« La France en miettes » de Benjamin Morel, lu par Samuël Tomei

Il est convenu et convenable de s’afficher « girondin », donc partisan des libertés locales ; ainsi est-on un démocrate éclairé. Il est par conséquent convenu et convenable de repousser les « jacobins » et leur centralisme par nature autoritaire et archaïque, rappelant les heures les plus sombres de la Révolution française (ou celles du bonapartisme). Curieuse simplification sémantique, anachronisme grossier, grâce auxquels on peut disqualifier le caractère indivisible de la République française. Sus aux États-nations fauteurs de nationalismes donc de guerres. Et après tout, vos républicains patriotes de la Troisième et, plus tard, le général de Gaulle lui-même n’étaient-ils pas de fervents décentralisateurs ? Et c’est à qui fera tourner le plus vite la centrifugeuse. Au point, selon le politiste et constitutionnaliste Benjamin Morel (La France en miettes – Régionalismes, l’autre séparatisme, Paris, Cerf, 2022), que la France serait en miettes ; au point que le régionalisme tel qu’on le promeut ne serait autre qu’un séparatisme.

Au milieu de son livre, Benjamin Morel, en quelques pages, réduit à rien l’idée selon laquelle les Girondins auraient été décentralisateurs voire fédéralistes. L’auteur cite nombre d’historiens contemporains ayant fait un sort à cette idée reçue. On pense aussi à Alphonse Aulard qui déjà en 1901 la réfutait : « Pouvait-on citer un seul Girondin qui eût fait acte de fédéralisme ou manifesté une tendance fédéraliste ? Et qui donc avait prêché le fédéralisme à la France ? N’étaient-ce pas deux Montagnards, Billaud-Varenne en 1791 et Lavicomterie en 1792 ?1 » Benjamin Morel y insiste : pour tout révolutionnaire, la souveraineté ne saurait être divisée et c’est bien pourquoi les Montagnards, pour les frapper d’opprobre, vont accuser les Girondins de fédéralisme. Or ces derniers n’ont au contraire jamais réclamé que l’égalité de statut entre tous les départements, même en temps de guerre, quand les Montagnards voulaient réserver un sort particulier à Paris. Et jamais les Girondins n’ont imaginé rompre avec l’unité de la loi, jamais ils n’ont eu l’idée d’un pouvoir législatif délégué – ils n’étaient même pas décentralisateurs. (p.136-140) C’est donc par abus de terme qu’on a évoqué un « pacte girondin » lors de la révision constitutionnelle avortée en 20182.

La structure maurrassienne de l’ethnorégionalisme français

Tout le monde souhaite rompre avec la centralisation, autant les républicains attachés à la souveraineté nationale que, cela va de soi, les différents autonomistes, indépendantistes et autres nationalistes. Les sources et les formes diffèrent toutefois et la Révolution française partage les eaux. Les décentralisateurs républicains et ceux que Benjamin Morel appelle les ethnorégionalistes vouent aux mêmes gémonies la Constitution bonapartiste de l’An VIII. Mais c’est avant tout l’anticésarisme qui pousse les premiers à vouloir décongestionner le pays, conforter la démocratie en renforçant les pouvoirs locaux, à commencer par la commune et le département, cellules administratives et politiques de base de la République républicaine. Comme Pierre Legendre, l’auteur estime que la commune et le département ont « ouvert la voie à une décentralisation comme instrument de démocratisation et non comme outil de reconnaissance identitaire » (p. 85). La commune surtout. On se souvient qu’Albert Thibaudet est allé jusqu’à écrire que « la République est le régime du maire élu » : la loi de 1884 sur l’élection des maires est en effet aux yeux du grand critique « la loi essentielle et utile de la République, celle qui mieux que toute autre a assuré son triomphe et sa durée3 ». Cette décentralisation suppose que chaque entité soit pourvue des mêmes compétences. En outre, le découpage administratif ne saurait si peu que ce soit se fonder sur des critères ethniques ou linguistiques. (p. 69-84) Bref, à chacun son folklore, sa cuisine, son patois mais, dès qu’il s’agit de politique, de légalité, la République ne reconnaît que des citoyens égaux en droits et qui délibèrent en français.

