« Les fêtes de fin d’année » en trois actes

La période des fêtes de fin d’année, avec cadeaux et torrents de bons sentiments, est l’occasion pour la presse TV de sortir les « marronniers » habituels. On connaît les épisodes par cœur, il suffit de les rassembler pour obtenir un scénario en trois actes. En voici deux versions – elles ne sont pas incompatibles et en général on a droit aux deux.

Version classique

Acte 1. On se fait plaisir. Tout le monde se rue dans les magasins, essayant de dépenser un maximum d’argent. Reportages paillettes : vitrines, marchés de Noël. Eloge des petits boulots intermittents dans les magasins. Interview du consommateur de dernière minute, hilare au spectacle de sa propre détresse : « J’sais pas quoi prendre ». Lecture de lettres au Père Noël, interview de parents désemparés « ils veulent ça, mais c’est en rupture de stock… ».
N’oublions pas la scène bienpensante : mais si, tout le monde peut suivre le mouvement ! Ne pleurnichez pas, voici quelques conseils avisés pour budgets restreints « il n’y a pas de raison, on peut se faire plaisir de toute façon, vous voyez bien que le bonheur c’est une question de mentalité. ».

Acte 2. Le vivre-ensemble. Recettes de cuisine. Art de l’emballage cadeau et du dressage de table (« on peut faire très bien pour quelques euros »). Reportages dans les cuisines de grands restaurants et chez les particuliers. Reportages ibidem (on peut ajouter un foyer de personnes âgées) sur le déroulement du repas de fête. Cet acte peut s’allonger à volonté avec : décoration de sapins, éloge du job intermittent de Père Noël, petit enfants interviewés disant exactement ce qu’on attend d’eux – « c’est génial » « c’est trop bien » (faire parler de préférence ceux qui ont un minimum de vocabulaire, car « c’est juste craquant »).
Scène bienpensante : ne vous disputez pas avec votre belledoche, et prévoyez un conducteur sobre.

Acte 3. L’art d’accommoder les restes en se sentant coupable. Que faire du contenu du frigo sans avoir la nausée ? Liste des pharmacies de garde vendant du bicarbonate de soude. Conseils pour faire seulement la moitié de votre jogging le lendemain du réveillon. Scène de revente de cadeaux sur e-bay.
Scène dernière : et puis vous êtes des gros salauds, vous croyez vraiment que tout le monde peut se faire plaisir comme vous en raclant le fond d’un porte-monnaie ? Est-ce que vous vous rendez compte de l’indécence qu’il y a à manger du foie gras alors que tant de démunis vous environnent ? Ajout écolo : et les canards torturés, vous y avez pensé ?

 

Version pour ceux « qui ont la chance d’aller faire du ski pendant les fêtes »

Acte1. On vous attend. Insoutenable angoisse météo.

  • Hypothèse a : il n’y a pas de neige. Comment les stations de sport d’hiver vont-elles faire leur chiffre d’affaires ? Comment c’était les années précédentes (et surtout à combien se montaient les recettes) ? Petite parenthèse sur le réchauffement climatique. Heureusement il y a les canons à neige et les jacuzzis. Reportages sur les investissements locaux, sur les super jobs intermittents que tout le monde envie. On peut allonger cet acte par des sujets sur la préparation physique du skieur.
  • Hypothèse b : il y a de la neige. Reportages dans les stations où on se frotte les mains ça promet d’être une belle année. L’angoisse météo se reporte sur la trouille que vous pourriez avoir à l’idée de prendre votre voiture sur le verglas : achetez des équipements spéciaux et allez-y coûte que coûte. On peut placer aussi bien : jacuzzis, jobs intermittents, préparation physique…

Acte 2. Le plaisir du compact humain. C’est merveilleux : des heures et des heures d’embouteillage pour parvenir aux stations, (c’est comme l’été sur l’autoroute, on se sent vraiment en vacances). Interviews de conducteurs hilares dans les bouchons, puis en train de poser des chaînes à neige avec une notice trempée entre les mains.
Une fois sur place, c’est merveilleux, on fait la queue pour les remonte-pente, les bistrots bourrés de monde écoulent des sandwiches hors de prix (c’est comme l’été sur les plages et les terrains de camping, on se sent vraiment en pleine nature). Interviews de skieurs béats sur fond de foule descendant précautionneusement une pente en combinaison flashy. Ils disent exactement ce qu’on attend d’eux « c’est juste super », « c’est juste génial », « rien que du bonheur », « on est tellement mieux ici à faire la queue que dans ces saloperies de grandes villes ».

Acte 3. Vous n’aurez aucun mal à l’imaginer en vous inspirant de l’acte 3 de la pièce précédente.
Allez, je vous aide : vous êtes des gros salauds à claquer votre pognon en essence et en forfaits, à vous entasser à dix dans un studio, alors que… et en plus vous vous cassez une jambe, ça coûte cher à la Sécu.

 

Je viens de recevoir un sms : « Votre magasin XXX sera ouvert exceptionnellement demain dimanche ».

© Mezetulle, 2014

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