Les lignes qui suivent doivent beaucoup à la lecture du livre de Marina Yaguello Les mots et les femmes (Payot, 1978, Petite bibliothèque Payot 1982). Marina Yaguello, professeur émérite à l’Université de Paris VII, éminente linguiste, féministe, a publié une douzaine d’ouvrages dont la lecture est aussi agréable qu’instructive et qui sont des modèles de clarté pédagogique. Si nous nous écartons à plusieurs reprises de ses conceptions ou de ses conclusions, nous n’en avons pas moins énormément appris en la lisant.

1 – La langue est-elle sexiste ? La théorie de la langue-reflet

A la différence du langage, faculté universelle, la langue est particulière : elle se définit comme le système des règles et des signes qui permettent de communiquer dans une société donnée. Il n’y a donc aucune difficulté de principe à concevoir que chaque langue reflète la pratique sociale des individus qui la parlent. Ainsi nous comprenons sans difficulté pourquoi la langue arabe dispose de « plusieurs centaines de mots pour faire, parmi les chameaux, des distinctions qui nous étonnent et nous échappent, là où nous disposons seulement de chameau, chamelle et parfois chamelon »2. Si donc une société assigne à l’homme et à la femme des rôles ou des statuts différents et hiérarchisés, si elle accorde davantage de dignité ou de prestige à l’un des deux sexes, en un mot si elle procède à des discriminations sexistes, il n’y aura rien d’étonnant à ce que l’on retrouve la trace de ces discriminations dans la langue sous la forme de dissymétries syntaxiques et sémantiques. Ce n’est donc pas la plausibilité de la théorie de la langue-reflet qu’il s’agit de discuter, mais plutôt la validité des arguments qui ont été utilisés pour l’étayer dans les débats récents. Le premier d’entre eux est que la langue répugne à donner un féminin aux noms des métiers les plus prestigieux (ingénieur, médecin, recteur, professeur, chef d’entreprise) tandis que, comme l’écrit une commentatrice d’un des articles cités plus haut, « ce sont les petits métiers ou professions qui se laissent naturellement féminiser »3. Le second est celui de l’absorption du féminin par le masculin qui se manifeste d’une part à travers la règle grammaticale en vertu de laquelle « le masculin l’emporte sur le féminin », d’autre part à travers la valeur générique du vocable homme :  « L’homme a détourné à son profit le mot qui désignait l’espèce. On peut considérer que cette identification […] entre le mâle et l’espèce est à la fois le résultat d’une mentalité sexiste et le moyen par lequel elle survit », écrit Marina Yaguello4.

Hiérarchie des professions et féminisation

En premier lieu il n’est pas assuré que la langue répugne à donner un féminin aux noms des métiers les plus prestigieux. Le site Career Cat a publié les résultats d’une enquête qui a abouti au classement de 200 métiers du plus prisé au moins prisé5. En tête de liste on trouve Ingénieur logiciel, Actuaire, Mathématicien, Statisticien, Analyste de systèmes, Météorologue, Biologiste, Historien, Sociologue, Physicien, Analyste financier, Philosophe, Économiste, Astronome … On constate sans peine que la plupart de ces noms se laissent plus aisément féminiser que la plupart de ceux qui se trouvent en queue de liste : Pompier, Marin, Peintre en bâtiment, Soudeur, Chauffeur de taxi, Couvreur, Bûcheron, Docker, Manœuvre … On pourra toujours contester les résultats de cette enquête, réalisée dans un milieu anglo-saxon, mais c’est un fait que les professions intellectuelles sont généralement plus « prestigieuses » que les métiers manuels. Or en français les noms qui les désignent sont souvent formés au moyen d’un suffixe tiré du grec logos, la science. C’est le cas en particulier de la plupart de ceux qui correspondent aux spécialités médicales. On ne dira jamais d’une femme qui exerce la profession de cardiologue ou de gynécologue qu’elle est un cardiologue ou un gynécologue, et elle ne le dira jamais non plus d’elle-même. C’est en revanche pour la profession de médecin généraliste – pas plus prestigieuse pourtant que celle de spécialiste – que le problème de la féminisation se pose car là aucune solution n’est satisfaisante. On ne peut dire une médecine, le mot étant déjà « pris » et une doctoresse se heurte à deux difficultés. D’une part le suffixe –esse souffre d’une connotation dépréciative, ce sur quoi nous reviendrons plus loin, et d’autre part il correspond au mot docteur qui ne signifie pas une profession, mais un titre universitaire. On peut être docteur en médecine sans être médecin – c’était le cas de Georges Canguilhem et c’est celui de François Dagognet – et l’on peut également être docteur en philosophie, en droit ou en géographie. Dès lors si l’on veut bien admettre que le professeur est à l’instituteur ce que le médecin spécialiste est au médecin généraliste, on ne pourra pas non plus soutenir que c’est pour des raisons de prestige que le mot professeur se laisse plus malaisément féminiser en professeuse ou professeure que le mot instituteur en institutrice. Comme le dit Claude Hagège : « il n’est pas vrai que la norme française d’aujourd’hui […] puisse former si naturellement des féminins »6.

