Faut-il et peut-on interdire les « listes communautaires » ?

François Braize réfléchit sur la pertinence et surtout sur la possibilité d’interdire les candidatures dites « communautaires » aux élections, ainsi que le propose le groupe « Les Républicains » du Sénat. Favorable au principe d’une telle démarche, il en relève cependant de manière détaillée, notamment par un commentaire de la proposition de loi LR, les grandes difficultés constitutionnelles. Ces dernières peuvent-elles être levées et si oui, comment ?1

D’emblée, on pourrait avoir envie de crier, en parodiant Gide, « Listes communautaires, je vous hais ! » Mais n’y a-t-il pas mieux à faire ?

En effet, l’idée d’enfermement par et dans une culture qui deviendrait électoralement ségrégative peut apparaître insupportable. Insupportable car aux antipodes du projet républicain rappelé à l’article 1er de notre Constitution qui assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Cette idée peut insupporter encore davantage lorsqu’elle met en scène une confession dont l’expression radicale et politique est un défi totalitaire.

Si l’on peut, en droit, interdire de telles listes, ne nous en privons pas. Elles sont étrangères à l’ambition républicaine et à tout idéal universaliste pour le genre humain. Mais, dans notre République, la liberté est la règle et l’interdit l’exception. Difficile question donc que celle d’une interdiction de ces listes, comme toutes les questions qui nous opposent à l’islam radical2.

Le maelström médiatique et politique s’est emparé immédiatement de cette question pour la galvauder comme il l’a fait précédemment à propos du burkini, du voile lors des sorties scolaires ou à l’université, et comme il peut le faire face à tous les instruments du prosélytisme islamique dans un mélange soit de naïveté énamourée et d’incompétence, soit, à l’opposé, de haine farouche quand il allie xénophobie et incompétence.

De quoi s’agit-il ?

Pour conquérir des échelons du pouvoir démocratique local, il s’agit pour certains de constituer des listes électorales composées par et pour des citoyens de confession musulmane, non pas dans la perspective républicaine de rechercher et de promouvoir le bien commun et l’intérêt général (par-delà les confessions et/ou cultures d’origine ou d’adoption des uns et des autres), mais pour la défense des intérêts et des projets des musulmans qui se reconnaissent dans cette démarche.

C’est ainsi que l’on a pu parler de « listes communautaires » et que la question de leur interdiction a été mise sur le tapis. En effet, cela peut apparaître légitimement beaucoup plus grave que de s’attifer d’une coiffe ou d’un maillot de bain spécifiquement halal.

Le sujet est très sérieux : il apparaît comme un parachèvement électoral et institutionnel pour les territoires déjà perdus de la République. Il ne leur manque plus que ça : un barreau de plus à leur fenêtre d’ouverture sur le monde, déjà bien occultée !

En outre, compte tenu de la marche de l’islam radical dont les ambitions sont sans limite (voir travaux et articles référencés en Annexe 3), on peut craindre que la poussée de telles listes ne se limite pas aux territoires perdus mais ait pour ambition d’en conquérir d’autres… En effet, même si l’on n’a pas la certitude que le risque de multiplication des listes communautaires soit accru par l’incapacité, désormais, de cet islam radical à perpétrer des attentats d’envergure sur notre sol pour faire basculer la démocratie, n’en doutons pas, l’islam radical aura recours à l’outil électoral comme à un des moyens de poursuite de ses objectifs de conquête.  La question ne concerne donc pas seulement les « territoires perdus » de la République, mais une stratégie globale destinée à miner de l’intérieur, et pour l’ensemble des citoyens, nos régimes démocratiques et les valeurs républicaines.

Que l’on ne vienne pas nous expliquer que la question ne se pose pas compte tenu des scores généralement misérables réalisés par de telles listes lors d’élections précédentes (à de rares exceptions près, quelques points en pourcentage).

Que l’on ne vienne pas non plus nous opposer l’existence admise de partis ou mouvements démocrates-chrétiens qui en effet existent dans nos systèmes politiques. Il ne s’est jamais agi, dans leur cas, de construire un mouvement pour et par les intérêts des adeptes d’une confession particulière et ils n’ont rien de ségrégatif. Ils participent, avec leur point de vue, au combat politique général en faveur de la démocratie, du bien commun, de l’intérêt général et ne s’intéressent pas exclusivement aux adeptes d’une confession.

Faut-il attendre, comme pour les territoires perdus, que le mal soit accompli et que de telles listes aient conquis un pouvoir local ? Il faut au contraire se poser la question avant qu’il ne soit trop tard et il faut le faire en droit très sérieusement.

Le maelström médiatique n’est pas toujours bien inspiré, on le sait, et il titre ses colonnes consacrées au sujet avec l’expression « listes communautaires » alors que tous nos scrutins (ignorerait-il donc même cela ?) ne sont pas de « liste »… Au-delà donc de devoir sonder des listes, leurs intitulés et leurs programmes, il faudra aussi nécessairement sonder des candidatures individuelles. La véritable question serait donc plutôt : « candidatures individuelles et listes à visées communautaires »… Mais admettons le raccourci…

Une proposition de loi « LR » au Sénat

D’ailleurs le parti « LR », qui a déposé devant le Sénat une proposition de loi d’interdiction, ne s’y est pas trompé et a prévu un texte législatif qui traite des candidatures individuelles et des listes à visées communautaires, ainsi que d’ailleurs de la propagande électorale correspondante3.

En lisant cette proposition de loi, on mesure mieux, à sa seule rédaction, la complexité juridique qui peut s’attacher à la question. On trouvera en Annexe 1 ci-après l’exposé des motifs de cette proposition de loi. Ce document est extrêmement intéressant, notamment par ses justifications au sujet de la constitutionnalité de la proposition de loi, constitutionnalité dont on peut douter comme on le verra.

En effet, malgré toutes les justifications avancées par ses auteurs , on peut éprouver quelques craintes d’inconstitutionnalité pour cette proposition de loi en l’état de notre droit constitutionnel. Pour une raison simple : elle s’appuie sur l’idée d’un « Pacte républicain »4 très large qui s’imposerait aux partis, candidats et listes électorales souhaitant concourir au jeu démocratique et à son financement public alors que la Constitution ne l’a pas prévu comme obligation pour les partis et groupements politiques dont les obligations de loyauté vis-à-vis des valeurs et principes républicains ont été prévues à l’article 4 de la Constitution de manière plus étroite comme on le verra plus loin5.

Il serait dommageable que le Conseil constitutionnel doive censurer un texte sur ce sujet car il ne faut concéder aucune victoire juridictionnelle aux islamistes, ni à leurs alliés et idiots utiles habituels, qui engrangent toutes les défaites juridiques du camp républicain comme autant d’outils de promotion de leur idéologie funeste.

On montrera donc quelles sont les craintes d’inconstitutionnalité que l’on peut avoir pour une interdiction législative des « listes communautaires » insuffisamment bordée constitutionnellement (I) et on suggérera une manière de procéder plus sécurisée (II).

I – Les risques d’inconstitutionnalité d’une loi d’interdiction des candidatures ou « listes communautaires » qui ne serait pas bordée constitutionnellement

Précisons d’emblée qu’il ne pourrait en aucun cas s’agir d’une loi qui interdirait « tout de go » les listes qu’elle aurait qualifiées ou définies comme « communautaires ». Une loi du type « Les listes communautaires sont interdites » n’aurait aucun sens.Tout ce qu’il est possible d’envisager est une loi qui donnerait à une autorité (administrative ou judiciaire) le pouvoir d’interdire ou d’écarter une candidature ou une liste électorale répondant aux critères d’exclusion que cette loi aurait fixés. Mais même ainsi précisée l’hypothèse n’est pas un jeu d’enfant.

En effet, les risques d’inconstitutionnalité tiennent au régime constitutionnel applicable aux partis politiques ainsi qu’au régime de la liberté d’expression, lesquels semblent s’opposer à l’instauration par une loi ordinaire d’une interdiction des candidatures ou listes communautaires.

I-1. Le régime constitutionnel applicable aux partis et groupements politiques en France est celui d’une liberté quasi absolue

La liberté de constitution, d’organisation et d’action des partis politiques est posée par l’article 4 de la Constitution du 4 octobre 1958 :

« Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ».

L’activité des partis politiques est donc complètement libre en France et leur vocation constitutionnelle est de concourir à l’expression du suffrage universel, ce qui n’est pas rien.

En outre, si l’on excepte le régime de dissolution résultant de la loi du 10 février 1936 relatif aux groupes de combat et milices privées (voir infra I-2.), il n’existe pas de mécanisme de sanction, par exemple par le Conseil constitutionnel, du non-respect par un parti des principes de la souveraineté nationale et de la démocratie qui lui sont pourtant imposés par l’article 4 de la Constitution.

Ainsi, le Conseil constitutionnel n’a pas admis, dans sa décision n° 59-2 DC des 17, 18 et 24 juin 1959, qu’une Assemblée puisse contrôler la conformité à la Constitution de la déclaration politique d’un groupe parlementaire. De même, dans sa décision n° 89-263 DC du 11 janvier 1990, il a affirmé la valeur constitutionnelle du principe de pluralisme en matière politique, afin qu’aucune disposition législative n’aboutisse à entraver l’expression de nouveaux courants d’idées ou d’opinions.

La loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique constitue l’ébauche d’un régime juridique des partis politiques : sans définir la forme qu’ils peuvent revêtir, cette loi leur reconnaît la personnalité morale et les principaux droits attachés au bénéfice de celle-ci, à savoir notamment le droit d’ester en justice et le droit d’acquérir à titre gratuit ou onéreux. Dans la même perspective de liberté très large, en même temps qu’elle institue un financement public des partis politiques, cette loi écarte l’application de toute règle relative au contrôle financier de ces fonds, sous réserve de disposer d’un mandataire financier agréé et de publier annuellement ses comptes. Cette loi n’a pas non plus prévu la sanction de refus de financement public pour un parti qui violerait son obligation constitutionnelle de respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.

Les partis politiques sont donc constitués sous la forme associative ordinaire et peuvent à ce titre s’organiser entièrement librement. Outre la reconnaissance constitutionnelle que les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage, et la liberté politique individuelle attachée à tout citoyen, un tel régime de liberté ne peut donc que déteindre sur la liberté de candidature aux élections, qu’il s’agisse de scrutins par candidature individuelle ou de scrutins de liste.

En outre, sur le terrain de la liberté d’expression des idées politiques, notamment au travers de partis politiques constitués librement ou sur celui de la liberté de candidature à des élections, la Cour européenne des Droits de l’homme (CEDH) a déjà pris position sur cette question6.

Dans son arrêt « REFAH contre Turquie » de février 2003, la Cour européenne a considéré qu’ « un parti politique qui s’inspire des valeurs morales imposées par une religion ne saurait être considéré d’emblée comme une formation enfreignant les principes fondamentaux de la démocratie ».

En effet, pour la Cour, il faut que le parti politique aille au-delà pour qu’il puisse être interdit. Il faut, par exemple, comme la Cour l’a constaté lors de cet arrêt pour le parti islamiste turc qui l’avait saisie à la suite de sa dissolution par le gouvernement turc, que ce parti ait prôné l’instauration de la charia et au besoin par la violence. Dans ce cas, il ne peut être fondé à se plaindre de son interdiction sur le motif de la protection des valeurs et principes démocratiques de la Convention EDH qu’il souhaiterait remplacer en tout ou partie par ceux qui sont inscrits dans la charia. On y voit, pour notre part, un principe de bon sens qui veut que l’on ne puisse se prévaloir de ce que l’on récuse.

I-2. Ce régime de liberté souffre toutefois certaines exceptions tenant à la législation sur la dissolution des groupes de combat et milices privées

Le régime de dissolution administrative (par décret en Conseil des ministres) issu de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées, est codifié, depuis 2012, à l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure qui a repris les dispositions de la loi du 10 janvier 19367. Cette disposition a largement été utilisée depuis 1936 pour dissoudre des mouvements factieux ou séditieux8.

Cette disposition ne permet cependant pas d’interdire préventivement, même aux pires ennemis de la démocratie et aux partis ou mouvements qu’ils représentent sauf à les avoir dissous, de concourir au jeu démocratique en étant candidats à des élections. Elle est, semble-t-il, davantage un pouvoir de sanction a posteriori d’une action politique qui dérape dans la violence et la sédition plutôt qu’une possibilité d’empêcher préventivement qui que ce soit de concourir à l’expression des suffrages afin de conquérir les urnes.

Il résulte de ce régime juridique que, sauf à avoir été dissous en application de l’article L212-1 du code de sécurité intérieure pour l’un des motifs que cet article prévoit, un parti ou groupement politique peut concourir librement par ses membres et représentants au jeu électif dans notre démocratie.

I-3. Dans un tel cadre que penser constitutionnellement de la proposition de loi « LR » qui prévoit la possibilité d’interdire les candidatures et listes communautaires ?

I-3-1. Economie de la proposition de loi « LR »

La proposition de loi « LR » déposée devant le Sénat fonde toutes ses dispositions sur une même idée : sont considérées « communautaires » au sens de cette loi les candidatures ou listes qui s’opposent aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité afin de soutenir les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse.

Toutes les mesures que prévoit la proposition de loi se fondent sur cette définition selon les termes même de son « Exposé des motifs ».

« L’article 1er exclut qu’un candidat aux élections législatives qui a ouvertement mené une campagne communautariste, en tenant des propos contraires aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité afin de soutenir les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse, soit pris en compte pour l’attribution d’une aide financière au parti ou au groupement politique qui l’a présenté.

L’article 2 interdit de déposer, pour les élections donnant lieu à un scrutin de liste, des listes dont le titre affirmerait, même implicitement, qu’elles entendent contrevenir aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité afin de soutenir les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse.

L’article 3 est le complément du précédent : il interdit que la propagande électorale se prête à de telles dérives, par exemple lors des réunions ou sur les affiches ou professions de foi des candidats. Il ne servirait en effet à rien d’interdire ces provocations dans le titre d’une liste si elles pouvaient être ensuite commises impunément durant la campagne. Notons que cet article s’applique à toutes les élections, qu’elles donnent ou non lieu à des listes, car il est bien évident que le respect des valeurs de la République par les candidats ne saurait dépendre du mode de scrutin.

Afin de renforcer l’efficacité des interdictions qu’il édicte, ce même article 3, d’une part, investit le préfet de la mission de faire procéder au retrait des affiches contenant des propos (ou des images s’y assimilant) contraires aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité ayant pour objet de soutenir les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse et, d’autre part, prévoit la possibilité pour le juge, saisi sans délai par le préfet, d’exclure un candidat qui, pendant la campagne, aurait manifestement contrevenu aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité afin de soutenir les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse.

L’article 4 enfin inscrit dans la charte de l’élu local l’obligation de respecter les valeurs de la République, parmi lesquelles le principe de laïcité. »

Même si elle se fonde explicitement sur l’obligation de respect des principes de la souveraineté nationale et de la démocratie que l’article 4 de la Constitution impose aux partis et groupements politiques, la proposition de loi « LR » entend donc se rattacher aussi à son article 3, qui dispose qu’aucune section du peuple ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté nationale, laquelle n’appartient qu’au peuple tout en entier.

I-3-2. Portée et constitutionnalité de la proposition de loi « LR »

Le dispositif prévu est habile juridiquement mais il s’appuie sur une lecture de l’article 4 de la Constitution que l’on peut trouver très extensive.

Cet article prévoit en effet que les partis et groupement politiques « doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ». Les auteurs de la proposition de loi, comme l’explique l’exposé des motifs, font entrer dans ce membre de phrase la totalité de nos principes fondamentaux (c’est-à-dire la totalité de ce que l’on peut appeler le « Pacte républicain »9) tels que rappelés par le Préambule de la Constitution de 1958, ou prévus par les articles principiels de cette dernière (articles 1 à 4, 66 et 89 dernier alinéa notamment) ainsi que les principes dégagés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. C’est donc bien l’entier « Pacte républicain », comme le dit explicitement l’Exposé des motifs, qui s’imposerait ainsi aux partis, mais sans cependant que la Constitution l’ait prévu explicitement…

« Ces principes de la souveraineté nationale et de la démocratie sont, selon le préambule de la Constitution de 1958, définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946. Ils incluent ainsi, par exemple, l’égalité des droits, notamment entre les femmes et les hommes, l’égalité devant la loi ou encore la liberté d’opinion.

Plus largement, ils incluent également, en vertu du préambule de 1946, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, au sein desquels, comme l’a expressément jugé le Conseil d’État, la laïcité occupe une place absolument centrale. Celle-ci est d’ailleurs le seul exemple cité à ce jour par le Conseil constitutionnel de « principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France » (commentaire de la décision n° 2008-564 DC), ce qui en fait une valeur qui relève de ce que l’on peut considérer comme l’ADN de la République.

La présente proposition de loi vise ainsi en premier lieu à affirmer clairement dans la législation que les partis et groupements politiques sont tenus de respecter ces principes, tant pour leur financement qu’en matière électorale que dans le cadre de l’exercice du mandat électif. »

C’est bien l’ensemble des principes qui constituent le « Pacte républicain » que la proposition de loi « LR » fait ainsi entrer dans les obligations des partis et groupements politiques.

On peut être d’accord avec un tel objectif de contrainte pour les partis et groupements politiques car pourquoi ne seraient-ils pas tenus de respecter les termes d’un tel « Pacte » ? La difficulté, et elle n’est pas négligeable, vient de ce que la Constitution n’a pas prévu cela en tant qu’obligation des partis et groupements politiques. En conséquence, on peut craindre que le Conseil constitutionnel, saisi d’un recours de 60 députés ou de 60 sénateurs contre une telle loi que le Parlement aurait adoptée, ou saisi d’une question préjudicielle ultérieure à sa promulgation, censurerait une telle loi comme contraire à la Constitution.

En effet, cette dernière, par son article 4, n’a mis à la charge des partis et groupements politiques que le devoir de « respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie », et ne leur a pas imposé le respect de l’ensemble des composantes du « Pacte républicain ».

