Nice, le glas universel et le grelot des « sensibilités blessées »

En apprenant l’attentat islamiste qui, tuant trois personnes selon un mode atrocement ritualisé, a frappé les fidèles catholiques dans la basilique Notre-Dame de l’Assomption de Nice le 29 octobre, j’ai repensé à l’un des premiers articles publiés sur ce site, intitulé « Charlie-Hebdo. Pour qui sonne le glas »1. Car oui, le glas des églises de France a sonné en janvier 2015 à la mémoire des victimes de l’attentat contre Charlie-Hebdo. Et bientôt un grinçant grelot de déni s’est fait entendre. Loin d’être étouffé, sa tonalité aigre résonne encore aujourd’hui.

Le glas a sonné en janvier 2015 pour des « mécréants », parce que des « mécréants » ont payé de leur vie la célébration de la liberté. Je n’oublierai jamais ce glas à portée universelle,  « catholique » au sens strict. Et parce que des catholiques ont payé de leur vie la jouissance légitime de la liberté de culte, le glas a sonné à nouveau. Il sonne à mes oreilles universellement, bien au-delà des églises, multipliant gravement l’écho du sombre bourdon de 2015. Mais, après tant d’années d’atermoiements et de honteux dénis, il faut qu’à son alarme funèbre se superpose la note, claire et haute, de l’indignation, de la révolte et du combat lucide contre l’islamisme meurtrier qui hait et détruit tout ce qu’il ne peut pas soumettre et uniformiser.

C’est pourtant un bien aigre grelot d’acquiescement à la servitude et d’intimidation par la frayeur religieuse que s’est empressé de faire entendre l’archevêque de Toulouse le 30 octobre. À un journaliste lui demandant s’il convient de soutenir la liberté de « blasphémer », Mgr Le Gall répond  : « Non, personnellement, je ne pense pas. On ne se moque pas impunément des religions. On ne peut pas se permettre de se moquer des religions, on voit les résultats que cela donne »2.

Impunément… Quelle punition : la décapitation  ?  Prononcée par quel tribunal ? En application de quelles lois ? En vertu de quelle autorité ? Ne pas laisser le « blasphème » impuni : n’est-ce pas ce que prétend tout égorgeur sûr de mériter le ciel en vous massacrant  ?
On ne peut pas se permettre… : qui a compétence pour décider ici de ce qui est permis et défendu ? Car ne l’oublions pas, on ne parle pas d’une vétille, ni d’une simple réprobation morale devant ce qu’on considère comme « inapproprié », on ne parle pas de l’expression d’un désaccord : on parle d’assassinat, on parle de rafales de fusil d’assaut, on parle de décapitation.

Ce sinistre grelot à modèle inquisitorial ne doit pas se transformer en glas sonnant le crépuscule de notre liberté. Son audience ne repose que sur la complaisance de nos oreilles, sur les relais larmoyants des « sensibilités blessées » dont on voit ici la férocité.
« Tant de fiel entre-t-il dans l’âme des dévots ? »3

Notes

3 – Boileau, Le Lutrin, Chant 1.

4 thoughts on “Nice, le glas universel et le grelot des « sensibilités blessées »

  1. sirius

    Ergo: une entreprise de conquête politique est une religion.
    Mgr le Prélat rejoint les défenseurs du dit « islamogauchisme »: Jean-François Bayart , sociologue, dans une tribune que publie Le Monde du 31/10/2020 voit une « inimitié complémentaire entre salafistes et laïcards » et prétend que « l’effroi, le dégoût la colère qu’inspirent l’assassinat de Samuel Paty et l’attentat de Nice offrent un effet d’aubaine aux idéologues qui s’arrogent le monopole de l’indignation et de la définition de la République ».
    Mgr le Prélat juge « qu’on ne peut se permettre de se moquer des religions » et Jean-François Bayart explique que tout vient de l' »islamophobie d’Etat en France ».
    Pour l’un, la supposée « islamophobie d’Etat » suscite de façon compréhensible une réponse par des assassinats; pour l’autre , ce sont des dessins blasphématoires : amen!

