Quand les conservatoires « se bougent le bacon »

Poursuivant son enquête sur la politique « tendance » en matière d’enseignement de la musique, Dania Tchalik a déniché un document estampillé « Conservatoires de France » et « Philharmonie de Paris » tellement consternant qu’il en devient comique. À lire ce torchon issu d’un brainstorming dont la « créativité » s’affranchit des règles élémentaires de la syntaxe (sans parler de l’orthographe), on pourrait croire à un canular. Mais non, sous le titre « Affranchissons-nous d’un modèle obsolète et traçons de nouvelles voies, acte II » ce compte rendu d’un forum tenu en octobre dernier n’est pas une blague. Explication de texte.

Après son recul tactique du printemps 2015 devant la grogne des professionnels contre la fin des aides d’État aux CRR et CRD1, le ministère de la Culture n’a pas manqué de reprendre l’initiative face à la contestation. Ainsi, le 26 novembre dernier s’est tenu rue de Valois un groupe de travail où le ministère et ses partenaires (en tête desquels on trouve les inévitables élus locaux) ont présenté un projet de « réinvestissement » qui a tout d’un diktat2. Comme on le pressentait3, nos têtes pensantes « proposent » dorénavant de conditionner l’accès aux subventions à l’introduction de nouvelles disciplines censées mieux répondre à la diversité des cultures et à la demande des jeunes, ce qui revient en l’absence de moyens supplémentaires à remplacer au moins partiellement l’enseignement spécialisé par une animation socioculturelle pour le moins fumeuse – une manœuvre permise par le dépoussiérage des critères actuels de classement des conservatoires. Au nom de la démocratisation, le ministère s’apprête à étêter les 3e cycles préprofessionnels hors des quelques établissements abritant un pôle supérieur, régler du même coup le sort des PEA4 (qu’on ne recrutera donc plus que dans ces niches écologiques) et enterrer sans coup férir le plan Landowski qui visait à assurer l’accès égal de tous à un enseignement de qualité5. Enfin, pour rentabiliser les établissements on prévoit d’augmenter les effectifs d’élèves à moyens constants tout en généralisant les cours collectifs d’instrument, mais aussi de rendre les agents corvéables à merci (au mépris des statuts ?) en décrétant les conservatoires accessibles le week-end et les vacances scolaires – la culture pour chacun et la réussite pour tous réclamant quelques sacrifices.

Mais c’est probablement à la lecture du compte rendu du Forum de l’association Conservatoires de France qui s’est déroulé les 19 et 20 octobre dernier à la Philharmonie de Paris qu’on discerne le mieux les prémisses de l’avenir radieux qui attend nos conservatoires. Il est vrai que le zèle du supplétif dans l’âme qu’est le réformateur pieux (pour citer Jean-Claude Milner6) en révèle bien davantage que la prudence naturelle du gestionnaire. Pour plus d’efficience, nos pédagogues n’ont pas hésité à recourir à l’expertise du cabinet Wigwam Conseil et de sa (bien nommée) technologie Micmac® : ce brainstorming a ainsi accouché d’un document7 dont la créativité hors norme inspirera au musicien non averti des états d’âme, voire quelque inquiétude au sujet des moquettes de la Philharmonie nouvellement construite. Certes, « pour explorer de nouvelles voies », il faut « s’essayer à prendre du risque » (p. 28) – mais est-ce bien aux élèves, aux personnels, enfin au contribuable de payer l’addition ?

Le Conservatoire du XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas

Quelques éléments de langage assénés jusqu’à satiété dénotent une propension certaine à une religiosité diffuse et postmoderne dont les prêches 2.0 se font nécessairement power-point à l’appui et où le paper-board tient lieu d’Évangile. Chaque page ou presque s’ouvre par ce refrain éminemment lyrique : « ce serait merveilleux si… ». L’emploi du registre du surnaturel (« un monde à ré-enchanter par l’accès de tous à la pratique artistique », p. 4) et la récurrence de l’exhortation (« osons ! », p. 5 ; « rêvons à une Utopie Commune, Humaine, et Éclectique », p. 4) annoncent une vision proprement mystique : le fidèle s’abîme dans la contemplation du « travail par cercle » rassemblant « élus, enseignants, parents, élèves, partenaires culturels », tous pressés « à la fin d’échanger tous ensemble ! » (p. 7). De quoi rendre obsolètes les fantasmagories d’un Jérôme Bosch !