Les ethnorégionalistes s’abreuvent, eux, au courant contre-révolutionnaire avec Charles Maurras pour figure centrale. On sait que l’attachement au « pays réel » – « ontologiquement premier » par rapport au pays légal, par rapport à l’État –, la défense de ses droits, de sa diversité, se trouve au fondement du nationalisme maurrassien4. Aussi, ici, la France intégrale est-elle la France fédérale. Mais pour éviter qu’un fédéralisme aussi poussé que possible ne provoque l’éclatement de la nation, Maurras plaide pour un État « en son centre très monarchique » et, à « son extrémité, très républicain, formé d’une poussière de républiques […]5. » C’est pourquoi, pour Maurras, la République ne peut pas décentraliser, encore moins la République parlementaire et il reprochera assez à Clemenceau6 et à Brisson, décentralisateurs fervents, de s’être mués en « centralisateurs féroces » dans l’exercice du pouvoir7. Le département, création de la Révolution, est ici voué à l’exécration même si, comme le rappelle à trois reprises l’auteur (p. 62, 85 et 140), il tient compte des limites des anciens bailliages et sénéchaussées. On pourrait même remonter dans le temps puisque l’historien Bertrand Lançon lui aussi note que le département n’a pas été conçu par des esprits ignorants des réalités locales donc de l’histoire : les révolutionnaires se sont, pour en tracer les contours, inspirés de la carte des cités gallo-romaines8. Le fédéralisme de Maurras est une doctrine « de l’autonomie locale ou tout au moins ethnique » ; il est un instrument de résistance à la pénétration des idées issues de la Révolution et des cultures exogènes ; il implique enfin que les collectivités votent leurs lois (p. 82-83). On retrouve là les traits principaux de l’ethnorégionalisme contemporain, en particulier, donc, l’ethnicisme, l’ethno-linguisme, plus précisément, à deux notables exceptions qui font justement écrire à l’auteur qu’il relève d’un maurrassisme mal compris. En effet, pour Maurras, la préservation de l’unité nationale est essentielle alors que, pour nos autonomistes et autres indépendantistes, la nation française doit avoir le même sort que Carthage pour les Romains. En outre, le fédéralisme maurrassien ne concerne que les provinces « gallo-romanes » ; il exclut donc l’Alsace, les Flandres, le Pays basque et la Bretagne… (p. 86-88)

