Samuel Paty, professeurs menacés de mort : on regarde ailleurs…

À l’approche du triste anniversaire – le 16 octobre – de l’assassinat de Samuel Paty, on apprend que dans l’Essonne un professeur est menacé, en des termes très explicites1, de décapitation. Avant la publication de cette sinistre nouvelle, le Collectif laïque national a publié un appel intitulé « Se montrer fidèles à l’action de Samuel Paty » demandant notamment « aux responsables institutionnels de réagir systématiquement et avec vigueur à la moindre alerte […] » et appelant à rejoindre « les initiatives locales prises pour rendre hommage à Samuel Paty notamment à Paris Ve le 16 octobre à 14h au square Samuel Paty place Paul Painlevé »2.
Alors que circulent ces menaces de mort, qui se présentent ouvertement comme un rappel funeste de l’assassinat de Samuel Paty, les « partis de gauche de la Nupes » ont programmé une « manifestation contre la vie chère et l’inaction climatique » précisément et délibérément pour ce dimanche 16 octobre, comme s’il n’y avait pas d’autre date possible, comme si la mémoire du 16 octobre 2020 devait s’effacer. Mais ils ne sont pas les seuls à regarder ailleurs.

Il y a deux ans, je mettais en ligne sur Mezetulle « À la mémoire de Samuel Paty, professeur ».

Il y a deux ans, Philomag publiait cette interview en accès libre « Le terrorisme islamiste considère que l’école est à sa disposition et entend lui dicter sa loi ».

Il y a deux ans… Rien n’a changé, et c’est même peut-être pire, comme le dit le magazine Marianne « L’indifférence a gagné » . Comme le constate aussi amèrement Anne Rosencher ce matin sur France-Inter.  Elle déclare : « J’ai cru, comme beaucoup, qu’un tel électrochoc allait faire reculer les intimidations islamistes, qui veulent imposer leurs normes et faire taire les professeurs. Hélas. ».
Professeurs de plus en plus ouvertement méprisés – traités de « déserteurs », accusés de « ne pas contribuer au redressement du pays » – parents d’élèves intrusifs et tout-puissants, wokes qui au nom du « respect des convictions et des identités » ferment délibérément les yeux sur l’invasion du fanatisme avec son cortège d’injonctions sanglantes … Seul changement : l’extension de la lâcheté et du renoncement.

Il faut cultiver notre indignation. Pour cela, lire et relire le livre de David di Nota J’ai exécuté un chien de l’enfer. Rapport sur l’assassinat de Samuel Paty .

« Samuel Paty Ni oubli ni pardon » (tweet de Catherine Clément ce soir).

Notes

1– « … le sale JUIF… On va lui faire une SAMUEL PATY » dit notamment (avec les majuscules) le message qui circule actuellement sur les réseaux sociaux  voir https://twitter.com/jpsakoun/status/1580469267119886338 . Il y a quelques jours, un autre professeur a été menacé de mort après un cours sur la laïcité.

3 thoughts on “Samuel Paty, professeurs menacés de mort : on regarde ailleurs…

  1. Mezetulle Auteur de l’article

    Tiens tiens, in extremis et de manière très spontanée, la Nupes décide de rendre hommage à Samuel Paty dimanche matin. Oups.

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  2. Laribaine

    Bonjour

    Je reste sceptique quant à la lisibilité de la réaction du gouvernement face à la recrudescence actuelle des atteintes à la laïcité dans les établissements scolaires, notamment le port de l’abaya.
    Comme d’autres avant lui – c’est à désespérer- le ministre de l’Education Nationale adjective la laïcité de « positive » et déclare qu’elle n’est pas « une chasse aux sorcières ».

    Ce n’est pas une chasse tout court.

    La « pédagogie et le dialogue avec les jeunes qui pourraient se sentir « interdits» ou « rejetés » par la loi de 2004 » qu’il préconise sont mal orientés. Ces propos m’évoquent ceux de L Jospin en 1989.
    https://www.sudouest.fr/etudiant/pap-ndiaye-ministre-de-l-education-nationale-la-laicite-n-est-pas-une-chasse-aux-sorcieres-12602707.php

    La pédagogie, c’est expliquer aux élèves ce que vous appelez la respiration laïque

    Le ministre déclare qu’ « il y a des signes religieux qui le sont par nature: un voile, une kippa ou une grosse croix. Voilà qui ne prête pas à débat. Et puis, il y a les signes religieux par destination, qui peuvent le devenir par une intention que leur prête leur auteur (…) C’est pourquoi les chefs d’établissement doivent regarder précisément les signes ostensibles. »
    https://www.bfmtv.com/societe/education/signes-et-tenues-religieuses-le-ministere-de-l-education-confirme-une-hausse-des-atteintes-a-la-laicite-a-l-ecole_AV-202210130124.html