Si les intentions affichent leur pureté (« contribuer à la transformation de la société », p. 10 ; « révéler le citoyen » afin que celui-ci « se sente en capacité [sic] d’être créateur8 », p. 8 et 9), il ne s’agit plus d’émanciper le futur citoyen par l’instruction mais, au contraire, de l’insérer dans une communauté éducative que des agents préposés seront chargés d’animer. « Ce serait merveilleux si tout le monde avait accès à une maison ouverte, si la diversité est ressentie comme une richesse » (p. 17) : quand la culture se réduit à son « sens large » (p 8) et à son acception sociologiste, les « métissages » (p. 11) émergent comme la valeur première d’une société inclusive que ne renieraient pas Terra Nova ou les auteurs du rapport Tuot9.

Un progressisme… régressif

Comme toute religion, le pédagogisme possède son dogme, son culte et, on l’aura compris, son clergé. Son corpus idéologique se résume à quelques oppositions binaires : « l’expérimentation libre » (p. 8) se veut l’antithèse de la règle rigide, « l’itinérant se substitue au fixe » (id.), la créativité10 et l’innovation à la tradition. Exaltant les valeurs collectives, le partage et le groupe (« le rassemblement des gens fera sens », p. 7) aux dépens d’un individualisme honni, ce jargon se veut « joyeux » et subversif dans la lignée de Mai 68 mais se fige à mesure de son institutionnalisation (un comble !). Pour faire bouger les lignes on privilégiera ainsi le sensible, la fusion des âmes et l’émotion à la dimension rationnelle pourtant inhérente à toute transmission de connaissances, le tout pour « inventer les nouveaux chemins permettant à chaque trinôme (élève, enseignant, structure) de révéler et de partager sa part d’artiste » – comme si les voies de la créativité et de l’originalité artistiques n’étaient pas impénétrables. De même, on favorisera la « porosité » (p. 27) – alias transversalité, interdisciplinarité, pluridisciplinarité, transdisciplinarité, rayez la mention inutile – entre les disciplines artistiques, bien entendu au détriment de chacune d’entre elles.

Pour autant, ce progressisme festif, friand de happening et d’idéal communautaire (communautariste ?) puise également à foison dans une vulgate écologiste factice et régressive. La mention de la « permaculture » (p. 2) renvoie à l’impératif de « partage avec le groupe dans un environnement propice » nécessaire au « développement harmonieux de l’enfant » (p. 10). Par un glissement qui a tout de l’escroquerie intellectuelle (on voit mal comment une école d’art pourrait de près ou de loin participer à la nécessaire lutte contre l’étalement urbain ou la destruction de la biodiversité) le conservatoire pragmatiste vire, dans un esprit new age, à l’« idée écologique – certifiée projet DD » (p. 3). Ainsi s’expliquent les références incessantes à la « ruche » (p. 5), aux « rhizones » (sic, p. 16) et autres « pépinières des arts » (p. 15). Mais derrière le care et le maternage bêtifiant perce un fatalisme : l’enfant, et donc l’adulte, ne sont rien en dehors de leur environnement socio-économique immédiat. Le « lieu de vie artistique » (p 18) cher à Meirieu et l’injonction « jardinons un quartier » (p. 19) renvoient alors à un « retour à la terre » (pardon, au territoire) que ne renierait pas Maurras11 – on se souvient que l’« État Français » lui-même se voulait à la fois rassurant et décentralisateur. Le « Conservatoire à rayonnement vital » (p. 18), avec son attirail démagogique où prolifèrent les néologismes, anglicismes et autres références aussi grotesques que datées au langage djeun’s, porte bien son nom en tant que lointain héritier du vitalisme de l’entre-deux-guerres et en particulier du fascisme italien12. Et dans cette même perspective, le « prolongator » (p. 6), le « cart’able » (p. 7) ou le « zardin des zarts », inquiétante utopie où il s’agit de « toucher » (sic !) l’individu dès ses premiers jours en l’intégrant dans la collectivité du berceau à la tombe13, ne font pas que singer, avec la lourdeur caractéristique de l’État culturel, l’entertainment américain.