Quels sont donc les obstacles que la norme française d’aujourd’hui oppose à la formation des féminins ? Il y a en premier lieu les cas où la dérivation est difficile parce que le féminin potentiel est déjà « occupé » par une autre signification. On a rencontré plus haut le cas de médecine. Marina Yaguello cite ceux de fraiseuse et de balayeuse qui désignent des outils et ceux des mots qui changent de sens selon qu’ils désignent un animé ou un inanimé, tels manœuvre ou critique. Et lorsque le trompette du régiment est une femme, faut-il l’appeler la trompette ? Là encore le prestige social n’y est pour rien : s’il est prestigieux d’être critique aux Cahiers du cinéma, il l’est beaucoup moins d’être manœuvre ou trompette du régiment.

Ces obstacles ne sont pas décisifs aux yeux de Marina Yaguello : « rien n’empêche d’appeler cuisinière une femme qui fait la cuisine, malgré l’existence de l’appareil ménager du même nom et nul ne songerait à confondre une balayeuse (femme) avec une machine. La langue s’accommode d’ambiguïtés beaucoup plus graves »7. Il y a cependant un second obstacle qui tient à ce que « la formation des noms d’agent par suffixation […] donne souvent lieu à des connotations dépréciatives pour le féminin »8. C’est le cas du suffixe –ette que l’anglais a emprunté au français pour former kitchenette, laundrette, suffragette et qui « prend volontiers une valeur diminutive et péjorative. Le mot professorette est apparu à Berkeley vers 1950 pour désigner une assistante d’enseignement (teaching assistant) »9. C’est aussi le cas en français avec le suffixe –esse que Rabelais utilisait déjà de façon ironique et dont l’évolution historique a fait une arme de dérision : « A partir du moment où le suffixe –esse est perçu comme péjoratif pour les femmes, il change de fonction : il n’indique plus le féminin mais la dérision, dérision envers la femme qui singe l’homme »10.

S’il y a eu évolution historique, c’est qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Au Moyen Âge le suffixe –esse était applicable à tous les noms d’agent et avec de multiples variantes, de sorte que le féminin de mire (le médecin) pouvait être aussi bien miresse que mireresse ou mirgesse. Au XVIe siècle médecine a été utilisé au sens de femme de médecin. Marina Yaguello note que « De nombreux féminins ont disparu ; ainsi : vainqueresse, jugesse, miresse, bourelle (de bourreau), charlatane, tyranne, librairesse, chasseresse … »11. Il y avait aussi au Moyen Âge des tisserandes, des gantières, des chapelières, des tapissières, des heaulmières, des savetières, des saucissières, des coutelières, des chaudronnières, des potières, des joaillères, des tailleresses d’or, des fromagères, des tavernières, des hôtelières et, s’agissant ici non plus de métiers mais de fonctions, des prudes femmes investies des mêmes prérogatives que les prud’hommes12. Ce constat pose alors un redoutable problème à la théorie de la langue-reflet : ne faut-il pas en conclure que les sociétés d’ancien régime étaient moins « sexistes » ou plus « féministes » que la nôtre ? Il y aurait là de quoi faire réfléchir celles et ceux qui ont coutume de dénoncer la mentalité « moyenâgeuse » des phallocrates et des machistes. Plus qu’au sexisme, c’est au conservatisme que Marina Yaguello attribue la difficulté de la formation des féminins : « La France a une lourde tradition d’académisme, de purisme et de contrôle sur la langue. Cette situation, on le sait, date de la création de l’Académie française. La question des noms d’agent illustre parfaitement, la grammaire historique nous le montre, le contraste entre la langue pré-académique et la langue post-académique »13. La langue académique ne s’oppose pas seulement à la langue pré-académique, mais aussi à la langue populaire dont Marina Yaguello et Claude Hagège s’accordent à reconnaître qu’elle est infiniment moins réticente à former des féminins : « Il en va autrement, certes, en français parlé, beaucoup moins bridé par les interdits académiques et par conséquent fidèle encore à une tradition préclassique », écrit Claude Hagège14. Cette observation redouble la difficulté évoquée plus haut : pour sauver la théorie de la langue-reflet il faudrait admettre non seulement que les sociétés d’ancien régime étaient plus féministes que la nôtre, mais encore qu’on trouve moins de préjugés et de stéréotypes sexistes dans les classes populaires que du côté des élites. Et l’on s’expose à une objection du même type quand on oppose à la langue française, sexiste, forcément sexiste, la langue espagnole qui dérive tout naturellement le féminin du masculin par suffixation du a : jefe (le chef) donne jefa, ingenior, ingeniora, profesor, profesora, doctor, doctora, medico, medica, arquitecto, arquitecta, director, directora, ministro, ministra, embajador, embajadora, juez (le juge), jueza, procurador, procuradora, abogado (l’avocat), abogada, etc. Faut-il en conclure qu’en dépit de l’origine du mot macho la société espagnole, depuis aussi longtemps qu’on y parle le castillan, est moins machiste et plus égalitaire que la société française ?