Si elle avait entendu le faire, elle l’aurait fait explicitement en renvoyant au respect des principes rappelés au Préambule de la Constitution et à certains de ses articles, pas seulement aux principes de la souveraineté nationale et de la démocratie, ce qui est beaucoup plus étroit.

Quant à un fondement de la proposition « LR » tiré de l’article 3 de la Constitution interdisant à une section du peuple de s’accaparer l’exercice de la souveraineté nationale, il ne semble pas suffisant pour fonder constitutionnellement la proposition de loi car c’est bien le contenu de l’obligation de respect imposée aux partis et groupements politiques qui est en cause et pas seulement l’interdiction qui leur est faite de fractionner le peuple pour attribuer à une fraction de celui-ci l’exercice de la souveraineté nationale.

La proposition de loi « LR » peut sembler ainsi insuffisamment bordée constitutionnellement.

II – Mettre en place des outils juridiques contre les « candidatures et listes communautaires » qui soient irréprochables au regard de notre Constitution

Il faut d’abord indiquer que la piste d’une modification de l’article L 212-1 du code de la Sécurité intérieure n’est pas praticable. En effet, l’objectif n’est pas de dissoudre un parti ou un groupement politique mais d’empêcher des candidatures ou des listes communautaires qui sont hors des clous républicains. La seule piste est donc de faire de manière correcte constitutionnellement ce que projette la proposition de loi « LR ».

En effet, pour que les pouvoirs publics puissent s’opposer aux candidatures individuelles et listes à visées communautaires aux élections locales et nationales, que ce soit par décision administrative ou devant le juge de l’élection, il est nécessaire d’étendre les obligations faites aujourd’hui aux partis et groupements politiques et à leurs candidats au respect de l’intégralité des principes du « Pacte Républicain ». C’est la voie obligée et elle passe par une modification constitutionnelle.

Il faudrait en effet, dans cette hypothèse, compléter l’article 4 de la Constitution en modifiant la dernière phrase de son premier alinéa comme suit : 

« Ils doivent, dans les conditions déterminées par la loi, pour concourir à l’expression des suffrages par des candidats ou des listes lors des scrutins et bénéficier du financement public, respecter les principes fondamentaux rappelés au Préambule de la Constitution, ou reconnus par la Constitution elle-même ou par les lois de la République. »

Le contenu du « Pacte républicain » que les partis et groupements politiques seraient tenus de respecter (sous peine de la sanction de disqualification de leurs candidatures pour les élections ou du refus de leur financement public) serait alors complet10.

Le peuple français, en modifiant ainsi sa Constitution, marquerait un attachement très fort à ses principes fondamentaux puisqu’il interdirait à tout parti ou groupement politique de s’en éloigner dans son programme électoral sous peine de ne pas pouvoir concourir à l’expression des suffrages ou de ne plus recevoir de financement public.

Cela ne nous choque pas, bien au contraire. On peut marquer un attachement aux principes de notre République au point d’interdire à quelque parti que ce soit de s’y attaquer. On pourrait même imaginer que l’on consacre dans le « Pacte républicain » notre attachement indéfectible à certains des engagements internationaux que notre pays a souscrits par exemple sur les droits des réfugiés11.

Mais tout sera affaire de calibrage et une solution plus modeste pourrait être retenue sans vouloir embrasser trop large pour ne pas risquer de tout compromettre. Sans l’étendre à tout le « Pacte républicain » ainsi qu’il a été envisagé ci-dessus dans une sorte d’idéal-type, on pourrait élargir la rédaction de l’article 4 à l’obligation pour les partis politiques de respecter les principes de la souveraineté nationale, de la démocratie, de la laïcité et de l’égalité entre les hommes et les femmes.

Conclusion

Ce que la proposition de loi « LR » considère à tort, selon nous, comme découlant implicitement de l’expression « respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie » employée par l’article 4, devrait être explicité par une modification de ce même article de la Constitution. Modification que l’on opérera en fonction du degré d’exigence dans le respect du « Pacte républicain » que l’on aura choisi d’imposer aux partis et groupement politiques.

Cela fonderait constitutionnellement une intervention de la loi pour permettre à l’autorité désignée par celle-ci de refuser une candidature ou une liste qui, par son caractère communautaire, ne respecterait pas le « pacte républicain », ou de refuser qu’elle bénéficie du financement public légal ainsi, bien entendu, que de pouvoir s’opposer à ce que ses membres mènent, sur des thèses communautaires, une campagne électorale.

À défaut d’apporter cette précision à l’article 4 de la Constitution, toute loi qui, comme la proposition de loi « LR », ambitionnera d’interdire les candidatures ou listes communautaires, ou de les priver de financement public, encourt le grief d’inconstitutionnalité et, par voie de conséquence, une censure par le Conseil constitutionnel. Ce que l’on ne pourrait que regretter.

Il appartiendrait donc au Peuple souverain de définir, par cette modification constitutionnelle de l’article 4, le périmètre du Pacte républicain qu’il entend voir protégé vis-à-vis des partis et groupements politiques. Il le ferait à l’aune des idées dont il admettrait la présence dans le débat politique pour la joute électorale et, le cas échéant, la mise en œuvre majoritaire qui pourrait sortir des urnes. Admettrait-il que certains partis militent pour que l’on abroge tel ou tel de nos principes démocratiques ou certains de nos engagements internationaux multilatéraux ? Que l’on abroge la République elle-même ? Telles sont les questions fondamentales qu’un tel exercice soulèverait.

Comme un tel questionnement touche à ce que nous avons de plus fondamental, une telle modification constitutionnelle ne serait envisageable que par référendum dans le cadre de l’article 89 de la Constitution ou par un référendum d’initiative citoyenne ou partagée12. C’est en dire non l’impossibilité, mais la difficulté…

***

Annexe 1. Exposé des motifs de la proposition de loi « LR »

Exposé  des motifs de la proposition de loi tendant à assurer le respect des valeurs de la République
face aux menaces communautaristes

Mesdames, Messieurs,

Notre Constitution « ne connaît que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d’origine, de race ou de religion » 13.

Cette vision française de l’unicité du peuple est le socle fondamental sur lequel reposent nos conceptions de l’unité et de la souveraineté de la nation, et de l’indivisibilité de la République. Elle est un principe cardinal qui irrigue l’ensemble de notre pacte républicain.

Elle est pourtant désormais ébranlée par la progression régulière d’attitudes communautaristes qui, en multipliant les propos et revendications religieux ou ethniques contraires à nos valeurs fondamentales, menacent de déchirer notre tissu national et de fragmenter notre société en une juxtaposition de communautés désunies.

L’essor de l’Islam radical, qui vise notamment à isoler les musulmans du reste de la communauté nationale et à substituer des lois religieuses aux lois de la République, en est l’illustration la plus préoccupante. Antithèse de nos valeurs communes les plus fondamentales, ce projet ouvertement sécessionniste cherche aujourd’hui à s’implanter dans tous les champs de la vie collective, y compris électorale.

Or, si la religion musulmane a naturellement toute sa place dans notre pays, le fondamentalisme islamique ne saurait en aucun cas trouver la sienne dans notre vie politique. Afin de répondre aux défis majeurs posés par sa propagation, une évolution de notre ordre juridique apparaît dès lors indispensable.

C’est la raison d’être de cette proposition de loi qui s’appuie sur nos principes républicains et constitutionnels intangibles. L’article 4 de la Constitution précise que les partis et groupements politiques ne «se forment et exercent leur activité librement » que dans la mesure où ceux-ci «respectent les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ».

Ces principes de la souveraineté nationale et de la démocratie sont, selon le préambule de la Constitution de 1958, « définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 ». Ils incluent ainsi, par exemple, l’égalité des droits, notamment entre les femmes et les hommes, l’égalité devant la loi ou encore la liberté d’opinion.

Plus largement, ils incluent également, en vertu du préambule de 1946, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, au sein desquels, comme l’a expressément jugé le Conseil d’État, la laïcité occupe une place absolument centrale. Celle-ci est d’ailleurs le seul exemple cité à ce jour par le Conseil constitutionnel de « principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France » (commentaire de la décision n° 2008-564 DC), ce qui en fait une valeur qui relève de ce que l’on peut considérer comme l’ADN de la République.

La présente proposition de loi vise ainsi en premier lieu à affirmer clairement dans la législation que les partis et groupements politiques sont tenus de respecter ces principes, tant pour leur financement qu’en matière électorale que dans le cadre de l’exercice du mandat électif.

Dans le cadre des campagnes électorales, cette exigence se traduirait par une interdiction de tout élément, direct ou indirect, relevant de discours contraires aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité et qui soutiennent les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse. Il s’agit là de comportements graves puisque de telles revendications manifestent l’intention des candidats d’accorder ou de refuser des droits en fonction de ces considérations.

L’objectif des auteurs de la présente proposition de loi n’est donc pas d’interdire à un candidat, s’il en éprouve le besoin, de mentionner son origine ethnique ou son éventuelle appartenance religieuse, car cette mention n’a rien, en elle-même, d’un discours contraire aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité.