Pro-pétainistes, pro-fascistes et pro-nazis

L’ethnorégionalisme prétend lutter contre l’impérialisme de l’État français, broyeur des identités locales. Sauf que les cultures régionales en question ont été « remodelées et idéalisées par des urbains en quête de racines ». (p. 28 et p. 57) Ils se sont à cette fin inspirés des royalistes ultras, des images d’Épinal et… des sociétés de tourisme. (p. 51) Cela au point que même l’architecture est contaminée par cette authenticité fabriquée et piquant est l’exemple choisi par l’auteur de la ville d’Hossegor aux constructions d’un style basque qui n’a jamais existé, « l’alliance entre l’ethnorégionalisme militant, le tourisme et le commerce [ayant] ainsi contribué à produire une culture locale artificielle vécue sur un mode existentiel ». (p. 56) Toutefois, les mouvements autonomistes ne se limitent pas à la sympathique disneylandisation de leurs desseins. L’essentialisme qui les caractérise les a naturellement fait glisser sur la pente qu’on imagine, pendant l’entre-deux-guerres, jusqu’à plonger dans des eaux sulfureuses. Le PNV basque (Partido Nacionalista Vasco) a été fondé par Sabino Arana Goiri qui « considérait les Basques comme le peuple élu et promouvait la pureté de la race basque9 ». (p. 92) C’est déjà beaucoup mais on précisera que le dessinateur du drapeau basque (l’Ikurriña), d’inspiration britannique, celui qui flotte à Bayonne aujourd’hui, était antisémite. Cependant, les Catalans, eux, s’imaginaient Celtes. Quant aux Corses, Santu Casanova, l’un des fondateurs du nationalisme, développait, à la fin du XIXe siècle, les « thèmes du sang, de la race, de l’instinct » ; dans les années 1920, le mouvement s’est étoffé et Petru Rocca, fondateur du bulletin A Mura, se rapprochait de l’Italie mussolinienne qui accorda bourses universitaires et voyages d’études aux jeunes autonomistes (p. 109) ; ledit bulletin donnait alors dans le racisme et l’antisémitisme avant d’être interdit et Rocca fut déchu en 1938 de sa Légion d’honneur pour avoir comploté contre la nation. Pour tous ces adversaires de la République fille de 1789, l’avènement du régime de Vichy fut donc une « divine surprise » : Pétain loua Mistral en 1940 et l’année suivante le maréchal fut fait sòci d’honneur du Félibrige et Charles Maurras en devint élu majoral. (p. 81) En Flandre, en 1940, on écrivit à Hitler pour demander le rattachement de la région au IIIe Reich. (p. 94) En Bretagne, rappelle Benjamin Morel, l’ethnorégionalisme s’est structuré autour du journal Breiz Atao « qui se qualifiera lui-même de national-socialiste », journal créé par Morvan Marchal, créateur du drapeau (le Gwenn ha du), d’inspiration étasunienne, celui de la région Bretagne de nos jours et qu’on trouve donc sur les plaques d’immatriculation des Bretons… Le PNB, le parti national breton, ne cachait pas alors son antisémitisme et tenta de négocier avec le régime nazi la création d’un État breton. (p. 94-95) Pour ce qui est des régionalistes alsaciens, ils eurent partie liée avec le régime nazi au point que les chefs de deux des nombreux mouvements intégrèrent la SS. (p. 96-97)

Or comme le souligne l’auteur, ce passé n’est guère passé. On a raboté les aspérités les plus saillantes, changé de vocabulaire, certains mots étant devenus moralement et légalement imprononçables, mais on justifie, on relativise : le coupable est (comme toujours) l’État jacobin, les résistants ont fait plus de dégâts que les collaborateurs etc. Dans les années 1960 et 1970, les mouvements régionalistes portent à gauche (sauf en Alsace) (p. 196-197), n’étaient, en passant, de fréquentes alliances avec le Front national. Puis l’ethnorégionalisme s’est éloigné de ce parti au fur et à mesure de sa « normalisation », les drapeaux régionaux disparaissant de ses défilés (p. 203). Avec le déclin des communistes et des socialistes, les régionalistes trouvent aujourd’hui nombre d’accointances avec les écologistes et avec la mouvance macronienne. L’auteur montre bien la plasticité de l’ethnorégionalisme, facilitée par la grande porosité des partis traditionnels à leurs thèses.

Malgré ces opportunes alliances, reste le noyau dur et qui explique l’absence de solution de continuité avec un passé trouble : « L’ethnorégionalisme est tenu par un héritage qui en structure le rapport au monde. Il est une force qui naît au XIXe siècle, reposant sur une vision conservatrice de la région comme cadre d’existence d’un peuple dont l’identité est antagoniste à celle de la nation. » (p. 201) Reste donc l’ethnicisme dont le principal vecteur, l’arme de guerre, est la langue.