C’est dans ce contexte de contrôle social liberticide que s’exerce l’obsession de nos pédago-gestionnaires pour la démagogie, le localisme et l’autonomie des établissements. « Pour que le politique prenne des décisions sur des objets partagés, un vrai fondements [sic] et des outils » sont nécessaires pour « dépasser les a priori et co-construire une feuille de route avec tous les acteurs, portée politiquement [ !] pour un meilleur ancrage au sein du territoire où le conservatoire rayonne » (re-sic, p. 15) : on ne saurait mieux dire. Il devient alors urgent « d’associer la société civile [et les rapports de force qu’elle reflète et produit] au fonctionnement de l’établissement » et aux contenus de l’enseignement dispensé, de façon à ce que « les politiques commencent à nous voir !! » (p. 24). Savants et artistes (Mozart !) rêvaient jadis de s’affranchir du pouvoir ; aujourd’hui, se placer sous la coupe de politiciens ignares relève du dernier chic.

Le constructivisme est un consumérisme

Ce repli vers le local et l’immédiateté entraîne la négation de la fonction même d’élève. Désormais, il s’agit de célébrer l’Agneau de Dieu, innocent et vierge de tout savoir : l’Enfant rêvé d’un rousseauisme mal digéré, érigé au centre du système selon les canons de saint Meirieu. Mieux : les adultes eux-mêmes finissent par retomber en enfance en se motivant à l’aide de (pseudo ?) dessins d’enfants dans le cadre d’une rencontre professionnelle.

Pour bâtir « un projet centré autour de l’enfant et de sa famille » (p. 3) on choisira donc « des lieux repérés » (sic !) « où se concentrent l’ensemble des partenaires: sociaux, éducatifs, culturels » (id.) pour y établir « un projet d’école expérimentale qui soit modulaire, sans aucun cursus préconçu » et avec « plein de modules différents dans tous les arts » (p. 9). Dans un vertigineux zapping culturel, on « partir[a] du projet de l’élève, quelque [sic] soit le projet » [ !] pour que chacun puisse « construire son parcours avec les différents modules proposés par l’école ». On se situe alors dans l’optique d’une négociation ou d’un contrat (« un temps de dialogue avec l’élève pour formuler son projet, du temps aussi important [voire bien plus important] que le temps d’enseignement », p. 13) ; l’enfant s’efface devant le client, prompt à « s’exprimer » et à faire « émerger [ses] envies ».

C’est alors que les priorités évoluent : « créer des ambiances qui suscitent cette créativité » (p. 14) et « susciter des espaces temps » (sic, p. 20) devient autrement plus important que de perdre son temps à des détails aussi futiles qu’une progression de cours. On instaurera donc un « enseignement oral pendant 1 an, sans partition14 », à l’image des évolutions déjà actées (ou en voie de l’être) dans maints départements de formation musicale. « Approche globale de la pratique » oblige (p. 27), on se préoccupera « de l’être humain plus que sa spécialisation » [sic] et « on ne se concentre[ra] pas sur le débutant mais sur l’artiste amateur qu’il va devenir » (p. 13). Alors, « pendant un temps non défini, [l’apprenant] expérimentera dans [sic] tous les arts, au sein d’un espace modulable » (p. 27) : de quoi « aboutir à des croisements inattendus », à l’image de la « guitare sur poney15 » chère à Vincent Peillon. Mieux : en imposant la « pédagogie de projet et de groupe » on fera évoluer la posture de l’enseignant « du face à face au côte à côte » (p. 10) pour aboutir à « un collectif d’enseignants au service d’un collectif d’élèves » (p. 27). Mais pour que ce consumérisme décomplexé parvienne à assurer le triomphe définitif de l’« offre de services » (p. 20) sur la transmission de connaissances, il reste à actionner un levier décisif, celui du management transversal16.

Souriez : vous êtes manipulés !