    En distinguant les signes par nature (pourquoi adjectiver la croix de « grosse » ? où finit la discrétion dont parlent les circulaires d’application de la loi de 2004 ?) et ceux par destination, le Ministre s’en remet aux chefs d’établissement pour distinguer ce qui est ostensible et ce qui ne l’est pas.
    Dans « L’ostentatoire dans l’application du principe de laïcité », publié dans la revue française de droit administratif de juillet-août 2018 (p 613) Mathilde Philip-Gay rappelle que l’ostensible désigne « ce qui peut être montré publiquement sans inconvénient,[…], en soi ostensible n’implique pas une intention d’être remarqué par les autres, ni un caractère revendicatif». Ainsi, « L’intention de la personne qui l’arbore » est à rechercher pour déterminer si le signe ou la tenue est ostensible (C’est moi qui souligne)
    Le chef d’établissement reste ainsi dans l’obligation de rechercher « l’intention de la personne qui l’arbore » pour déterminer si le signe ou la tenue est ostensible ou ne l’est pas. Comment lui permettre d’apporter objectivement la preuve que le port du signe ne s’est pas accompagné d’un comportement ou d’actes qui le rendent ostensible ?
    En utilisant le terme ostensible, la loi de 2004 laisse subsister une zone d’incertitude qui aurait été levée si le terme visible avait été retenu comme l’article 28 de la loi de 1905 pouvait l’y conduire.

    Le ministre a déclaré que « la loi est parfaitement claire ». L’est –elle vraiment ? Ne se prête t’elle pas à de multiples interprétations, au risque évident qu’elles soient différentes d’un établissement à l’autre, ce qui serait pain béni – si j’ose dire – pour ceux qui contestent la laïcité.
    « Ce n’est pas toujours évident de faire la différence entre une abaya, tenue traditionnelle qui se porte au-dessus d’autres vêtements et une robe trop longue, entre un voile et un bandeau qui pourrait être un peu trop large… Chaque proviseur ou professeur met le curseur où il le souhaite », explique Renaud, professeur dans un lycée de Seine-et-Marne. »
    https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/sur-la-laicite-a-l-ecole-pap-ndiaye-fustige-les-agitateurs-professionnels_208521.html

    Ainsi, la situation d’insécurité pour les professionnels pointée déjà par le rapport Stasi en relevant le désarroi de fonctionnaires désemparés qui « attendent un soutien de l’État, une ligne claire et ferme » perdure-t-elle encore aujourd’hui !
    Comment distinguer la provocation du prosélytisme ? Cette question me remémore votre article « Burqa et niqab au-delà du masque : une dépersonnalisation indifférenciée » mis en ligne sur Mezetulle le 22 juin 2009, dans lequel vous analysiez la faiblesse de l’argument de l’oppression des femmes au regard de la nécessite d’interdire le port de la Burqa et du niqab en concluant : « Il sera en effet facile aux sectes concernées, comme aux bienpensants qui leur apportent souvent un appui, de trouver des porteuses de burqa et de niqab pour déclarer qu’elles affirment librement par là leur féminité et leur dignité. Les sectaires nieront toujours que ce port est un signe d’infériorité ou d’oppression, faisant valoir que ces femmes jouissent en France de tous leurs droits. La seule chance serait de trouver un sectaire ou une porteuse de burqa assez stupide pour déclarer tout de go, un peu comme l’a fait l’imam de Vénissieux, que burqa et voile intégral (niqab) témoignent de l’infériorité des femmes, constituant alors le corps du délit. On voit que la question d’une interdiction ne se résout pas par cette approche, car en l’absence de déclaration explicite (« nous portons cela parce que nous sommes en tant que femmes inférieures aux hommes et soumises à eux ») il faudrait réclamer la sanction d’une déclaration implicite, impensable dans un État de droit ».
    http://www.mezetulle.net/article-32952241.html

    Appliquer le principe de précaution par une interdiction de principe serait-il liberticide ?
    En me posant cette question, il me revient l’appel que vous avez signé en 1989 « Profs, ne capitulons pas », dans lequel je lis ce qui peut être la réponse : « Vous dites, Monsieur le Ministre, qu’il est exclu d’exclure. Bien que touchés par votre gentillesse nous vous répondons, avec Mohammed Harbi, qu’il est permis d’interdire.»

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    1. Claustaire

      Il me semble que vous pointez bien une éventuelle et sérieuse difficulté dans l’application de la loi de 2004 portant sur l’interdiction du prosélytisme religieux (par signes ostentatoires) dans nos écoles.

      Et nos jeunes provocateurs ados en quête identitaire ou existentielle (qu’ils soient pions manipulés par des islamistes ou juste ados en quête de provocation ou d’intégration communautaire ou ‘tribale’) en pointent bien les limites ou les failles : comment décider si un affichage vestimentaire relève de la futilité d’une mode ‘djeuns’, du sérieux d’un prosélytisme religieux ou idéologique, d’une contestation séparatiste de gens qui au nom de leurs origines familiales ‘exogènes’ tiendraient, tout en fréquentant une école ‘d’ici’ garante de leurs droits, à afficher leur droit d’être des ‘pas d’ici’, etc.