L’interdiction supposera la contestation de nos valeurs fondamentales et, en définitive, l’intention affichée de postuler à des fonctions électives dans le but de porter atteinte à l’unicité de la République. Les listes ou les candidats qui méconnaitraient cette prescription perdraient tout droit à un financement public, verraient leurs affiches électorales retirées et pourraient être purement et simplement exclus de l’élection.

Attendre que de tels candidats soient élus en comptant sur l’exercice du contrôle de légalité ou du contrôle de constitutionnalité, comme le proposent certains, relève de l’angélisme et traduit une méconnaissance évidente du fonctionnement des pouvoirs publics tant nationaux que locaux.

Il est aussi nécessaire de prévoir d’autres dispositions relatives aux conditions d’exercice de leur mandat par les élus. La charte de l’élu local devrait ainsi comprendre l’obligation de se conformer, dans l’exercice des fonctions électives, aux valeurs de la République, et donc au principe de laïcité qui impose notamment de ne manifester aucune opinion religieuse comme par exemple au travers du port d’un signe ostentatoire.

L’exigence posée par l’article 4 de la Constitution selon laquelle les partis et groupements politiques doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie doit être scrupuleusement respectée.

Ces principes doivent s’entendre au sens donné par le texte constitutionnel, à savoir, selon son Préambule, les «principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 ». Au nombre de ces principes figurent donc, entre autres, l’égalité des droits (article 1er de la DDHC), et notamment entre la femme et l’homme (alinéa 3 du Préambule de 1946), l’égalité devant la loi (article 6 de la DDHC), la liberté d’opinion (article 10 de la DDHC) et, comme l’a maintes fois affirmé le Conseil constitutionnel, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (liberté individuelle, liberté de l’enseignement…).

Il ne fait aucun doute que la laïcité relève bien des principes de la souveraineté nationale: elle participe de l’idéal « de liberté, d’égalité et de fraternité » à la racine duquel, selon le Préambule de la Constitution, se trouvent ces principes; certaines de ses composantes elles-mêmes découlent de la DDHC (liberté de conscience) et le Conseil constitutionnel a d’ailleurs fait sienne l’affirmation de son ancien secrétaire général, M.Olivier Schrameck, pour qui la Déclaration de 1789 «constitue le terreau spirituel » de la laïcité (commentaire de la décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013).

On ne saurait d’ailleurs oublier la jurisprudence déjà évoquée du Conseil d’État, dépourvue de toute ambigüité : « les préambules des constitutions des 27 octobre 1946 et 4 octobre 1958 ont réaffirmé les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, au nombre desquels figure le principe de laïcité » (n° 219379 du 6 avril 2001).

L’article 1er exclut qu’un candidat aux élections législatives qui a ouvertement mené une campagne communautariste, en tenant des propos contraires aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité afin de soutenir les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse, soit pris en compte pour l’attribution d’une aide financière au parti ou au groupement politique qui l’a présenté.

L’article 2 interdit de déposer, pour les élections donnant lieu à un scrutin de liste, des listes dont le titre affirmerait, même implicitement, qu’elles entendent contrevenir aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité afin de soutenir les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse.

L’article 3 est le complément du précédent : il interdit que la propagande électorale se prête à de telles dérives, par exemple lors des réunions ou sur les affiches ou professions de foi des candidats. Il ne servirait en effet à rien d’interdire ces provocations dans le titre d’une liste si elles pouvaient être ensuite commises impunément durant la campagne. Notons que cet article s’applique à toutes les élections, qu’elles donnent ou non lieu à des listes, car il est bien évident que le respect des valeurs de la République par les candidats ne saurait dépendre du mode de scrutin.

Afin de renforcer l’efficacité des interdictions qu’il édicte, ce même article 3, d’une part, investit le préfet de la mission de faire procéder au retrait des affiches contenant des propos (ou des images s’y assimilant) contraires aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité ayant pour objet de soutenir les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse et, d’autre part, prévoit la possibilité pour le juge, saisi sans délai par le préfet, d’exclure un candidat qui, pendant la campagne, aurait manifestement contrevenu aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité afin de soutenir les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse.

L’article 4 inscrit dans la charte de l’élu local l’obligation de respecter les valeurs de la République, parmi lesquelles le principe de laïcité.

***

Annexe 2. Article L212-1 du code de la Sécurité intérieure

Article L212-1

Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait :

1° Qui provoquent à des manifestations armées dans la rue ;

2° Ou qui présentent, par leur forme et leur organisation militaires, le caractère de groupes de combat ou de milices privées ;

3° Ou qui ont pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou d’attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement ;

4° Ou dont l’activité tend à faire échec aux mesures concernant le rétablissement de la légalité républicaine ;

5° Ou qui ont pour but soit de rassembler des individus ayant fait l’objet de condamnation du chef de collaboration avec l’ennemi, soit d’exalter cette collaboration ;

6° Ou qui, soit provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ;

7° Ou qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger.

Le maintien ou la reconstitution d’une association ou d’un groupement dissous en application du présent article, ou l’organisation de ce maintien ou de cette reconstitution, ainsi que l’organisation d’un groupe de combat sont réprimées dans les conditions prévues par la section 4 du chapitre Ier du titre III du livre IV du code pénal.

***

Annexe 3. Autres sources

Sur la marche de l’islam radical

Sur les listes communautaires

***

Notes

1 – Le texte qui suit est une version remaniée de l’article publié le 2 mars sur le blog Decoda[na]ges sous le titre « Faut-il interdire les « listes communautaires »?« .

2 – Voir à ce sujet sur le blog Decoda[na]ges notre Numéro « Hors Série », janvier 2017, sur « Islam radical et Etat de droit – Les quatre questions fondamentales que l’islam radical pose à notre Etat de droit » (https://francoisbraize.wordpress.com/islam-radical-et-etat-de-droit-janvier-2017/), travail également publié dans Marianne (http://www.marianne.net/agora-les-4-principales-questions-que-pose-islam-radical-notre-etat-droit-100249137.html). Numéro « Hors Série » auquel on renverra au besoin.

3 – Voir le texte « LR » Proposition de loi tendant à assurer le respect des valeurs de la République face aux menaces communautaristes : http://www.senat.fr/leg/ppl19-108.html

4 – On peut considérer en effet que la Constitution du 4 octobre 1958, par son Préambule, formalise une proclamation solennelle du peuple français consacrant l’attachement de ce dernier à un « Pacte républicain » sédimenté au fil de l’histoire depuis la Déclaration des droits de 1789, jusqu’à la Charte de l’environnement de 2004 en passant par le Préambule de la Constitution de 1946 et les principes fondamentaux posés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel ; au sens strict, il ne s’agit pas juridiquement d’un pacte contractuel mais plutôt d’un engagement politique unilatéral du peuple français. 

5 – Voir à ce sujet notre article paru dans Slate qui montrait qu’une modification constitutionnelle préalable est nécessaire à un tel objectif : http://www.slate.fr/story/89331/fn-dissolution. On y reviendra infra (Cf. I-3.). Pour un point de vue inverse, voir l’article de Jean-Éric Schoettl https://www.lefigaro.fr/vox/societe/jean-eric-schoettl-pourquoi-il-faut-refuser-les-listes-communautaristes-aux-municipales-20191111 (cité à l’Annexe 3 ci-dessus).

6 – Voir notre numéro « Hors Série » précité note 2 sur l’islam radical, Introduction et partie consacrée à la liberté de pensée et à celle d’expression.

7 – Voir ci-dessus en Annexe 2 le texte de cet article.

8 – Voir pour les quelque 80 partis, groupements ou mouvements politiques dissous en moins d’un siècle : https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_organisations_dissoutes_en_application_de_la_loi_du_10_janvier_1936

9 – En droit cet ensemble constitue ce que l’on appelle le « bloc de constitutionnalité » qui s’impose au pouvoir législatif et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.

10 – Il comprendrait en toute logique :

  • outre les principes reconnus ou rappelés par la Constitution elle-même (égalité devant la loi, principe de laïcité, droit de vote et égalité d’accès aux mandats électifs, liberté d’expression et d’action des partis, libre administration des collectivités territoriales, forme républicaine de gouvernement, etc.), les droits individuels (liberté et sûreté individuelle, droit de propriété, légalité des peines, liberté d’opinion et de conscience, liberté de communication des pensées et des opinions, principe de contribution aux charges publiques en fonction des facultés de chacun, etc.) ;
  • s’ajouteraient aussi les droits économiques et sociaux issus de la Constitution de 1946 (égalité homme/femme, droit d’asile pour les victimes d’oppression, droit au travail, liberté syndicale et droit de grève, protection sociale, droit au repos, droit à la formation professionnelle et à la culture, droit à l’enseignement public gratuit et laïque), les principes de la Charte de l’environnement (principe de précaution, principe pollueur/payeur et obligation pour les politiques publiques de promouvoir un développement durable) ;
  • et enfin les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République dégagés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel (liberté d’association, respect des droits de la défense, liberté d’enseignement, indépendance des professeurs d’université).