La néo-langue, arme de guerre

Benjamin Morel souligne que ces langues sont en bonne part des reconstructions militantes. Le Félibrige, au milieu du XIXe siècle, fabrique une langue d’Oc artificielle inspirée par le provençal ; or, « si elle permet à ses auteurs de briller dans les salons parisiens, elle n’est en réalité parlée par personne » (p. 32). Pour le corse, on ne peut pas ne pas songer à cet extrait du discours de réception d’Angelo Rinaldi à l’Académie française : « Quelques victimes d’une sorte de régression infantile s’efforcent, là-bas, de promouvoir, au détriment du français, un dialecte certes inséparable de la douceur œdipienne des choses, mais dénué de la richesse de la langue de Dante. À la surface des sentiments et des idées, le dialecte ne creuse pas plus profondément qu’une bêche, quand il faut, pour atteindre les profondeurs, les instruments du forage, d’une langue à chefs-d’œuvre, telle que le français […]10 » ; et puisque, selon l’écrivain, « nous sommes devant une mosaïque de dialectes aux accents divers que leur sonorité apparente, dans l’ensemble, à celle d’un dialecte toscan qui n’aurait pas évolué depuis le Moyen Age11 », on va constituer un corse qui est selon certains puristes, rapporte Georges Ravis-Giordani, une sorte d’espéranto. (p. 32) Il en va de même pour le breton, synthèse forgée au début du XXe siècle. (p. 34)

Les régionalistes vont employer toute leur énergie à promouvoir les langues régionales, principal marqueur identitaire, fût-ce au détriment des langues locales. Le cas du breton est intéressant : on appose des panneaux en cette langue où on ne l’a jamais parlée, comme à Nantes ou à Rennes, zones gallo. Ce colonialisme, cet impérialisme – celui même qu’on reproche au français et à la culture française – va jusqu’à l’invention de noms (par l’Office de la langue bretonne) comme la commune de Monteneuf qui devient Monteneg, toponyme qui n’a jamais existé sous cette forme. (p. 43) Et Benjamin Morel fait bien de préciser qu’il est tout à fait favorable à la sauvegarde des langues régionales authentiques, pour peu qu’à Rennes, par exemple, on enseigne non, donc, le breton militant, le néo-breton, mais le gallo. C’est que, note-t-il fort à propos – idée qui revient dans son livre comme un leitmotiv –, « loin d’être une alliée [des ethnorégionalistes], la petite patrie [leur] est un danger. Elle est productrice de dissonance, car, plus proche, elle est un meilleur reflet du réel ». (p. 65). Aux yeux des ethnorégionalistes il s’agit de faire sécession par la langue, tant il est vrai qu’elle permet de « bâtir et cloisonner les univers mentaux et sociaux » (p. 191) D’où l’insistance à réclamer le bilinguisme des documents officiels, à obtenir les moyens d’enseigner, d’imposer la néo-langue locale.

