Macron et la légitime défense : poisson d’avril !

Le président de la République ne perd ni son énergie ni sa bonne humeur malgré un environnement sombre. Se montrant particulièrement pugnace, il ose même le poisson d’avril de mauvais goût (car dans l’affaire en question un homme est mort et un autre est mis en examen pour meurtre) avec une déclaration faite au micro d’Europe 11. À propos d’un homme mis en examen pour avoir tué un cambrioleur entré chez lui par effraction2, le président dit en effet : « Je suis opposé à la légitime défense ».

Poisson d’avril, très probablement. Voici quelques indices.

La déclaration est proférée le 31 mars, et donc on peut s’attendre à ce qu’elle se répande et « fasse le buzz » le lendemain 1er avril. D’ailleurs Europe 1 attend ce matin pour diffuser sur son site l’enregistrement audio3, et je l’entends en me disant « tout de même, c’est un peu gros, ils y vont fort! ».

En effet, c’est une énormité.

S’agirait-il d’une « petite phrase » coupée de son contexte vilainement extraite pour accabler le président  ? La déclaration est entièrement accessible sur le site d’Europe 14 . Il a vraiment dit ça, soutenant et renforçant son propos par deux autres affirmations.

1° Une faute volontaire de logique : avancer que la légitime défense ce serait « le Far West » et que son existence témoignerait d’un pays où « on considère que c’est aux citoyens de se défendre ». Alors que la loi définissant et réglant la légitime défense dit le contraire.

2° Une hyperbole qui érige cette énormité en règle générale : « je ne vais pas juger d’un fait divers [encore heureux!]. Je vous donne les règles ».

Certes, le président a raison quand il dit qu’il n’a pas à juger une affaire particulière. Mais il oublie que dans cette affaire particulière, l’une des questions que se poseront les juges n’est pas de savoir si la légitime défense existe dans la loi (car la légitime défense a bien une existence légale), mais de savoir si ce cas particulier est ou non un cas de légitime défense telle que la définit la loi.

Le président n’a donc ni à juger d’un cas particulier ni à « rappeler » des règles qui n’existent pas. C’est la loi qui « donne les règles », et le président, s’il veut les rappeler, ne peut que s’y référer ou du moins ne pas les trahir. En l’occurrence les articles 122-5 à 122-7 du Code pénal5.

Je ne vois que trois hypothèses permettant de comprendre la déclaration « Je suis opposé à la légitime défense ».

1° Le candidat Macron est opposé à la loi relative à la légitime défense. Mettons, mais s’il veut l’abolir, qu’il le dise clairement dans un programme, dans une réunion électorale de campagne. Attendons la suite, on ne peut pas savoir, mais Macron surenchérissant sur Poutou (lequel propose le désarmement de la police), franchement je trouve que ça ne tient pas la route.

2° Emmanuel Macron y est opposé en tant que président en exercice. Mettons, mais qu’il annonce alors que l’exécutif va maintenant, là, tout de suite, déposer un projet de loi abrogeant la législation existante (car à ma connaissance durant ce quinquennat aucune proposition faite en ce sens par l’exécutif n’a été examinée). Mais comment saisir le Parlement pour une telle opération en pleine période électorale et à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle ? C’est impossible.

3° C’est un poisson d’avril.

Il y a peut-être des malpensants qui suggéreront une quatrième hypothèse désobligeante pour le président, mais j’ai honte rien que de l’avoir imaginée ne serait-ce qu’une fraction de seconde.

Notes

3https://www.europe1.fr/emissions/Les-journaux-de-la-redaction/emmanuel-macron-a-europe-1-je-suis-oppose-a-la-legitime-defense-4103123
Il ajoute : « en aucun cas ce n’est à nos compatriotes de se défendre eux-mêmes » (c’est moi qui souligne).

4 – Voir les notes 1 et 3.

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