Associée au mirage de la « personnalisation », la créativité pour tous se fracasse alors immanquablement contre le manque de maîtrise technique chez le prof form(at)é comme chez l’élève ignare, l’affaissement budgétaire et l’incompatibilité foncière entre l’institution scolaire et une vision fantasmée de celle-ci, à mi-chemin entre le guichet de services et l’officine de préceptorat. Le renoncement à l’instruction a pour corollaire la manipulation de l’élève et de ses proches (« en touchant l’enfant on touche la famille, et l’intergénérationel » (sic), p. 23) mais qu’importe : pour que le conservatoire soit « particip’actif » (p. 2) et devienne un « créa’novatoire » (p. 21), « pour que la diversité des publics soit une force de changement » (p. 22) – « c’est maintenant ! » (p. 18) – on s’appliquera à « stimuler l’engagement des enseignants en toute sérénité » (p. 3) sans pour autant oublier cette réalité éternelle : « les plus souples et les plus ouverts sont les élèves » (p. 4). Professeurs et apprenants seront ainsi évalués sur leur « motivation » ; et « pour qu’enseignants et bénévoles [ !] développent une dynamique commune » on mettra en place une « agora 2.0 » (p. 3) et des « outils collaboratifs permettant de dépasser les différents obstacles » (p. 4) – les esprits chagrins décèleront ici une subtile allusion au corporatisme et aux résistances au changement d’enseignants nécessairement réactionnaires. C’est pourquoi ces derniers seront dûment « accompagnés » (p. 9) dans un processus d’infantilisation sournoise où la « co-construction » (p  15) ou « co-création » (« simple : on se prend pas la tête / ça dure pas longtemps », p. 8) ne modère en rien le « pilotage » (p. 26), aussi « participatif » et « partagé » soit-il – il est vrai que dans une démocratie participative on « invite » au lieu d’« impliquer » et on n’use pas de la contrainte à visage découvert… Bref, ce bougisme ravi qui, la main sur le cœur, prétend « partir des enseignants, des animateurs, de ceux qui sont au plus près sur les territoires » (p. 5) nous invite aussi et surtout à « casser nos peurs » (p. 15) et à se départir de notre esprit critique pour écarter le résidu de pensée cartésienne et de certitude qui persiste en tout être doué de raison.

Que les projets transversaux croissent et se multiplient, que cent fleurs s’épanouissent grâce au concours providentiel de « brigades d’intervention artistique17 » (p. 24) ! L’improbable fusion entre le collectivisme, point de ralliement de toutes les dictatures, et le libéralisme effréné laissera-t-elle à l’individu le droit de disposer de centres d’intérêt autres que son dévouement ? Mais pour chasser le doute et « susciter la motivation pour changer » (p. 20) le salut passe par la formation (« tous form’acteurs ! », p. 25) qui, seule, permet de s’emparer des bonnes pratiques, à l’image du dispositif prévu pour la réforme du collège18. « Pour faire évoluer les esprits » (p. 21) et s(t)imuler l’enthousiasme, l’activisme de komsomol fait merveille ; on notera cependant que le « continuer continuer continuer ! » (p. 17) relègue l’« apprendre, apprendre et apprendre » du camarade Lénine au rang des antiquités.

Dans cette même veine, les enseignants seront invités à « aller voir ailleurs » (sic !), à « libérer le temps (re-sic) ou à « organiser des séances de travail avec des coachs extérieurs » : bref, à se dessaisir de la discipline qu’ils ont longuement étudiée et qu’ils persistent à transmettre au quotidien malgré les procès en réaction. L’heure est au prof multicartes… et au gisement d’économies : « ce serait merveilleux si chaque acteur était lui-même porteur d’ouverture et de polyvalence, dans son ADN » (p. 25). D’une école, le conservatoire évolue alors vers une plateforme « AIR BNB » (p. 20) : « inspirons nous, ressources nous [sic], bougeons nous le bacon !! ». La « recherche » s’éloigne de la démarche scientifique et « l’innovation » se fait vaine extravagance, tout juste utile pour se valoriser au sein de la technostructure.

L’inflation bureaucratique

« Ce serait merveilleux et joyeux si le développement des pratiques artistiques favorisaient [sic] le développement humain ! » (p. 5). Quand l’utilitarisme pédago vante les discutables notions de compétences capitalisables ou de valorisation d’un territoire tout en promouvant la gabegie du numérique (p 6), les politiques pressés avant tout d’amorcer l’inversion de la courbe applaudissent à tout rompre. Mais outre leurs implications à long terme, ces orientations génèrent dans l’immédiat une surenchère bureaucratique propre à dégrader les conditions de travail (en novlangue : élargir ou empiler les missions) d’agents publics.

C’est ainsi que Conservatoires de France réclame « un travail collectif sur l’élaboration d’un socle commun » (p. 11) alors que depuis dix ans, cette usine à cocher des cases n’en finit pas de miner l’enseignement primaire et secondaire. Et on ne sait plus où donner de la tête face aux innombrables « plateformes », « conseils de territoire » (p. 21), « plans d’action » (p. 3), « expérimentations/évaluations en aller retour » (p 6), « projets d’établissement » écrits et réécrits (p. 18), « temps de concertation » (p. 19) et autres « diagnostics partagés » (p. 13) dûment pilotés : la profusion sémantique est éloquente. Affirmer que « chacun trouve[ra] sa place » dans une frénésie où seul importe le fait de « mettre [coûte que coûte] en synergie différents acteurs du territoire autour de projets culturels » (p. 13) relève, au choix, du vœu pieux ou de l’allégation mensongère. Au lieu d’« identifier des savoir-faire des enseignants et des équipes, connaissances et talents, au-delà de ce que l’on connait d’eux » (p. 23) ne serait-il pas plus raisonnable de confier aux enseignants ce qu’ils savent faire de mieux, à savoir enseigner leur discipline ?