Pourtant le conservatisme, cet obstacle externe à la formation des féminins, ne peut être imputé à la seule Académie française. En 1922 Ferdinand Brunot observait déjà : « Ce qui augmente la difficulté, c’est que beaucoup de femmes croiraient n’avoir rien obtenu si l’assimilation n’était pas complète. Elles veulent porter tout crus des titres d’homme »15. Ainsi Madame de Genlis qui avait été chargée de l’éducation des fils du duc d’Orléans, et en particulier du futur Louis-Philippe, entendait bien en être le gouverneur et non la gouvernante. A l’instar de Madame de Genlis et à la différence de la vice-présidente Mazetier, un certain nombre de femmes qui occupent des postes éminents souhaitent ce que Ferdinand Brunot considérait comme une assimilation complète, même si, à ce que l’on sache, aucune d’entre elles n’a jusqu’ici mis à l’amende celles et ceux qui leur refusent cette satisfaction. Marina Yaguello reprend à son compte ce constat : « souvent, ayant intériorisé la hiérarchie sociale, les femmes sont les premières à faire obstacle à la féminisation des noms d’agent. Se faisant une place minoritaire, exceptionnelle, conquise de haute lutte, dans les domaines réservés aux hommes, elles continuent à considérer ces domaines comme masculins »16.

Cependant si ces femmes s’opposent à la féminisation des noms d’agent, c’est peut-être parce qu’elles perçoivent que celle-ci est corrélative d’une dépréciation de la profession ou de la fonction dès lors que la langue souligne qu’elle est exercée par une femme. Ainsi les féministes américaines ont mis en évidence que « les noms d’agent conférant un prestige ou encore qui sont réservés aux hommes sont souvent précédés de woman, lady, ou female, lorsqu’il s’agit de femmes »17. On dira ainsi a lady-analyst pour désigner une psychanalyste ou a woman-doctor pour une femme qui exerce la profession de médecin. Comme on ne dit pas a gentleman-analyst ni a man-doctor, ces féministes protestent contre une féminisation qui, soulignant la différence, suggère une moindre compétence et certaines « vont jusqu’à réclamer la suppression de tous les féminins en –ess ou -ette (ce qui amènerait à dire par exemple :  » she is an actor  ») »18. Ces revendications qui, en refusant qu’on introduise dans la langue une visibilité du féminin, s’opposent diamétralement à celles auxquelles nous sommes accoutumés, ont le mérite de mettre en évidence un point important : là où l’on dispose de noms de métiers épicènes, ce qui semble être l’idéal dans une perspective égalitaire, on éprouve le besoin de « marquer » le féminin pour le démarquer du masculin. Tout se passe paradoxalement comme si là où la langue ne reflète pas naturellement les inégalités de la société on s’employait à ce qu’elle les reflétât. Une dernière observation conduira dans le même sens à révoquer en doute la théorie de la langue-reflet. Alors qu’en anglais le suffixe –er est strictement épicène, « il semble qu’une différenciation insidieuse se fasse dans l’esprit des locuteurs sur la base des rôles masculins et féminins dans la société. Ainsi baby-sitter sera perçu comme féminin, alors que par exemple writer,  »écrivain », et philosopher seront perçus comme masculins »19. S’il en est ainsi, loin que la langue reflète une pratique sociale inégalitaire, c’est celle-ci qui se rebelle contre l’égalitarisme mensonger de celle-là et conduit les locuteurs à penser contre la langue qu’ils parlent.

L’absorption du féminin par le masculin

Les règles d’accord

Tous les écoliers ont appris qu’en français « le masculin l’emporte sur le féminin », expression malencontreuse comme l’a rappelé Catherine Kintzler20, car ce qui l’emporte au pluriel c’est non pas le masculin mais l’absence de marque de genre. En effet dans une langue où le neutre n’existe pas le masculin ne renvoie pas seulement à un être de genre masculin, mais aussi à un ensemble dont le genre est indéterminé : « Le masculin est le genre indifférencié » écrivent les grammairiens Wagner et Pinchon21. On parle aussi de genre par défaut, de genre non marqué ou de genre extensif. En d’autres termes le masculin tient lieu de neutre. On objectera peut-être que cela ne change rien, que si c’est le masculin et non le féminin qui est le genre extensif, habilité à représenter la totalité, ce n’est pas l’effet d’un hasard mais celui de la domination masculine dans la société. L’objection est recevable à condition qu’on en tire toutes les conséquences dans le cas des langues où le masculin ne l’emporte pas sur le féminin. Ainsi en allemand les déterminatifs der, kein, dieser, jener, welcher prennent au pluriel la forme du féminin et le pronom er (il) se féminise en sie au pluriel. Dire en allemand : « Dieser Junge und dieses Mädchen sind verliebt, sie küssen sich », c’est comme si l’on disait en français : « Ce garçon et cette fille sont amoureux, elles s’embrassent ». Faut-il en conclure à la domination féminine chez nos amis teutons ? De même le hongrois ne fait pas de distinction de genre pour le pronom à la troisième personne : ö signifie indistinctement il/lui/elle et ök ils/eux/elles. Et en iroquois, loin que le masculin l’emporte sur le féminin, c’est tout à l’inverse le féminin qui fait office de générique.