      Peut-on laisser enseignants ou directeurs d’établissements scolaires se perdre dans des casuistiques (détermination des éventuelles intentions, – ce qui peut exposer en outre au ‘procès d’intentions’) les exposant à des dilemmes qui les condamnent soit au ridicule (faire raccourcir une robe, une barbe ?) soit à l’autoritarisme « facho » ou « islamophobe » ?

      La loi de 2004 (dont j’étais alors un partisan) me semble maintenant poser plus de problèmes que de solutions : aussi longtemps que seul le voile (islamique) était le drapeau de l’islamisme, il était facile d’en dénoncer à la fois le prosélytisme religieux et l’inégalité sexiste (quand seules des filles étaient les vecteurs et les victimes de la conquête islamiste). On en voit les limites maintenant que toutes sortes d’accessoires vestimentaires ou pileux (chemises, robes, pantalons, barbe, etc.) permettent à la fois aux islamistes (et à leurs pions) d’afficher leur prosélytisme et à quiconque d’afficher ses préférences identitaires, communautaires, culturelles ou idéologiques.

      L’imposition d’un ‘uniforme’ serait-elle une piste ? Genre tablier unisexe en coton biologique ? Suffisamment long pour couvrir les robes les plus longues ? Et nos élèves, entrant à l’école, auraient le sentiment d’entrer au couvent ou en colonie pénitentiaire ? Plus de crop-top ? Plus de string rose débordant d’un pantalon taille basse ?

      N’est-ce pas plutôt le libéralisme vestimentaire le plus total, voire le plus anarchique qui pourrait nous ouvrir des perspectives, à la fois pittoresques ou libertaires des plus créatrices ? On sait qu’une mode, c’est ce qui se démode. Souvenons-nous des piercings et autres gothismes de naguère (auxquels on aurait pu trouver à redire, ne serait-ce que pour des raisons sanitaires). Imaginons les futurs tatouages par lesquels chacun affichera ce qu’il penserait être son moi profond, voire ses convictions religieuses ou idéologiques, etc. etc.

      Sauf que, en l’occurrence, ce qui nous interpelle ici n’est pas une question de mode juvénile diversement manipulée par des médias ou autres influenceurs en quête d’un marché à conquérir mais d’un prosélytisme idéologique en quête de pouvoir et d’esprits à coloniser. Et que ce prosélytisme cherche à manipuler ou à enrôler les plus faibles, les plus influençables devrait nous être particulièrement odieux et donc à combattre.

      Comment le combattre ? Du moins de quel côté organiser la meilleure résistance (à défaut de la meilleure attaque, puisque nous ne voulons pas être des va-t-en-guerre) ? La meilleure résistance, on le sait en physique, c’est celle qui ne laisse pas du tout passer le courant. En l’occurrence, ce serait l’interdiction totale de tout ce qui, de près ou de loin, du haut jusqu’en bas, à tort ou à raison, pourrait laisser penser à quiconque qu’on serait devant du prosélytisme vestimentaire religieux ou commercial (car il n’y a pas de raison qu’on ferme l’école à la religion et qu’on la laisse ouverte au consumérisme commercial le plus écologiquement nocif).

      Et donc, en milieu scolaire ou éducatif (de la maternelle jusqu’au lycée, des salles de classe aux cours de récréations, des gymnases jusqu’au sorties pédagogiques, bref en tous espaces ou situations où sont censés être éduqués des mineurs) rien de ce qui pourrait être interprété comme un vecteur de propagande idéologique ou commerciale ne serait toléré.

      Sauf que nous devrions bien nous douter que là où il y a mur, il y aura murmure, que là où l’on voudra endiguer, des infiltrations seront tentées et des tunnels creusés, et qu’à l’interdit le plus strict la créativité libératrice la plus fantaisiste saura opposer ses ridicules, provocations et transgressions. Naguère des théocraties autoritaires pouvaient durer des siècles voire des millénaires, mais on sait au prix de quelles terribles répressions, manipulations et coercitions systémiques.

      Le libéralisme idéologique, les “Lumières” au nom desquelles nous avons su mettre à jour sinon inventer (au sens étymologique) des ‘Droits humains’ universels pourrait-il nous permettre, aujourd’hui, de poser des interdits à l’expression de nos enfants, qui ne seraient donc pas des ‘humains’ dignes du respect de leurs droits ?

      Oui. Justement parce que nous saurions que nos enfants sont des humains en devenir et qu’au nom même de cet avenir, de ces droits universels dont ils doivent pouvoir jouir à vie, nous devons les protéger de ceux qui, au nom de droits particuliers (familiaux, communautaires ou coutumiers), les engageraient dans des parcours où leur développement ne pourrait qu’être entravé.

      Oui, mais du coup, mais encore, quels seraient précisément ces « interdits libératoires » à poser ?

      Me voici déjà bien long, et encore, d’une certaine manière, à la question. Qui me libérera de cette torture, de ce travail auquel je me suis attelé, sans que personne ne m’ait d’ailleurs rien demandé, sinon ma bonne foi même ?

      En tout cas merci d’avoir été le déclencheur qui m’aura ainsi fait gamberger !

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