Lieu de vi(d)e

Le conservatoire réformé se définit alors comme « un espace de transition, à la jonction de différents espaces » (p. 26) ; il est tour-à-tour (ou simultanément ?) « un lieu physique et virtuel », un « espace de pratique et de conception combinatoire » [ !] et « un lieu mobiles [sic], à la fois éphémère et dans la durée » (p. 5). Bref, il est ce qu’il n’est pas et il n’est pas ce qu’il devrait être – une institution publique d’enseignement de l’art. Lieu « fédérateur », « partagé » et « ouvert à tous dont ceux qui n’ont pas l’habitude » (sic), il est susceptible de « se déplacer sur des lieux de fréquentation (centre commercial par exemple) » et permet à ses acteurs de « se mélanger avec d’autres : élèves, extérieurs à l’équipement » (p. 26). Il propose pêle-mêle « atelier, stage, workshop », en un mot, tout sauf le cours ou la leçon, tant honnis de nos pédagogues19, de la « convivialité : café, boissons, concerts », des « informations sur ce qui se passe autour » et même une « billetterie/kiosque/infos que l’actu culturelle du territoire » (sic, p. 26)…

Mais au nom de quel principe ? « Celui qui trouve n’a pas bien cherché ! » : il faut être out of the box, nous dit le manager (p. 12). Pourtant, l’injonction à la créativité produit le résultat inverse de celui escompté : en musique, passer « d’un processus d’empilement à un processus de croisement » (p. 11) ou bien remplacer le cloisonnement par le réseau et la duplication par l’évolution (p. 25) ne signifie rien en soi. Cette propension à ignorer (dans les deux sens du terme) la matière et la pratique musicales tient à la fois de l’aveu d’incompétence et de l’acte militant. « Se bouger le bacon » revient alors à nous prendre… pour des jambons ; quant à la confiance accordée par les politiques à des experts hors sol, elle relève, au choix, de l’inconscience ou d’une obstination maladive. Maigre consolation pour le musicien : son art n’est pas le seul visé, le management s’appliquant à détruire jusqu’à l’idée même d’institution publique. La musique y survivra, certes – mais les innombrables élèves qu’on bercera en les assignant à résidence dans leur environnement d’origine ne sauront peut-être jamais qu’ils auront été victimes d’un processus de réformes authentiquement élitiste.

Notes

1 – Conservatoire à Rayonnement Régional/Départemental.

4 - Professeur d’Enseignement Artistique.

6 - J.-C. Milner, De l’École, Lagrasse, Verdier, 2009, passim.

7 –  http://www.fichier-pdf.fr/2015/12/05/conservatoires-de-france-forum-19-20-oct-2015/ .
Le texte intégral de ce chef d’œuvre est publié ci-dessous.

8 – La nostalgie est un sentiment éminemment suspect… sauf lorsque son objet se nomme Jack Lang.

10 - Une créativité qui transparaît aussi dans l’orthographe et la syntaxe plus qu’incertaines de ce document, pur produit du pédagogisme.

13 - À quand un « chardin des charts » pour les personnes du troisième, voire du quatrième âge ?

14 - De même qu’on diffère les apprentissages fondamentaux à l’école primaire au gré des programmes successifs.

17 - Le recours aux jeux de rôle managériaux stimule parfois l’imagination au-delà du raisonnable : mais que fait donc la brigade des stupéfiants ?

19 - http://conservatoires-de-france.com/blog/2015/09/04/democratisation-acces-aux-pratiques-artistiques-Lartigot/

© Dania Tchalik et Mezetulle, 2016.

Annexe. Texte intégral du compte rendu du forum « Conservatoires de France » d’octobre 2015

Source : http://www.fichier-pdf.fr/2015/12/05/conservatoires-de-france-forum-19-20-oct-2015/

4 thoughts on “Quand les conservatoires « se bougent le bacon »

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