Un certain nombre de féministes réclament qu’on substitue à la règle d’accord qui veut qu’au pluriel le masculin l’emporte sur le féminin une règle dite de voisinage ou de proximité en vertu de laquelle l’adjectif s’accorderait en genre et en nombre avec le plus proche des noms qu’il qualifie et le verbe avec le plus proche de ses sujets. Or cette règle a existé en latin et en ancien français. En latin l’adjectif épithète de plusieurs noms s’accorde seulement avec le plus rapproché. C’est conformément à cette règle qu’on dira Bonus pater et mater et Bona mater et pater. Cet accord subsiste au XVIe siècle, par exemple chez Agrippa d’Aubigné : « Portant à leur palais bras et mains innocentes » (Les Tragiques III, 203) et chez Ronsard : « Au ciel est revollée et justice et raison » (Discours des misères de ce temps v. 182) et encore au XVIIe chez Corneille : « Sa bonté, son pouvoir, sa justice est immense » (Polyeucte v. 849) et chez Racine : « Armez-vous d’un courage et d’une foi nouvelle » (Athalie v. 1269).

Que peut-on en conclure sur les rapports de la langue et de la société ? Dans le cas de l’iroquois où le féminin sert de générique, c’est-à-dire, dans notre langage, l’emporte sur le masculin, on pourrait être tenté de dire que la langue iroquoise reflète une société matrilocale et matrilinéaire dans laquelle les femmes non seulement exercent l’autorité sur les enfants, mais disposent d’un pouvoir économique et politique important puisqu’elles possèdent les terres et choisissent les chefs de clan. Malheureusement, comme le fait remarquer Marina Yaguello, « on ne peut pas dire que la langue iroquoise soit non sexiste car par ailleurs elle classe les femmes dans les inanimés »22. Et en effet la plupart des féministes, fussent-elles parfaitement matérialistes et athées, goûtent peu qu’on dénie à la femme la possession d’une âme… Et puis faut-il admettre que la domination masculine est inconnue en Allemagne et en Hongrie ? Faut-il croire que dans les sociétés d’ancien régime dont la langue pratiquait l’accord de proximité les rapports entre les sexes étaient plus égalitaires que dans la société française du XXIe siècle ? Sans doute peut-on admettre que la femme jouissait au Moyen Âge d’un statut plus favorable que dans les siècles qui l’ont immédiatement suivi : il est vrai que le progrès du droit romain a représenté pour elle une régression et c’est un édit du Parlement daté de 1593 qui lui a interdit toute fonction dans l’État. Il serait toutefois beaucoup plus difficile de montrer que la syntaxe phallocratique qui s’est imposée depuis l’abbé Bouhours et Nicolas Beauzée a interdit tout progrès de l’égalité et de la liberté et que les rapports entre les sexes sont plus inégalitaires aujourd’hui qu’à l’époque de Corneille et de Racine.

L’humain, le masculin et le féminin

S’agissant de la valeur générique du mot homme qui désigne à la fois l’être humain en général et l’être humain de sexe masculin, Marina Yaguello s’expose à la même objection lorsqu’elle affirme que cette identification entre le mâle et l’espèce « est à la fois le résultat d’une mentalité sexiste et le moyen par lequel elle survit »23 car pour qu’on puisse accorder à cette proposition un minimum de consistance théorique, il faudrait pouvoir montrer que les sociétés dont les langues ne procèdent pas à cette identification ont une mentalité moins sexiste que les autres. Or l’allemand distingue Mensch et Mann, le latin homo et vir, le grec άνθρωπος (anthropos) et άνήρ (aner). Peut-on sérieusement soutenir que la mentalité de notre société est plus sexiste que celle de la civilisation grecque où la femme était une éternelle mineure, toute sa vie sous la dépendance d’un κύριος (Kyrios = maître), son père, son mari, voire son fils si elle devenait veuve, exclue de la vie de la cité davantage encore que l’esclave qui, lui, pouvait devenir citoyen s’il était affranchi ?