La trahison des élites

Les républicains universalistes tendent à incriminer l’Union européenne dans l’essor de l’ethnorégionalisme, puisqu’elle s’est construite sur l’amnésie des États-nations en promouvant les grandes régions. Or l’auteur montre que c’est un peu malgré elle que l’UE, quand bien même travaillée au cœur par de très efficaces groupes de pression, a « stimulé le régionalisme » (p. 128). Pour l’auteur, à force d’invoquer l’UE, les ethnorégionalistes vont finir par la faire détester. Surtout, le séparatisme déstabilise les États et les rend moins avides d’une intégration qui déjà a vocation à les fragiliser. Mais, donc, le moteur de la division n’est pas à chercher à Bruxelles : « On peut reprocher à l’Europe beaucoup, mais la fusion des régions, la multiplication de collectivités à statuts particuliers et à ressorts identitaires sont uniquement le fruit de l’imagination destructrice de nos élites tricolores. » (p. 129) Lesquelles mettent ainsi un empressement confondant à vouloir ratifier la Charte des langues régionales, qui reconnaît des droits collectifs à des groupes ethniques et de ce fait a été censurée par la Conseil constitutionnel (p. 125). Ces mêmes élites, de tous bords, par cynisme, acceptent, on l’a vu avec les drapeaux régionalistes, l’effacement des symboles nationaux ; elles acceptent sans ciller la disjonction entre citoyenneté et nationalité, un des instruments les plus efficaces pour briser l’unité nationale – peut-être aurait-il fallu rappeler que le traité de Maëstricht (1992) avait donné le la en permettant l’éligibilité aux élections locales des citoyens des États membres. La plupart du temps, les partis nationaux traditionnels ont été pris à leur propre piège, échouant à assécher les mouvements ethnicistes en s’efforçant de récupérer leurs revendications, laissant donc aux séparatistes donner le tempo. La surenchère est devenue permanente entre mouvements (qui sera le plus « authentique » et donc le plus radical ?) et entre collectivités (telle veut autant de compétences que telle autre à qui on vient d’en accorder un peu plus pour avoir la paix). De nombreux exemples étrangers rapportés par l’auteur inquiètent. Est lancé un processus de désagrégation sur fond d’une décentralisation de plus en plus illisible, une décentralisation asymétrique impliquant la fin de la solidarité nationale (p. 246). Pour Benjamin Morel, la différenciation territoriale, qui s’impose avec une force croissante depuis vingt ans, est le « tombeau de la France ». (p. 259) Bref, sous couvert de modernité, on ne nous promet rien d’autre qu’un retour au féodalisme. La République est morte, vive l’ancien régime…

L’ombre de Mirabeau…

Plutôt que d’y voir l’éloge d’une France centralisée et niveleuse, il faut considérer cet ouvrage non seulement, certes, comme un vibrant plaidoyer pour un modèle politique sabordé avec un acharnement consciencieux par nos élites, mais aussi comme le plus bel hommage aux petites patries12 sans lesquelles la République indivisible ne serait qu’une construction aussi artificielle que les régions des ethnorégionalistes, les petites patries qui sont la condition de la Grande, laquelle, en retour, les préserve de toute régression raciste.

La fin de ce livre courageux, franc, net (non dénué de piques ironiques), se veut volontariste – mais on sent que l’auteur, au milieu des décombres et avant que quelques pans de murs encore d’aplomb ne s’effondrent à leur tour, brûle de dire : « Vive la République quand même ! » Aucun des lecteurs de Benjamin Morel n’aura d’ailleurs si peu que ce soit été surpris par la déclaration du chef de l’État devant l’assemblée de Corse, le 28 septembre 2023, premier président de la République à envisager l’autonomie de l’île. Ce séparatisme est-il moins mortel à la nation que l’autre ? Bien sûr, on songe à Mirabeau rappelant à l’Assemblée nationale, le 19 avril 1790, qu’avant de constituer une nation, les Français étaient « une agrégation inconstituée de peuples désunis ». Tout est à recommencer.

Benjamin Morel, La France en miettes – Régionalismes, l’autre séparatisme, Paris, Cerf, 2022, 265 p., 20 euros

Notes

1 – Alphonse Aulard, Histoire politique de la Révolution française – Origines et développement de la démocratie et de la République (1789-1804), Paris, Armand Colin, 1901, p. 401

3 – Albert Thibaudet, Les idées politiques de la France, in Réflexions sur la politique, Paris, Robert Laffont (« Bouquins »), 2007, p. 173. Les idées politiques de la France a été publié en 1932.

4 – Cité par Axel Tisserand, Actualité de Charles Maurras – Introduction à une philosophie politique pour notre temps, Paris, Pierre Téqui, 2019, p. 233-235.

5Op. cit.

6 – Je me permets de renvoyer à mon article : Samuel Tomei, « Georges Clemenceau : la décentralisation au service de l’émancipation individuelle », in Vincent Aubelle et Nicolas Kada, Les grandes figures de la décentralisation – De l’Ancien Régime à nos jours, Paris, Berger-Levrault, 2019, p. 181-196

7 – Charles Maurras, « Le Roi et les Provinces », Revue Fédéraliste, n° 100, Guirlande à la Maison de France, préface de Georges Bernanos, 1928.