11 – Voir notre article dans Slate http://www.slate.fr/story/95099/sixieme-republique

12 – RIC, ou RIP, qui ne manquerait pas de faire naître la question de savoir s’il faut imposer à la représentation nationale et au peuple français dans leur exercice du pouvoir constituant, ou de révision de la Constitution, les mêmes bornes qu’aux partis… Question redoutable en forme de boucle récursive que l’on a traitée à l’occasion de notre article sur le RIC publié sur Mezetulle (voir https://www.mezetulle.fr/ric-ta-mere-par-f-b/). On retiendra ici la même réponse positive inspirée du dernier alinéa de l’article 89 de la Constitution qui interdit au pouvoir constituant (représentation nationale ou le peuple lui même consulté par référendum) de réviser la Constitution en s’en prenant à « la forme républicaine de gouvernement »… Dans le même souci de permanence républicaine, on pourrait protéger identiquement les principes constitutifs du pacte républicain de toute révision constitutionnelle. Les opposants qui souhaiteraient passer outre devraient alors politiquement assumer de violer la Constitution et de s’inscrire dans la logique d’un coup d’État. De la sorte, le corps électoral, s’il était consulté, pourrait choisir en toute connaissance de cause et pas dans un flou propice à tous les loups… toujours prêts, comme chacun sait, à entrer dans Paris.

13 – [Note prévue par l‘Exposé des motifs] : Conseil constitutionnel, décision n°91-290DC du 9mai 1991 citant l’article premier de la Constitution, qui dispose que la République française « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».

10 thoughts on “Faut-il et peut-on interdire les « listes communautaires » ?

  1. Braize

    J’ajoute une précision à mon texte dont l’absence est un pur oubli. Le Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 février 2013, que rappelle l’exposé des motifs de la proposition de loi « LR », a employé à propos du principe de laïcité l’expression de principe inhérent « à l’identité constitutionnelle de la France ».

    Même s’il en a défini le contenu de manière discutable à notre sens en ne n’élevant pas tous les principes de la loi de 1905 au rang constitutionnel (voir à ce sujet notre article dans SLATE : http://www.slate.fr/tribune/83673/iconoclastie-principe-constitutionnel) cette décision est fondamentale du fait du concept « d’identité constitutionnelle » qu’elle nous apporte comme une offrande.

    Cette expression, qui appartient donc désormais à notre droit positif, a le même contenu que ce que l’on appelé ici, dans cet article, le « Pacte républicain ». En effet, « l’identité constitutionnelle de la France » est l’ensemble des principes que l’on peut regarder, après plus de deux siècles de construction politique et sociale rappelée au Préambule de la Constitution, comme l’essence fondamentale de notre pays, par delà ses régimes politiques successifs et l’organisation de ses institutions plus contingente, voire même circonstancielle.

    L’homothétie avec l’idée de « Pacte républicain » est ainsi complète. Il s’agit de la France, et de l’idée de sa permanence. Parenthèse historique, cela nous rappelle irrésistiblement cette France qualifiée d’éternelle qui s’en allait à Londres face à la veulerie de son régime politique du moment, de son Etat et de ses lois scélérates et que rejoignaient tous ceux épris de liberté quelle que fût leur obédience politique.

    A mon avis, cela ne peut que conforter la nécessité d’être précis dans notre Constitution sur le caractère obligatoire du respect de ce Pacte, de cette identité constitutionnelle. Comment pourrait-on saucissonner une identité constitutionnelle, la mettre en quelque sorte à la « Carte », les uns prétendant s’affranchir, si cela leur chante, du principe d’égalité homme/femme, les autres, du principe de liberté du commerce et de l’industrie. Non ce doit être le « Menu » et le même pour toute la table.

    Il faut donc dans cette perspective, comme on l’a proposé dans l’article, être plus précis de manière générale sur les principes que l’on entend que les partis et groupements politiques respectent dans le débat politique. Etre précis et rigoureux dès lors, à commencer par le cas particulier des « listes communautaires », en ne croyant pas que quelques uns de ces principes, mentionnés à l’actuel article 4 de la Constitution (« les principes de la souveraineté nationale et les principes de la démocratie ») en désigneraient également d’autres, voire l’entier « Pacte républicain », l’entière « identité constitutionnelle de la France ». Très clairement ce n’est pas le cas et ne pas l’admettre est s’accommoder de ce que certains s’en affranchissent sans que, même par une loi, nous puissions constitutionnellement les en empêcher.

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  2. Incognitototo

    Merci pour cet article très clair, comme d’habitude, et dont je partage l’analyse.

    Il y a cependant une prémisse qui n’est pas claire pour moi : comment distinguez-vous une croyance religieuse d’une croyance politique ?

    J’ai en mémoire les paroles d’Irène Falcon citée par Jorge Semprun dans « Autobiographie de Federico Sanchez » : « …Nous nous sommes libérés de la foi qui exclut la science, alors s’est renforcée en nous cette foi à laquelle Marx faisait référence lorsqu’il disait que les communistes sont capables de « prendre le ciel d’assaut. Lorsque cette foi tiédit, lorsqu’on devient incrédule, on cesse d’être communiste. Voilà la vérité. »

    Dès mes années adolescentes, après lecture de quelques ouvrages, politiques et religieux, je ne distinguais plus les deux types de croyances… Pour moi, cela procède des mêmes mécanismes, qui ont d’ailleurs été, plus tard, très bien décrits dans « Et l’homme créa les dieux » de Pascal Boyer.

    Donc, si on part de la prémisse qu’une croyance en vaut une autre, je ne vois pas l’intérêt de « finauder » pour (dans la meilleure hypothèse) aboutir à l’interdiction des listes communautaires.

    Je trouve beaucoup plus pertinent, ambitieux, vital et fondamental de militer et de creuser la voie que vous décrivez avec Jean Petrilli dans votre article : « Le Front national encourt-il, en droit, une dissolution du fait du caractère non républicain de son programme ? » ; qui propose que notre Constitution se protège de tous les totalitarismes.
    De fait, les listes communautaires tomberaient alors sous le coup de la loi (comme le RN) sans que nous n’ayons besoin de déterminer si elles sont « communautaires » ou pas ; et surtout les arguments que nous pourrions avancer contre les listes communautaires seraient les mêmes que ceux contre les listes politiques qui sont hors cadre républicain.

    Dans mes rêves prospectifs les plus fous, on peut même imaginer qu’avec ce type de Constitution, le « néo-libéralisme » en tant que doctrine totalitaire et totalisante serait déclarée illégale. 🙂

    Bien cordialement.

    P.-S. : À tous les confinés, je conseille de lire ou relire « L’an 01 », une utopie proposée par Gébé au début des années 70. Par bien des aspects, ce que nous vivons pourrait bien être ce temps, où « On arrête tout, on réfléchit, et c’est pas triste »qui pourrait faire changer le monde tout entier… Il faut l’espérer très fort et même se battre pour que cela arrive.

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    1. François Braize Auteur de l’article

      Merci de votre commentaire et de votre soutien.

      Contrairement à ce que vous avez cru pouvoir relever, il n’y a pas de hiatus entre le présent article et celui publié dans le magazine Slate avec Jean Petrilli, il y a quelques années.

      Dans les deux cas il est proposé, par une modification constitutionnelle, d’élargir le champ des principes du Pacte républicain (ou de l’identité constitutionnelle de la France) qui s’impose aux partis et groupements politiques et, donc, par définition à tous les acteurs politiques et pas seulement à ceux qui portent des listes communautaires. Et, dans les deux cas, il s’agit de s’opposer à ce que la République admette et finance ceux qui veulent la faire disparaître via telle ou telle idéologie totalitaire, civile ou religieuse. Donc pour répondre directement à votre question, pas de différence dans mon esprit de ce point de vue entre les croyances, politiques ou religieuses.

      Il ne faut donc pas s’arrêter au titre de l’article qui se construit, dans son intitulé et son raisonnement, sur une critique de la proposition de loi « LR » devant le Sénat qui précisément, elle, ne pourfend, par une loi ad hoc, que les listes communautaires, d’ailleurs sans prendre la peine de modifier la disposition de notre Constitution qui n’impose aux partis et groupements politiques que le respect des principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. Ce qui nous parait aujourd’hui comme hier trop limitatif au regard de l’idée de Pacte républicain, ou d’identité constitutionnelle de la France, qui doit s’imposer à tous les acteurs politiques.

      Mais, le dernier paragraphe de votre commentaire nous rappelle que, même bien calibré comme nous le proposons en identifiant les principes les plus essentiels et sans obturer le débat politique, c’est un exercice difficile ou chacun ne trouvera pas son bonheur, même rêvé.

      En effet, et par exemple, s’il est des principes qui relèvent bien aussi de l’identité constitutionnelle de la France (une République à la fois économique et sociale et donc une économie de marché régulée et pas un régime d’appropriation collective) ce sont le principe de la liberté du commerce et de l’industrie et celui du droit de propriété.