2 – L’action volontariste sur la langue

Le projet d’une action volontariste sur la langue ne se fonde pas seulement sur le présupposé selon lequel celle-ci reflète les inégalités inscrites dans la société car un reflet est purement passif : on n’a jamais fait maigrir un obèse en mettant son ombre à la diète. Il faut de surcroît attribuer au sexisme de la langue une vertu active, celle d’engendrer, d’entretenir, de développer des stéréotypes qui renforcent les inégalités réelles. Ainsi la féministe Hubertine Auclert disait déjà à la fin du XIXe siècle : « L’absence du féminin dans le dictionnaire a pour résultat l’absence dans le code des droits féminins »24. C’est apparemment dans un sens analogue qu’une commentatrice d’un article d’Alain Champseix, légitimement préoccupée par l’orientation professionnelle des jeunes filles, écrivait : « L’enjeu de la féminisation des noms de tous les métiers est de convaincre les jeunes filles que tous les métiers sont accessibles, ou tout au moins leur faire apparaître que certains métiers (les plus valorisés et prestigieux) ne sont pas réservés aux seuls hommes »25. Mais qu’est-ce qui autorise à penser que les femmes sont dissuadées de s’orienter vers certains métiers ou professions du fait que ceux-ci sont désignés par des mots de genre masculin ? Le français ne connaît pas de féminin au mot peintre tandis que l’italien dispose de pittrice : y a-t-il eu davantage d’Artemisia Gentileschi que d’Élisabeth Vigée-Lebrun et de Berthe Morisot ? Le mot autrice était courant au XVIIIe siècle : y a-t-il moins de femmes écrivains en France aujourd’hui qu’au siècle des Lumières ? Au début du XXe siècle les dictionnaires donnaient le mot secrétaire comme exclusivement masculin : les femmes ont-elles attendu que l’Académie donne le feu vert en en faisant un épicène pour se précipiter dans la profession de secrétaire ? C’est exactement le contraire qui s’est passé. Comme l’écrit Claude Hagège : « La société française n’a pas attendu que ministresse remplace femme-ministre ou que l’on dise Madame la mairesse pour que s’accroisse le nombre des professions asexuées »26.

Le projet d’une action volontariste sur la langue repose donc sur une représentation erronée des rapports entre la langue et la réalité sociale. Ce n’est pas l’évolution de la langue qui fait bouger la société, mais c’est l’évolution de la société qui fait bouger la langue, et encore toujours avec du retard, et encore pas toujours. Toujours avec du retard car comme l’écrit Claude Hagège, « La langue n’évolue nullement au rythme des mentalités, lesquelles elles-mêmes changent moins vite que les lois »27 Et pas toujours. Ainsi à propos du mouvement de création de nouvelles formes féminines Marina Yaguello écrit : « Il semble bien que ce soient les années 20 – qui ont pourtant permis aux femmes de rejeter nombre de contraintes – donc l’immédiat après-guerre, qui ont marqué un coup d’arrêt »28. Si l’on songe en outre qu’il est d’une manière générale plus difficile de changer les choses que de les conserver en l’état et si l’on considère corrélativement que les efforts déployés par les professeurs au sein de l’institution scolaire pour faire respecter par les élèves les règles syntaxiques existantes et pour lutter contre le relâchement dans l’usage de la langue sont loin d’être toujours couronnés de succès, on est amené à douter des chances de réussite d’une action volontariste sur la langue : « Créer artificiellement des formes grammaticales et les imposer en comptant sur la bonne volonté des locuteurs, c’est autrement plus difficile que de maintenir par la coercition scolaire et administrative des formes en voie de disparition, ce qui n’est déjà pas facile »29, écrit Marina Yaguello. De semblables créations artificielles font partie des revendications de certaines féministes américaines, revendications que Marina Yaguello juge « pour une part, au mieux utopiques, au pire ridicules »30. On a ainsi suggéré de substituer aux pronoms masculins et féminins une forme « ambigène » ou neutre qui pourrait être thon (contraction de that one) ou tey ou même she, Dana Densmore ayant estimé dans ce dernier cas que « cela ferait le plus grand bien aux hommes d’être grammaticalement féminisés »31. On a encore proposé d’éliminer le morphème man des mots où il figure, humankind se substituant ainsi à mankind (l’humanité), adulthood à manhood (l’âge d’homme), chairperson à chairman (le président), tandis que womanity et one-woman-show concurrenceraient humanity et one-man-show. Ce volontarisme linguistique rencontre un double écueil. D’une part les termes créés pour abolir la distinction du masculin et du féminin en arrivent parfois à être utilisés pour désigner le seul féminin : ainsi on continue à dire chairman pour désigner un homme tandis que chairperson s’applique la plupart du temps aux femmes, ce qui, observe Marina Yaguello, revient à féminiser le terme qui était supposé faire office de neutre. D’autre part les adversaires de ce volontarisme linguistique s’emploient à ridiculiser les revendications féministes en modifiant plaisamment les suffixes masculins même là où ils sont dépourvus de toute signification masculine, par exemple à dire Personhattan ou Personchester pour Manhattan et Manchester, ou encore shedonism pour hedonism et girlcott pour boycott. Nul doute que les féministes françaises essuieraient les mêmes quolibets si elles réclamaient qu’on rééditât tel roman de Saint-Exupéry sous le titre Terre des hommes et des femmes ou si elles exigeaient qu’on inscrivît au fronton du Panthéon : Aux grandes personnes la patrie reconnaissante

