Soutenir Kamel Daoud

Revue de presse

L’écrivain et journaliste algérien Kamel Daoud est en proie à une campagne de dénigrement digne de l’inquisition et des plus sombres jours du stalinisme, pour avoir écrit deux articles au sujet des agressions sexuelles de Cologne, textes qui ont eu le malheur de déplaire à un courant qu’on appellera ici la « sociologie de l’excuse » et qui s’érige volontiers en censeur moral. Un collectif de chercheurs ne s’est pas contenté d’exprimer et d’argumenter son désaccord, mais a publiquement accusé Kamel Daoud d’« islamophobie » et de racisme1.

Ce n’est pas la première fois qu’un intellectuel est ainsi cloué au pilori par d’autres « intellectuels » qui s’auto-saisissent d’une mission d’ordre moral, lancent des textes accusateurs ou des pétitions infamantes. On se rappelle l’affaire Pétré-Grenouilleau, l’affaire Redeker ou encore certains universitaires réclamant l’interdiction professionnelle de Sylvain Gouguenheim après la publication de son livre sur Aristote en 20082.

Sauf que cette fois, ne sont pas seuls en question la liberté, l’honneur professionnel et la dignité de l’intéressé. On sait aujourd’hui plus que jamais que derrière l’accusation d’« islamophobie », il n’y a pas que de l’intimidation verbale. Ce procès politique rejoint ainsi la fatwa qui pèse sur la tête de l’écrivain depuis 2014, mais il le blesse davantage3, venant d’un monde dit « universitaire » qui en principe devrait réfléchir à deux fois avant de pointer un index d’opprobre, et a fortiori si cet index est susceptible de se prolonger en bras armé. Il en dit long, également, sur l’état de décomposition intellectuelle de certains « chercheurs » qui cherchent surtout à se donner des béquilles en brandissant des bâtons ; du même coup le beau nom d’université est trahi et sali.

Mezetulle se joint aux nombreux soutiens qui s’expriment en faveur de Kamel Daoud.

Voici, en désordre, une liste de quelques-uns des articles de soutien accessibles en ligne dont j’ai connaissance. Merci aux lecteurs qui en connaissent d’autres de les signaler par des liens actifs dans les commentaires ci-dessous – je me charge de les valider et de rendre les liens cliquables.

[Edit du 3 mars : voir dans ce commentaire la biblio envoyée par Liliane Kandel]

© Mezetulle, 2016.

  1. Voir Le Monde 12 février 2016 ; Le Monde a publié depuis un article sur les étapes de ce qu’il convient d’appeler pudiquement une polémique []
  2. Voir l’article d’André Perrin « Le médiéviste et les nouveaux inquisiteurs » sur l’ancien Mezetulle []
  3. Voir l’article de M Mbougar Sarr cité dans la liste ci-dessus []

6 thoughts on “Soutenir Kamel Daoud

  1. Cincinnatus

    Merci, chère Mezetulle, de rappeler l’ambiguïté dangereuse de l’accusation d' »islamophobie » qui, plutôt que d’attirer l’attention sur la gravité des actes racistes dirigés contre des musulmans, sert à intimider et à décrédibiliser toute défense de la laïcité.
    Soutien sans faille à Kamel Daoud.

    Cincinnatus
    https://cincivox.wordpress.com/

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  2. Jean Pierre Foirry

    Il ne s’agit pas seulement de défendre le droit à la parole de Daoud et des intellectuels progressistes arabes, il s’agit aussi de réduire à néant les arguments des intellectuels communautaristes européens qui les combattent et accessoirement de s’inquiéter de l’avenir physique des premiers (exposés directement à la vindicte de leurs ennemis) et ne trouvant plus de soutiens auprès des seconds (qui ne courent eux-mêmes aucun risque et se donnent à peu de frais bonne conscience).

    Il paraît que le discours de Daoud est insupportable pour trois raisons : 1) l’essentialisme (tous les musulmans figés dans une culture dépendant de la religion) ; 2) la dévalorisation de cette culture qui produirait des hommes prédateurs sexuels potentiels et des violences faites aux femmes ; 3) le néocolonialisme : il faut « changer l’âme » de ces hommes et leur imposer notamment les valeurs occidentales (dont le respect des femmes selon le mode occidental).

    En réalité, la mauvaise foi des adversaires du discours des intellectuels progressistes arabes est flagrante : elle traduit le relativisme moral de personnes qui ont définitivement remplacé les ouvriers de Marx par les immigrés musulmans comme les nouveaux et seuls damnés de la terre et qui leur appliquent le même traitement : ne pas les critiquer pour ne pas les désespérer ; respecter toute leur culture en bloc ; inverser les valeurs des Lumières (mieux vaut l’erreur que l’intolérance ou la critique). En termes logiques, la proposition 3 s’oppose à la proposition 1 puisqu’elle admet la possibilité de changement culturel. La mauvaise foi devient outrancière sur la proposition 2 quand les personnes considèrent comme équivalentes les inégalités et les violences faites aux femmes dans un pays islamique et celles d’un pays occidental moderne. En réalité, il y a bien deux chocs culturels : l’un au sein des pays arabes entre républicains islamistes et républicains laïcs : ce derniers sont devenus minoritaires alors qu’ils ne l’étaient pas forcément au temps de l’indépendance et des nationalismes laïcs (Bourguiba, Nasser….) et le combat faut toujours rage ; l’autre choc au sein des pays occidentaux entre partisans d’un communautarisme intégral (remplaçant la laïcité par l’antiracisme) et les partisans d’une intégration (ni assimilation, ni déculturation totale, ni projet disciplinaire dur) qui passe notamment par l’éducation, par l’ascenseur social, par des politiques mixtes de reconnaissance, de participation et de redistribution et qui comprend quelques valeurs non négociables comme le respect des femmes.

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  3. Mezetulle Auteur de l’article

    Merci à Liliane Kandel qui m’envoie cette bibliographie en ligne :

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