      Personne ne peut donc compter sur l’affirmation dans notre Constitution des principes de l’identité constitutionnelle de la France (ou du Pacte républicain) imposés plus clairement aux partis et groupements politiques que ne le fait son actuel article 4, pour faire espérer faire déclarer inconstitutionnelle « l’idéologie néo-libérale », pas davantage que cela pourrait être le cas pour la doctrine socialiste contemporaine. Et c’est très bien pour le débat politique dans un pays libre ou le pluralisme politique est aussi un autre pilier de son identité constitutionnelle.

      Bien cordialement

      Répondre
      1. Incognitototo

        Bonjour,

        À la suite des riches échanges sur l’article : « La question clé de la philosophie politique. Légitimité et autorité » ( https://www.mezetulle.fr/la-question-cle-de-la-philosophie-politique-legitimite-et-autorite/ ), je repensais à votre réponse sur cet article.

        Pour la première partie, après que vous m’ayez rassuré sur vos intentions globales, nous sommes d’accord, donc je ne reviens pas dessus.

        C’est celle concernant mon « rêve » qui m’intéresse… Vous soutenez que notre Constitution de par sa nature ne peut pas s’opposer au néo-libéralisme. Oui, mais c’est bien dans le cadre d’une future Constitution qui pourrait s’opposer légalement à toute croyance totalisante et totalitaire que cela m’intéresse d’étendre le débat.

        En outre, si notre Constitution protège le droit de propriété (article 17) et à moins que cela ne m’ait échappé, je ne vois nulle part le principe de « liberté du commerce et de l’industrie ».
        Ce sont nos lois qui autorisent et encadrent ce droit, ainsi que le traité de Lisbonne (qui a été refusé par les Français en 2005 sous forme de Constitution européenne et est donc illégitime) pas notre Constitution elle-même.

        Enfin, il ne s’agit pas de s’opposer aux pluralismes des positionnements politiques, mais de limiter la capacité de nuisance de certaines croyances issues de leurs positionnements. Ou autrement dit, de trouver les mécanismes légaux qui permettraient que le rêve de Condorcet (et le mien) se réalise : « … je le crois, la détermination de ce qui doit être l’objet des lois est susceptible de preuves rigoureuses, dès lors il ne reste plus rien d’arbitraire dans l’ordre des sociétés… »

        Ce qui semble le meilleur outil, à mon sens, pour atteindre cet objectif c’est « l’Évaluation des politiques publiques ».
        Dès 1968 nous avons institutionnalisé ce principe, sans qu’il ne prenne jamais sa place dans les processus décisionnels, puis abandonné dans les années 80, puis réinstallé en 1990, puis ré-abandonné, puis réinstallé… un vrai feuilleton politique pour un outil démocratique pourtant vital et essentiel qui n’a jamais réussi au final à être utile à quoi que ce soit, tant en réalité nos politiques savent bien à quel point ce type d’institution pourrait les empêcher de continuer à faire n’importe quoi.

        Cette fonction est d’ailleurs en partie tenue par la Cour des comptes qui rend souvent des rapports étayés et incendiaires sur les politiques économiques suivies, sans que cela n’empêche jamais les gouvernements de passer outre puisque la CDC n’a aucun pouvoir décisionnel ; ce qui constitue une notable différence avec le Conseil constitutionnel qui peut casser des lois qui ne seraient pas conformes à nos principes constitutionnels.

        Je pense que cela serait « assez simple » au fond d’installer « Un conseil d’évaluation des politiques publiques » (qui s’appuierait entre autres sur la Cour des comptes et pourquoi pas sur le Programme du Conseil national de la Résistance), en lui donnant le même type de pouvoirs que le Conseil constitutionnel pour limiter les nuisances des décisions qui ne sont pas prises dans l’intérêt général ; c’est-à-dire toutes celles qui sont purement idéologiques (généralement néo-libérales), dont on peut démontrer sans aucun problème qu’elles sont fondées sur des ignorances, des croyances, ou pire sur des mensonges délibérés qui ne défendent que des intérêts particuliers.

        Si ce « Conseil d’Évaluation des politiques publiques » était reconnu au même titre que le Conseil constitutionnel dans notre Constitution, alors certaines décisions (comme celles issues du corpus idéologique néo-libéral, notamment la « théorie du ruissellement ») pourraient être cassées au même titre que les lois qui ne respectent pas notre Constitution.

        Si cela vous intéresse, j’aimerais bien avoir votre avis là-dessus, sur ce qui pourrait s’opposer à la mise en place d’un mécanisme légal tel que je le décris qui compléterait ceux que vous proposez pour endiguer les totalitarismes.

        Bien cordialement.

        Répondre
        1. Braize

          Merci de vos remarques stimulantes pour notre réflexion. Je vous réponds donc sur les points que vous soulevez.

          1° Sur le positionnement de la liberté du commerce et de l’industrie dans notre ordre juridique votre information n’est pas complète et une prémisse erronée rend donc votre raisonnement inexact.

          En effet, après avoir été positionné comme « principe général du droit » par le Conseil d’Etat par son arrêt Daudignac de 1951 (pour en imposer la rigueur des conséquences au pouvoir réglementaire, en l’occurrence celui d’un maire), ce principe a été déclaré de valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel depuis presque 40 ans.

          Il l’a été avec la liberté d’entreprendre et le droit de propriété pour en imposer la rigueur des conséquences au pouvoir législatif et, donc, à la représentation nationale elle même à laquelle le Conseil constitutionnel a refusé, en 1982, le droit de nationaliser sans indemnisation même si certains avaient cru pouvoir considérer qu’ils avaient juridiquement raison parce qu’ils étaient politiquement majoritaires….

          La liberté du commerce et de l’industrie appartient dès lors clairement à notre « bloc de constitutionnalité » qui est un « Tout » dont les composantes ont la même portée et, donc, les mêmes effets quel que soit que le principe constitutionnel fondamental que l’on considère. Ce « Tout » dessine l’identité constitutionnelle de la France. Je suis de ceux qui considèrent qu’il s’agit donc de plus que notre seule Constitution actuelle en date du 4 octobre 1958.

          Je maintiens donc mes réponses précédentes et je me garderai bien pour ma part de porter atteinte par de nouvelles dispositions constitutionnelles à cette identité de liberté (y compris économique) ou, pire, de vouloir en changer pour sacrifier à quelque idéologie que ce soit. Car je considère que la liberté est un tout insécable, elle est politique mais ne peut qu’être également économique. La vraie question est celle de la régulation de l’économie de marché pas de sa disparition dans un nouveau totalitarisme qui l’annihilerait dans une sorte de « néo appropriation collective des moyens de production ».

          En conséquence, cette position n’interdit pas, bien au contraire elle seule le permet, de vouloir davantage réguler le libéralisme économique par la loi nationale, ou communautaire, ou par des dispositions internationales que ce soit pour la préservation de la Planète ou pour davantage de justice sociale.

          C’est la raison pour laquelle j’ai pu proposer dans un autre article publié ici même de sacraliser nos principes fondamentaux en nous interdisant nous même (le peuple ou sa représentation) de revenir dessus que ce soit par une réforme constitutionnelle parlementaire, référendaire ou d’initiative citoyenne (voir à ce sujet : https://www.mezetulle.fr/ric-ta-mere-par-f-b/). Aucune souveraineté n’est en effet absolue, même pas celle du Peuple, et doit donc demeurer soumise au respect de nos principes fondamentaux et valeurs démocratiques. Peut-on admettre sans barguigner que la souveraineté populaire puisse aller jusqu’à abroger en tout ou partie ces principes ou valeurs ? Pour moi la réponse est « Non ».

          2° S’agissant de votre proposition d’ajout d’un dispositif supplémentaire d’évaluation des politiques publiques plus contraignant, et même coercitif, j’observe, au delà de la versatilité de l’exécutif depuis plusieurs décennies sur l’évaluation des politiques publiques (que vous relevez à juste titre), que le Parlement s’est doté d’un dispositif structuré d’évaluation des politiques pour chacune de ses deux assemblées dans le cadre de son rôle d’évaluation des politiques que prévoit notre Constitution.

          En effet, l’article 24 de la Constitution prévoit que « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques ». L’article 51-2 réaffirme le rôle du Parlement dans l’évaluation des politiques menées par le gouvernement et lui permet de constituer des commissions d’enquête pour exercer ce rôle tandis que l’article 47-2 indique que la Cour des comptes assiste le Parlement et le gouvernement dans l’évaluation des politiques publiques.

          C’est en effet constitutionnellement le Parlement qui est chargé, en démocratie parlementaire, de contrôler l’exécutif. L’évaluation des politiques est au cœur de ce contrôle. Cela me semble très bien ainsi. Que viendrait y ajouter une évaluation par un organe de l’exécutif lui même ? Je ne crois pas à l’auto-évaluation dans ce domaine pas davantage que dans beaucoup d’autres.

          Quant à l’idée d’un autorité indépendante de plus pour exercer l’évaluation, l’action de l’exécutif est déjà placée sous le contrôle, pour sa légalité, du juge administratif sous la houlette du Conseil d’Etat et, pour sa rigueur budgétaire et comptable, sous celui de la Cour des comptes, contrôles effectifs, contraignants et dotés de sanctions. L’action législative du Parlement est quant à elle placée sous le contrôle du Conseil constitutionnel (y compris d’ailleurs a posteriori par les QPC).