Est-ce à dire qu’il faille s’opposer à la féminisation des noms d’agent ? Assurément non. Nous nous rangeons sur ce point à l’avis de Marina Yaguello : « l’option prise par les Américaines : changer la langue afin d’influer sur les structures mentales, précéder et hâter leur évolution, me paraît idéaliste, au moins en ce qui concerne l’emploi de formes fabriquées et non conformes aux structures morphologiques de la langue […]. Par contre, si l’on s’abstient de violer la langue, on peut obtenir des résultats »32. Il n’y a donc aucune raison, comme le rappelait Catherine Kintzler33, de se priver des féminins qui dérivent naturellement d’un masculin comme directrice, rectrice ou inspectrice, ou qui s’y prêtent par leur rime féminine comme ministre. Pour les autres l’usage tranchera et sera comme toujours avalisé par l’Académie lorsqu’il aura tranché. Cependant s’il n’y a guère lieu dans ce débat de distinguer entre métier et profession – la commentatrice Zaza a raison sur ce point – il y a une double distinction qui demeure pertinente : entre la profession et la fonction d’une part, entre la fonction et l’exercice de la fonction d’autre part. Infirmier et pharmacien sont des métiers. Lorsque jadis aucune femme n’exerçait la profession de pharmacien et que celui-ci était un notable de village, la pharmacienne était la femme du pharmacien. Cela n’a plus de sens aujourd’hui et le féminin pharmacienne est disponible pour désigner la femme qui exerce cette profession. En revanche recteur n’est pas une profession. La preuve en est que tous les recteurs d’académie ont une profession, la plupart du temps celle de professeur d’université et le rectorat est une fonction qu’ils exercent à titre temporaire et dont ils sont très souvent démis du jour au lendemain. Il est donc tout à fait normal qu’on écrive que le poste de recteur de l’académie de Montpellier a été attribué à Mme Nathalie Martin et il serait impossible de substituer dans ce cas rectrice à recteur, à moins de laisser supposer que ce poste ne peut être attribué qu’à une femme. En revanche à partir du moment où l’on parle non plus de la fonction, mais de la personne qui l’exerce, on dira tout naturellement qu’on a rendez-vous avec la rectrice et non pas avec le recteur. Il en va de même pour bâtonnier qui n’est pas une profession, mais une fonction exercée par un avocat ou pour ambassadeur qui correspond au métier de diplomate et qui signifie d’une part une dignité, d’autre part une fonction dont l’intéressé ne possède le titre que pour la durée de sa mission. La diplomate Nathalie Martin sera ainsi nommée Ambassadeur de France au Zimbawe, mais si je lui suis présenté dans une réception, je l’appellerai Madame l’Ambassadrice.

Le député Julien Aubert a donc eu tort de refuser à la Vice-Présidente Mazetier la dénomination qu’elle exigeait d’autant plus que l’Académie Française, de l’autorité de laquelle il se réclamait, l’autorisait expressément à faire preuve de délicatesse et de courtoisie34. Cependant en sanctionnant ce manquement à la façon d’un petit chef35 mesquin et tyrannique, Madame Mazetier aura obtenu un triple résultat. Elle aura réussi à faire de ce député une victime. Elle aura apporté de l’eau au moulin de ceux qui disent que c’est précisément quand un pouvoir politique est impuissant à changer les choses qu’il s’évertue à jeter de la poudre aux yeux en agissant sur des symboles. Elle aura enfin permis de mettre en évidence les méfaits de l’idéologie lorsque celle-ci, s’appuyant sur les moyens coercitifs dont le pouvoir politique est investi, prétend décider comment les citoyens doivent parler et, de là, penser.

