La violence à l’école

À propos des récentes décisions du ministre de l’Éducation nationale qu’il approuve, Jean-Michel Muglioni rappelle quelques mots d’Alain qui, en 1909, écrit qu’il faudrait pacifier les lycées en y restaurant la discipline.

Il arrive que l’actualité soit révélatrice.

Le nouveau ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse veut secouer les recteurs et l’administration qui n’a pas su, c’est le moins qu’on puisse dire, lutter contre le harcèlement scolaire. Est ainsi révélée non pas l’incurie, mais la politique délibérée de l’administration. J’ai cru comprendre qu’on allait dorénavant pouvoir changer un harceleur d’établissement : jusque là, semble-t-il, le harcelé avait intérêt à déménager.

L’ancienne rectrice en poste à Versailles vient de présenter ses « excuses » pour la lettre que ses services ont adressée à des parents qui signalaient le harcèlement dont leur fils était victime : cette lettre les accusait de dénonciation mensongère et les menaçait de poursuites judiciaires. Leur fils s’est suicidé. Il est révélateur que la même administration qui flatte généralement les parents d’élèves et abandonne à eux-mêmes les professeurs ait refusé d’écouter les parents d’un élève harcelé. Elle prétend que c’était pour défendre les professeurs : sans doute le peu d’habitude qu’elle a de les défendre explique-t-il cette honteuse méprise !

J’oubliais ! J’ai entendu la rectrice parler des « usagers » des établissements scolaires ! Il n’y a plus dans les écoles des élèves ou des étudiants, mais des usagers. Michel Rocard, il est vrai, avait parlé du stock d’enseignants. Les mots ont un sens.

Le ministre veut un « électrochoc à tous les niveaux » dans la lutte contre le harcèlement scolaire. A-t-il la moindre idée de la violence qui règne aujourd’hui dans les écoles, les collèges et les lycées, et qui n’est jamais avouée ? La situation est telle que je ne vois pas comment rétablir la paix et rendre l’instruction réellement obligatoire. Je dis bien l’instruction et non la présence dans un établissement scolaire… Et pour qu’on ne s’imagine pas que je suis nostalgique d’une école révolue, voici la conclusion d’un propos d’Alain du 18 février 1909.

« Si j’étais directeur de l’enseignement secondaire, je m’occuperais de pacifier les lycées [c’est-à-dire alors de la sixième à ce que nous appelons la terminale]. J’y arriverais, parce que je rendrais les chefs responsables de tous les désordres. Et nous n’aurions que trois cents élèves à renvoyer dans toute la France pour rétablir partout l’ordre, le silence et le respect. Telle est la réforme qu’il faudrait faire »1.

Ce propos est anachronique : Alain professeur dénonce le chahut qu’il voit gangrener les lycées. Au lieu de s’occuper sans cesse des programmes, « je m’occuperais uniquement de restaurer la discipline dans les lycées, écrit-il. Tout le monde connaît le mal, personne n’ose en parler. » Certes, la violence d’aujourd’hui n’a rien de commun avec le chahut d’antan, sinon qu’on n’ose pas en parler, et que les élèves n’en sont pas les principaux responsables. Mais ne regrettons pas le temps du chahut !

 

1 – On trouve ce propos dans le petit volume des Éditions Mille et une nuits intitulé : L’instituteur et le Sorbonagre, 50 propos sur l’école et la République. [NdE . Pour aller plus loin, on consultera le site de référence « Philosophe Alain » https://philosophe-alain.fr/ ].

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