          En conséquence, l’ajout d’un contrôle d’évaluation coercitif de plus venant se surajouter à ce dispositif déjà très complet ne me paraît pas une idée à retenir. En outre, ne nous cachons pas que le risque de police des idées que comporte la manière dont vous présenter la proposition serait réel même si vous en refusez l’augure ce qui vous honore. En effet, on peut craindre que pour contrer les effets néfastes d’idéologies totalitaires, et en particulier pour vous de l’idéologie « néo libérale », vous nous fassiez tomber dans une police des idéologies qui ferait advenir le risque totalitaire que l’on cherche justement à prévenir.

          Pour tous ces motifs, partageant le même objectif que vous concernant les méfaits d’un libéralisme économique débridé, il me paraît bien préférable de miser sur de nouveaux principes fondamentaux dont nous enrichirions notre bloc de constitutionnalité actuel pour mieux réguler notre régime économique libéral plutôt que de renoncer ou de mettre en danger tel ou tel des principes fondamentaux qui constituent depuis plus de deux siècles notre société de libertés et notre identité constitutionnelle (voir à cet égard mon dernier texte dans Mezetulle qui porte sur ce sujet : https://www.mezetulle.fr/le-jour-dapres/ et explique en détail ma position y compris dans les commentaires qui suivent l’article et répondent à certains de mes contradicteurs).

          Bien cordialement

          Répondre
          1. Incognitototo

            C’est toujours un plaisir et tout également stimulant pour moi, d’échanger avec vous. Nous avons des points de vue toujours convergents sur ce qui ne va pas et c’est fort intéressant d’explorer nos possibles divergences sur comment on pourrait faire pour les résoudre.

            Excusez-moi par avance de devoir faire long, mais il faut que vous saisissiez la logique qui me conduit à penser ce que je pense, sinon nous n’allons pas parler des mêmes choses.

            1 – En fait, vous me confirmez ce que je relevais : la « liberté du commerce et de l’industrie » est assurée par les lois et jurisprudences, et c’est tout. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les attendus de l’Arrêt Daudignac qui stipulent « qu’en l’absence de restriction imposée par la loi chacun est libre d’exercer sa profession ».
            Bref, tout ce qui n’est pas interdit est permis et cela vaut en conséquence aussi pour la « liberté du commerce et de l’industrie » .

            Je maintiens donc que ce n’est pas un « principe constitutionnel », mais une simple application du principe général de liberté qui aboutit à cette conclusion. Et ce n’est pas parce que le CC a confirmé à plusieurs reprises ce principe de liberté combiné au droit à la propriété privée, que pour autant la « liberté du commerce et de l’industrie » est inscrite dans la Constitution.

            C’est une nuance de taille, d’autant que l’Art. 4 de notre DDHC fixe les limites de toutes les libertés : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi ».

            Aussi, sauf à vouloir transformer des lois et jurisprudences en principes constitutionnels, vous ne pouvez pas continuer à soutenir que la « liberté du commerce et de l’industrie » est inscrite dans notre Constitution.
            Elle se déduit de nos principes constitutionnels (du moins c’est ce que nous disent nos jurisprudences pour les cas qu’elle a eu à trancher et donc uniquement contextuellement), mais elle n’est pas formellement un principe général (sauf dans le Traité de Lisbonne qui est illégitime. D’ailleurs, précédemment au coup d’État de 2007, c’est un des principes qui avait fortement mobilisé les Français contre la Constitution européenne en 2005). Et si elle devenait un principe constitutionnel, il serait forcément limité en conformité avec les lois qui le délimitent tout également aujourd’hui (Cf. : notamment notre Code de commerce et tout ce qui concerne le Droit des affaires).

            Donc (puisque c’est le point qui m’occupe), absolument rien ne s’oppose constitutionnellement à la remise en cause de la « liberté du commerce et de l’industrie » y compris par une instance qui en régulerait au premier chef les abus. J’espère que vous en conviendrez, sinon c’est votre prémisse qui est fausse pas la mienne 🙂 .

            Alors, passons maintenant aux travaux pratiques en prenant 2 exemples (parmi bien d’autres possibles) :

            a – Le gouvernement Macron a « détricoté » (sous couvert de « flexibilité » économique) tout le droit immobilier à coup de décrets pour s’asseoir sur la plupart des lois qui le régissaient et limiter drastiquement les voies ainsi que les possibilités de recours des tiers. Il y a même maintenant une possibilité de rétroactivité de la loi dans ce droit qui permet de rendre légal ce qui ne l’était pas au moment des faits ; un précédent qui permet de régulariser, sans frais, tout ce qui était précédemment illégal. Incroyable pour n’importe quel juriste, mais vrai : j’ai d’ailleurs vu passer l’avis du Conseil d’État (dont je ne retrouve plus les références) sur ce sujet qui était très clair et l’entérinait sans que cette novation ne lui pose de cas de conscience.
            Résultat : les promoteurs et les collectivités (et évidemment les particuliers aussi) ont maintenant les coudées franches pour faire à peu près tout et n’importe quoi (y compris en dérogeant à la loi littorale que les Préfets peuvent maintenant décider souverainement de ne pas appliquer), en toute impunité et quasiment sans possibilité de recours des tiers. Ou encore, une collectivité qui construirait un bâtiment en infraction avec son PLU, peut maintenant en modifiant par la suite son PLU le rendre légal, y compris s’il a précédemment été condamné pour cela.
            Un vrai coup d’État « légal », dicté par l’arbitraire et les intérêts particuliers, et ce d’autant plus que ces modifications de lois fondamentales ont été faites sans jamais passer devant les Assemblées ; elles sont donc totalement ignorées (sauf des professionnels du droit immobilier) par nos politiques et les médias… avec des conséquences dont on commence déjà à mesurer tous les méfaits (par les jugements rendus) pour l’intérêt général et les droits des tiers.

            b – Depuis 2004 (sous couvert de « protection » économique) plusieurs tentatives ont été faites pour instaurer un « Droit du secret des affaires », c’est chose faite depuis le 30 juillet 2018. On est donc « ravi » d’apprendre que toute dénonciation de fraude et même demande d’information pourra être interprétée, poursuivie et condamnée pour atteinte au « droit du secret des affaires », en totale contradiction avec :
            – l’obligation de dénonciation des crimes (Code pénal Article 434-1),
            – l’obligation de révélation de faits délictueux (pour les CAC : Code de commerce article L. 225-240),
            – l’obligation de publication des comptes sociaux des entreprises (Code de commerce : articles L. 232-21 à L. 232-26),
            – ou encore, l’obligation de « déclaration de soupçon » (Code monétaire et financier : Articles L. 500-1 à L. 574-4) dont les obligés (banques, professions libérales et autres) pourront toujours s’abriter derrière ce nouveau droit du secret des affaires, pour justifier qu’ils respectaient la loi en ne déclarant pas des faits suspects ou délictueux…
            Par-dessus tout, on voudrait bâillonner le journalisme d’enquête (celui des Panama Papers ou de l’affaire Clearstream et de tant d’autres) qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Les conséquences ont d’ailleurs déjà fait une première actualité par le refus de la CADA de communiquer des documents concernant l’enquête « Implant Files », et pour justifier son refus d’accès, elle a invoqué le « droit du secret des affaires » ; un vrai comble pour une administration publique dont la mission première est de permettre l’accès aux documents administratifs.
            Un droit qui donne le droit de ne pas respecter les lois, c’est vraiment surréaliste, non ?
            Quant aux lanceurs d’alerte, encore plus qu’avant, on peut être assuré que s’ils ont encore le courage de témoigner, ils seront poursuivis par la justice jusqu’au fond de leurs chiottes pour leur faire rendre gorge (pour paraphraser le célèbre « démocrate » Poutine), afin de dissuader et décourager tous les autres de faire pareil.

            En conséquence, affirmer qu’il y a une volonté délibérée et constante des gouvernements et des politiques pour que les financiers, les grandes entreprises, l’État et les collectivités puissent tranquillement continuer leurs exactions et magouilles en toute impunité est juste un constat des faits.

            Le problème, c’est que ces 2 exemples ne sont pas isolés. Je pourrais citer des centaines (en gros depuis 1969) de cas de lois qui pervertissent nos principes constitutionnels, où sous couvert d’appliquer le plus souvent « la liberté », nos gouvernements bafouent d’autres principes.

            J’ai même écrit un ouvrage (de 200 pages, évidemment non publié par les éditeurs) qui recense exhaustivement pour notre seul droit fiscal tout ce qui est en infraction à l’article 14 de notre DDHC qui stipule : « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. ».
            Cet ouvrage propose en conséquence une révolution fiscale pour que l’article 13 (« Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. ») ne soit plus perpétuellement bafoué et que notre article 14 soit respecté.

            En psychologie, quand c’est un fait isolé on appelle cela une perversion, mais quand c’est tout un système qui est comme ça, alors cela devient une « structure perverse ». À l’exception de notre DHCCC, notre droit et le monde politique sont malheureusement truffés de perversions et de systèmes pervers.