On objectera peut-être que dans cette querelle l’idéologie ne se trouve pas dans un camp et la science dans l’autre. Marina Yaguello écrit : « Ce qui définit l’action volontariste, cependant, c’est la conscience d’agir délibérément sur la langue dans un but révolutionnaire, réformiste ou conservateur : action pour changer ou au contraire pour maintenir, l’action volontariste , par définition, est une force contraire à l’évolution naturelle de la langue. Elle ne cherche pas à entériner le changement spontané, mais au contraire à le bloquer, à le dépasser ou à le précéder. Elle procède toujours d’une idéologie et se fonde sur la constatation que la langue n’est pas ce qu’elle devrait être »36. Sans doute peut-on toujours soutenir qu’aucun discours ne peut prétendre échapper à l’idéologie ; sans doute certaines attitudes qui tendent à refuser à la langue toute évolution, à mettre « le français en cage » selon l’expression de Jacques Laurent37 peuvent-elles être interprétées en termes de conservatisme, voire de volonté de distinction. Cependant il ne semble pas qu’on puisse mettre exactement sur le même plan ce que Marina Yaguello appelle l’action pour changer et l’action pour maintenir. En effet « le conservatisme, pris au sens de conservation, est l’essence même de l’éducation »38 selon la célèbre formule d’Hannah Arendt. Tout professeur, qu’il soit de droite ou de gauche, marxiste ou libéral, croyant ou athée aura à cœur d’exiger de ses élèves qu’ils respectent les règles d’accord du participe passé et qu’ils n’abandonnent pas le subjonctif au profit du seul indicatif. Une tâche qui est accomplie par tous les professeurs quelle que soit leur idéologie ne peut pas être qualifiée d’idéologique et il n’est pas équitable, quoiqu’il soit habile, de retourner contre eux le qualificatif de policier du langage.

Notes

1 David Desgouilles « Assemblée : Madame le président, vous exagérez » Causeur 8 octobre 2014.

2 Georges Mounin Clefs pour la linguistique Seghers 1968, p.81.

4 Marina Yaguello Les mots et les femmes Petite bibliothèque Payot 1982, p. 168.

6 Claude Hagège L’homme de paroles Fayard Folio-Essais 1985, p. 359.

7 Marina Yaguello op.cit., p. 122.

8 Ibid. p. 118.

9 Ibid.

10 Ibid. p. 133.

11 Ibid. p. 131.

12 Cf Régine Pernoud La femme au temps des cathédrales Stock 1980 p. 204-211.

13 Marina Yaguello op.cit. p. 135.

14 Claude Hagège op.cit. p. 359.

15 Ferdinand Brunot La pensée et la langue Masson 1922 p. 90.

16 Marina Yaguello op.cit. p.136.

17 Ibid. p. 119.

18 Ibid. p. 119-120.

19 Ibid. p. 119.

21 Wagner et Pinchon Grammaire du français classique et moderne Hachette 1962 p.56.

22 Marina Yaguello op.cit. p. 116.

23 Marina Yaguello op.cit. p. 168.

24 Cité par Rémy de Gourmont in Le problème du style Mercure de France 1902 p. 240-241.Marina Yaguello (op.cit. p. 136) et Claude Hagège (op. cit. p. 358) attribuent à tort à Rémy de Gourmont la phrase qu’il ne fait que citer.

26 Claude Hagège op. cit. p. 359-360.

27 Ibid. p. 360.

28 Marina Yaguello op.cit. p. 136.

29 Op.cit. p. 188.

30 Ibid. p. 186.

31 Ibid. p. 187

32 Ibid. p. 188-189.

35 Je ne dis pas petite chèfe, ni petite chèfesse, ni petite cheftaine parce que, à l’heure qu’il est, Madame Mazetier ne dispose pas du pouvoir de me priver du quart de ma retraite mensuelle.

36 Marina Yaguello op. cit. p. 184.

37 Jacques Laurent Le français en cage Grasset 1988.

38 Hannah Arendt « La crise de l’éducation » in La crise de la culture Gallimard Idées 1972 p. 246.

9 thoughts on “La langue française : reflet et instrument du sexisme ?

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  3. Incognitototo

    Quelle érudition ! Merci pour cette magistrale démonstration qui prouve que partout dans le monde jamais la forme n’a permis au fond (des mentalités) d’évoluer. Et qui en conséquence confirme que cette « bagarre » sur la langue inclusive est vraiment pour le moins « inutile » (pour rester gentil et poli).

    Juste une remarque… Sans pouvoir le démontrer (je ne suis pas assez à jour des évolutions actuelles pour cela), j’ai l’intuition que cette « histoire » est consécutive au changement de pédagogie concernant la grammaire. D’ailleurs, je ne comprends rien à la façon dont cette dernière est enseignée aujourd’hui aux élèves.
    Il me semble qu’on a « juste » substitué à l’analyse fonctionnelle, l’analyse structurelle, et c’est cette dernière qui engendrerait des interprétations abusives et sauvages sur les « intentions » du langage.

    Ce n’est pas étonnant (et même logique) que cherchant à déduire le sens à partir de la structure, on génère des confusions de la part des élèves. Donc en conséquence, une orthographe déplorable au final… sans même évoquer les confusions logiques qui en découlent également (à chaque fois que j’aide des mômes, notamment en math, je passe mon temps à reformuler les énoncés des problèmes, et « bizarrement » tout à coup ils comprennent tout).
    Je pense que ce sont ces confusions interprétatives, pour être plus clair ces « interprétations sauvages », qui nous ont conduits au « débat » et aux revendications actuelles et ça commence à bien faire. Ce d’autant plus que tous les sémiologues savent et démontrent que c’est le contexte qui détermine le sens et l’intention d’un mot et d’une phrase.

