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La Logique de la bête : manuel de philosophie morale pour trouer le prêt-à-penser « progressiste »

Depuis quelques mois, un petit livre ne me quitte pas. La Logique de la bête, de Didier Barbier et Emmanuel-Juste Duits (Paris, éditions de l’Éclat, 2014), s’inscrit dans la prestigieuse lignée des moralistes français pratiquant la forme brève et le rire grinçant – avec ici des touches de logique formelle et de paradoxes arithmétiques qui réduisent les arguments pseudo-progressistes à leur tautologie, leur contradiction et à leur très sophistiquée férocité.

Car c’est le prêt-à penser progressiste dont la violence onctueuse est démontée au détour de minuscules chapitres écrits et typographiés à la manière de frappes chirurgicales. Je parle de moralistes, car le rire qui saisit le lecteur s’applique bien souvent à lui-même et le guérit en le divisant. Un régal pour la pensée, pour l’aération libératrice et auto-réformatrice de l’esprit, pour la saveur littéraire. À glisser dans le sac à main ou dans la poche arrière du jean ; et quand il sera usé, le racheter au plus vite : pour 9 euros, on a un bijou, une arme d’auto-défense intellectuelle absolue.

Je ne peux mieux faire que de livrer ici deux extraits, que j’ai choisis en raison de leur résonance avec une très récente et tragique actualité qui donne rétrospectivement au texte son éclat fondamental.

Extrait n°1

« Sorite 1 [p. 38]

1 enseignant molesté, c’est un fait divers, pas un phénomène de société.
2 enseignants molestés, c’est un fait divers, pas un phénomène de société.
……………………………………………………….
150 enseignants molestés, ce sont des faits divers, pas des phénomènes de société.
151 enseignants molestés, ce sont des faits divers, pas des phénomènes de société.
………………………………
[la progression arithmétique se poursuit en série] 
…………………………………..
156 879 enseignants molestés, ce sont des faits divers, pas des phénomènes de société.
156 880 enseignants molestés, ce sont des faits divers, pas des phénomènes de société. »

Extrait n°2

« Monsieur Untel [p.85]

Monsieur Untel n’apprécie pas la vue d’une burqa, mais il trouve le débat disproportionné par rapport au phénomène : les casques de moto cachent les visages, les bonnes sœurs sont voilées, et le port du voile intégral n’est que l’image inversée que nous renvoie notre société impudique, décadente, croulant sous des tonnes de neuroleptiques. Il trouve aussi que ce polygame médiatisé, personnage sorti tout droit de Tintin au Pays de l’Or Noir, n’a rien à envier à certains de nos pères de famille qui mènent une double vie, avec la bénédiction de la société. Il trouve aussi que l’excision vaut bien les trafics d’organes au bénéfice des milliardaires, et que les terroristes pour les uns sont des résistants pour les autres. Il fait enfin remarquer à ceux à qui la lapidation fait horreur que celle-ci nous vient de la loi de Moïse, et que l’Occident, qui ferme les yeux sur l’âge de son sous-prolétariat qui trime pour lui depuis des siècles sur tous les continents, est extrêmement mal placé pour critiquer les Talibans qui épousent des fillettes de douze ans. Monsieur Untel conclut qu’il faut balayer devant sa porte avant de donner des leçons aux autres. Monsieur Untel est un érudit. Monsieur Untel est intelligent. Monsieur Untel peut toujours tout justifier. Je n’aurais pas voulu le rencontrer dans les couloirs du Kremlin à l’époque de Staline. »