            Et qu’est-ce qu’il y a actuellement pour s’opposer à ces « décisions économiques » perverses ? Et ces lois qui n’empêchent rien ou pire bafouent nos principes constitutionnels ?
            Rien. Absolument rien ne s’oppose actuellement dans notre Constitution à ce que nos droits et principes fondamentaux, dont celui d’égalité ou de l’intérêt général (non inscrit dans la Constitution pour ce dernier, mais qui constitue un principe fondamental du Droit public), soient autant bafoués et maltraités par nos gouvernements.
            Nos institutions n’ont aucun pouvoir pour s’y opposer, sauf pour le CC qui s’occupe peu des lois économiques. Tandis que notre médiocratie, qui gouverne et représente au mieux 18,2 % des inscrits, s’autorise à modifier sans vergogne des lois et droits fondamentaux, sans que personne ne puisse s’y opposer.

            Et j’en viens donc au point 2…

            2 – Alors une fois que nous avons constaté que notre démocratie n’en est pas une et que rien ne peut s’opposer à tous les lois et décrets (et maintenant les ordonnances) qui bafouent nos principes constitutionnels pour ce qui concerne les politiques économiques qu’est-ce qu’il nous reste ?

            Malgré vos dires, la Cour des comptes n’a aucun pouvoir coercitif ni de sanctions. Son rôle se limite à évaluer, contrôler, certifier et juger les comptes qu’on lui présente sans pouvoir rien modifier aux décisions politiques qui les ont générés.
            Aussi fortes que puissent être ses condamnations, jamais elles ne seront suivies du moindre effet contraignant ou de sanctions pour les gouvernements et nos politiques (sauf si elle découvre des actes frauduleux ou délictuels et dans ce cas seulement elle doit les transmettre à la justice, exactement comme les CAC). Quand on sait en plus que son budget dépend du bon vouloir de l’AN et du Sénat, il est facile de comprendre qu’elle est en situation de dépendance et non pas d’indépendance (tout comme les CAC également d’ailleurs).

            Un exemple simple : la CDC et la CRDC (Chambre régionale des comptes) ont condamné à de nombreuses reprises (5 rapports, à ma connaissance, portant sur des affaires de commandes d’État ou de Collectivités locales) l’usage et le recours aux PPP (partenariats public-privé) pour financer les investissements de l’État ou des collectivités ; démontrant, entre autres, que ce système représente un surcoût colossal (plus de 2,5 fois le coût d’un financement direct) pour les finances publiques. Mais il n’y a rien à faire : ce procédé continue toujours et encore à être utilisé par nos dirigeants politiques à la plus grande satisfaction des entreprises privées qui se gavent avec cela (sans oublier que c’est souvent par ce genre de circuits que des faits de corruption deviennent possibles et plus faciles).
            Qui mettra fin un jour à cette gabegie qui se chiffre en plusieurs milliards par an ? Alors qu’on nous serine sans arrêt qu’il n’y a pas assez d’argent, y compris pour renouveler un stock de masques de 50 millions d’€…

            En outre, elle n’a absolument aucun pouvoir pour évaluer et juger des lois à incidences économiques, pas plus qu’elle n’en a pour s’y opposer, comme le CC peut le faire pour vérifier que les lois respectent la Constitution, en se penchant rarement sur toutes celles à incidences économiques, sauf innovations majeures (comme par exemple pour le bouclier fiscal, mais son avis négatif n’a pas été suivi).

            Quant aux autres instances que vous convoquez (Conseil d’État, Tribunaux administratifs et autres), ce sont de simples exécutants d’application des lois (votées par les parlementaires ou décidées par le gouvernement) qui ne jugent qu’en fonction d’elles et qui n’ont en conséquence aucun pouvoir pour les changer ou les abroger.

            Il nous manque donc bien une institution indépendante (au sens où l’entendait Montesquieu) telle que la CC qui se pencherait et aurait un pouvoir décisionnel pour casser toutes les lois à incidences économiques qui ne respectent pas notre Constitution.
            À l’évidence vous ne pouvez pas vous contenter des dispositifs actuels pour mettre fin à tous les exemples que je vous ai produits et à tous ceux que je pourrai encore vous produire qui sapent les fondements de notre République, en toute « légalité » et impunité.

            Bien évidemment, concomitamment il serait tout également indispensable de redonner une légitimité démocratique à notre assemblée nationale qu’elle n’a pas à cause de notre système majoritaire qui nous oblige perpétuellement à voter pour le moins pire au deuxième tour.

            Bon, je vais m’arrêter là pour ce soir et désolé si c’est déjà trop.

            Bien cordialement.

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  6. braize

    En ultime réponse à Incognitoto

    En effet, cher Monsieur, votre réponse ci-dessus est fort longue mais je vous ai lu pour tenter de comprendre le point de vue de mon contradicteur. Et je suis très étonné de votre réponse.

    Je m’en tiendrai pour ma part au sujet de la liberté du commerce et de l’industrie prémisse de toute notre discussion sans m’égarer sur les autres sujets que vous abordez. Il nous faut en effet épargner à notre éditeur d’avoir à ne pas publier des commentaires hors sujet susceptibles d’encombrer ses colonnes et d’ennuyer ses lecteurs.

    On ne va pas tourner en rond plus longtemps sur un désaccord qui est important entre nous. Je maintiens totalement mon analyse sur la portée constitutionnelle du principe de liberté du commerce et de l’industrie et, donc, l’inexactitude radicale de votre prémisse.

    Chose extrêmement étonnante, vous me semblez méconnaître ce l’on appelle le « bloc de constitutionnalité ». Ce bloc place à la fois les dispositions de notre Constitution actuelle (dite du 4 octobre 1958), celles de la DDHC de 1789, celles du Préambule de la Constitution de 1946, celles de la Charte de l’environnement de 2004 ainsi que les principes fondamentaux particulièrement nécessaires à notre temps (exemple : droit de grève, protection de l’enfant), les principes fondamentaux issus des lois de la République (exemple : liberté d’association) et, enfin, les principes à valeur constitutionnelle (exemple : dignité de la personne), tous autant qu’ils sont affirmés par le Conseil constitutionnel dans son rôle de garant de l‘Etat de droit. C’est bien l’ensemble de ces dispositions et de ces principes qui sont placés à un même rang, le rang constitutionnel (sur tous ces points voir https://www.vie-publique.fr/fiches/275483-quest-ce-que-le-bloc-de-constitutionnalite).

    En conséquence, pour modifier, amodier et a fortiori annihiler un quelconque de ces principes il faut une disposition constitutionnelle. Que vous le vouliez ou non, c’est notre droit. En soutenant comme vous le faites que le principe de la liberté du commerce et de l’industrie (quoi qu’en ait dit le Conseil constitutionnel !) n’a pas de portée constitutionnelle votre erreur est donc totale.

    Je ne goûte que fort peu aux faits alternatifs et, en science juridique comme dans les autres sciences, la rigueur commande de considérer que les faits et données sont à distinguer des opinions. Si chacun peut avoir les opinions de son choix, personne ne peut méconnaître les faits du moins dans un monde démocratique où l’on ne les trafique pas.

    Je maintiens donc, avec tous les auteurs sérieux, que la liberté du commerce et de l’industrie est, n’en déplaise, un principe qui appartient aujourd’hui à notre « bloc de constitutionnalité » et que, donc, ce principe a une portée identique à ce qui serait la sienne s’il était inscrit dans notre Constitution elle même. Ce n’est pas une opinion que l’on peut discuter, c’est un fait juridique. Vous pouvez le nier tant que vous le voulez cela n’y change rien.

    Hors du domaine des données factuelles objectives (et de la nécessité d’admettre le caractère indiscutable des faits qu’appelle une discussion qui se veut sérieuse), chacun peut avoir son opinion mais sans pouvoir néanmoins tordre les faits.

    Pour ma part je le redis : je ne pense pas que nous répondrons au besoin de réguler le néo libéralisme économique et ses méfaits en renonçant à une société de libertés, a fortiori en nous racontant des histoires sur sa réalité juridique actuelle.

    Mais vous avez parfaitement le droit de faire un autre choix, d’avoir une autre opinion, c’est votre liberté. Je vous redis simplement que pour mettre en œuvre votre opinion, il faudra modifier notre bloc de constitutionnalité actuel et, donc, écrire une modification constitutionnelle susceptible d’empêcher le Conseil constitutionnel de continuer à déclarer constitutionnelle la liberté du commerce et de l’industrie…

    On ne peut à cet égard pour un tel exercice, si vous le voulez sérieux (et pas du niveau du café du commerce ou du salon où l’on cause au demeurant dans les deux cas vainement), que vous souhaiter bon courage.

    Pour ma part, avec beaucoup d’autres, puisque c’est notre choix d’une société de libertés non amputée de sa liberté économique, soyez persuadé que nous ne pourrons, dans le débat d’idées et dans les urnes, que nous y opposer résolument. Notre désaccord est donc bien cerné, il est total sur ce point, et j’en resterai là.

    Bien cordialement.

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