    Aussi, ne serait-il pas plus simple et utile de revenir à la neutralité de l’analyse fonctionnelle pour en finir avec les apprentis psys (totalitaires et à côté de la plaque) ?

    Pour ma part, je continuerai de dénier à quiconque, sauf à mon psy :-), le droit de me dire ce que je dis quand je parle.

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  4. Ping : iPhilo » La langue française, reflet et instrument du sexisme ?

  5. Olivier MONTULET

    la langue est un support on l’exprime d’une façon et on l’entend d’une autre quelque soient les émetteurs et les récepteurs. Les mots n’ont jamais le même sens pour quiconque. Les mots nous échappent et au delà des différentes langues, la langue est toujours source de confusions et de malentendu. Les procès d’intention sont toujours faciles quand on ne veut entendre que sa façon d’entendre. La langue est un être vivant, la figer comme le voudrait l’académie est souhaiter sa mort mais lui imposer son évolution est aussi lui ôter la vie par un acte d’autorité totalitaire . Notre société qu’on prétend libre est certainement la société la plus normative, la plus idéologique, la plus moralisatrice qui soit et de facto la plus inégalitaire qui puisse être. Le féminisme revanchard est peut-être l’idéologie la plus intolérante et la plus inégalitaire. Pour que l’égalité puisse être, il faut par avance, sinon ce serait impossible qu’elle soit, reconnaitre toutes les différence comme étant des faits, avec les inconvénients que cela sous-tend. C’est différences, cette altérité c’est aussi ce qui fait la richesse. Outre cette normalisation délirante de notre société, cette dernière voudrait policer tous les rapports humains, désire qu’il n’y ai plus de friction entre individus. Une société lisse du tous pareil et de rencontres sans heurs ni divergences. Pour preuve ce désir répété de chercher le consensus, c’est à dire que tous pensent comme tous, refusant tout débat, toute opposition (« tous Charlie » est l’injonction). Une société sans liberté d’expression, sans aucune liberté. Voulez-vous vraiment cette société qui est la notre ?

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    1. André Perrin Auteur de l’article

      Si c’est à moi que la question finale est posée, ma réponse est non : je ne veux pas une société sans liberté d’expression. Cela ne devrait pas étonner mes lecteurs.

      Je ne pense pas qu’on puisse reprocher à l’Académie de vouloir « figer » la langue. Elle a toujours entériné l’usage, y compris lorsque celui-ci, fautif, avait fini par s’imposer. Ainsi, il y a longtemps que son dictionnaire ne donne plus orthographie que comme la forme ancienne d’orthographe. Il accueille régulièrement des néologismes et accepte la féminisation des noms de métiers, comme vous pourrez vous en assurer en lisant sa mise au point que j’avais citée dans la note 34 de mon article :

      « L’Académie française n’entend nullement rompre avec la tradition de féminisation des noms de métiers et fonctions, qui découle de l’usage même : c’est ainsi qu’elle a fait accueil dans la 8e édition de son Dictionnaire (1935) à artisane et à postière, à aviatrice et à pharmacienne, à avocate, bûcheronne, factrice, compositrice, éditrice et exploratrice. Dans la 9e édition, en cours de publication, figurent par dizaines des formes féminines correspondant à des noms de métiers. Ces mots sont entrés naturellement dans l’usage, sans qu’ils aient été prescrits par décret : l’Académie les a enregistrés pourvu qu’ils soient de formation correcte et que leur emploi se soit imposé ».

      L’Académie veille en revanche à ce que la féminisation des noms de métiers se fasse conformément aux règles de dérivation du français, ce qui est le cas dans les exemples cités ci-dessus, mais pas dans ceux de « chercheure », « ingénieure » ou « professeure » car dans notre langue les mots qui se terminent en eur forment leur féminin soit en euse, soit en ice lorsque la présence d’un « t » le permet. Il y a en français quantité de mots féminins qui se terminent en eur : lorsque je parle de ma sœur ou de ma belle-sœur, je n’éprouve aucun besoin de les transformer en « soeure » ou » belle-sœure ».

      Il est d’ailleurs remarquable que les féministes qui cherchent à imposer cette dérivation la réservent aux professions qui leur inspirent de la considération. Ces « professeures » et « chercheures » continuent à aller chez leurs coiffeuses auxquelles elles ne songent pas à accorder la dignité de « coiffeures » et elles se soucient comme d’une guigne d’élever au-dessus de leur condition les vendeuses, contrôleuses, brocanteuses, masseuses, serveuses, brodeuses, blanchisseuses, monteuses, maquilleuses et autres ouvreuses. J’ignore si leur féminisme est « revanchard », comme vous le dites, mais il me semble qu’il occupe une position identifiable dans la lutte des classes.

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