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  2. Renaud HUOT de LONGCHAMP

    Bonjour Madame,

    Je vous remercie pour vos propos qui me renforcent dans mes convictions profondes, si tant est qu’elles en aient besoin. Et le grelot semble résonner de plus en plus, comme avec Monsieur Luc Ferry.

    Avec toute mon admiration, et mon soutien.

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  3. Tarnacois sans caténaire

    Au risque de décevoir, je donne raison aux évêques mentionnés. Je soutiendrai jusqu’à mon dernier souffle le privilège exclusif qu’ont les religions de se moquer du monde.
    Les injures de Mila, les caricatures de Charlie Hebdo ne se moquent pas ; elles dénoncent !
    Mila une attaque de bigots sur ses orientations sexuelles, Charlie l’intrusion des religions là où elles n’ont pas le droit d’accès : le champ politique. Cet hebdomadaire est une revue d’opinion : ce n’est pas l’Os à moelle ou l’almanach Vermot. Ce n’est pas le rire pour le rire , mais la satire paillarde, l’enflure rabelaisienne enrôlés dans un combat libertaire . En quarante cinq ans de lecture je ne l’ai vu attaquer les religions que lorsqu’elles s’occupaient de contraception, d’avortement, d’éducation, de torture d’animaux et de toutes sortes d’entraves à la liberté dans des états théocratiques etc.…etc.…. Et si l’islam est pris pour cible de façon privilégiée depuis une trentaine d’années, ce n’est du qu’à l’actualité !
    Qui plus est, lorsque j’entends les cris de vierge effarouchée, non seulement des ecclésiastiques, mais de toute une clique d’idiots utiles, de complices ou de trouillards voulant masquer leur peur, je tombe des nues. Que dirait cette coterie, ne voyant du sacré que dans la seule opinion religieuse, si elle avait connue les athées et les anticléricaux d’il y a une trentaine de lustres ?Eux ne se contentaient pas de réagir, mais allaient extirper dans les rites et les textes, l’obscurantisme, l’ineptie et la superstition .
    Quant à la forme qui est autant sinon plus décriée que le fond de ces réactions salutaires, rappelons que l’anticléricalisme a connu des aspects plus insidieux et peut être plus efficaces. Si Félix Dupanloup, qui ne fut pourtant un des pires, a été noyé dans un flot de concupiscence qui fait encore la joie des troisièmes mi-temps rugbystiques, ses prédécesseurs de l’ancien régime, ont été plus surement mordus par un furet courant et contrepèteriste d’autant plus insaisissable qu’il se réfugiait dans la bouche innocente de la prime enfance . A ce propos et dans le même registre souvenons-nous du sort de la bergère de Fabre d’ Eglantine et de l’efficience cruelle d’une simple berceuse.
    Tout ceci pour dire aussi à notre jeunesse, pétrie de culture américaine et qui prend le moindre « fuck » pour le comble de l’iconoclasme ,que le gros mot , le dessin licencieux ne constitue pas le summum de la violence .
    Au pays des libelles ,des placards et des mazarinades , laissons vivre notre irrévérence !
    Je ne quitte pas cette rubrique sans satisfaire à l’injonction de Stéphane Hessel quand j’apprends de la part d’un intellectuel l’islamophobie de l’état . Cette opinion n’étant pas un délit, la justice n’a pas le droit mais le devoir de ne pas la combattre. Cet individu , qui je le crains finira par voir ses aspirations se réaliser , récidive en accusant ceux qui se révoltent face à l’assassinat de monopole de l’indignation . . Ce sentiment a ses hiérarchies et ce n’est pas la même chose de s’émouvoir d’une décapitation que de hurler au blasphème !
    Mila et Cabu se sont indignés , mais eux n’ont tué personne.

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