8 – Bertrand Lançon, Quand la France commence-t-elle ?, Paris, Perrin, 2021, p. 57-59.

9 – Benjamin Morel cite ici Frans Schrijver.

11 – Angelo Rinaldi, « Ils ne le lâcheront pas ! », Le Nouvel observateur, 10-16 août 2000.

12 – Voir Jean-François Chanet, L’Ecole républicaine et les petites patries, Paris, Aubier, 1996, et Olivier Grenouilleau, Nos petites patries – Identités régionales et Etat central, en France, des origines à nos jours, Paris, Gallimard, 2019

5 thoughts on “« La France en miettes » de Benjamin Morel, lu par Samuël Tomei

  1. Tarnacois sans caténaire

    Franchement je n’ai aucune envie de lire « La France en miettes » tant son résumé m’irrite. Il est même franchement nauséabond. Ethnorégionalisme ,ethnocentrisme, ethnolinguisme : pardi quand on ne veut pas que sa langue meure quand on défend sa culture en voie de disparition , on est contre l’autre , on le hait. Moi qui depuis l’âge de raison essaie tant bien que mal , par l’écrit et l’oral, de maintenir langue et culture limousine , combien de fois n’ai-je pas entendu le sacro saint reproche « du repli sur soi »Outre le fait que personne ne peut accomplir cette contorsion salutaire mieux que moi, j’ai toujours répondu à mes contradicteurs qu’ils s’auto dispensaient de cet altruisme culturel sans quoi je n’aurais besoin de m’y exercer.
    Mais passons . promouvoir une langue régionale (ou locale, l’effet sera le même ) c’est raciste !J’aime ce genre de raccourci Il n’ ya pas si longtemps j’ai appris que parler de surpopulation c’était raciste Les plus fort taux de natalité étant dans les pays sous-développés la liaison est limpide
    Mais dans le cas qui nous concerne, il y a des preuves : les régionalistes, autonomistes, et indépendantistes de touts poils ont fricoté avec les nazis, Mistral , Daudet Maurras même combat antisémite .En rhétorique je crois que l’on appelle ça le point Goldwin (excuser l’orthographe) Jeter l’opprobre en essayant , par les chemins les plus tordus de rallier Auschwitz. Malheureusement la guerre est finie depuis près de quatre-vingt ans et Mistral nous a quitté il ya plus de cent ans Et depuis de l’eau a coulé sous les ponts. A part quelques royalistes forcenés qui résumerait la République à la Terreur ?. Mais leur cause n’est pas perdue , en cherchant , bien je suis sûr que parmi les conventionnels j’arriverai bien à trouver un antisémite
    Je connais assez bien les milieux occitanistes depuis plus de cinquante ans et je n’y ai jamais vu trainer de francisque. Au contraire à l’audition des chanteurs comme Marti ou Verdier , j’ai toujours pensé que leur accent était du au couteau qu’ils avait entre les dents.
    Du populisme facile, de l’hypocrisie j’en trouverais plus sûrement chez ce Morel avec sa subtile distinction entre langue régionale impérialiste et langue locale (ce qu’on appelle vulgairement un patois) d’émanation populaire. Je n’ai pas vérifié les panneaux de signalisation bretons en pays gallo mais même s’ils avaient été écrit dans la bonne langue , il n’aurait pas été d’essence populaire. Les langues régionales, locales , dialecte patois sont des langues orales. Moi-même qui parle limousin couramment, j’ai du apprendre à l’écrire et ajuster ma prononciation à l’orthographe. Car on ne diffuse pas de nos jours une langue par des veillées au coin du feu. Cela nécessite une orthographe une conjugaison une grammaire normalisée. Et ce travail est fait sérieusement en faculté et de telle manière que l’enseignement respecte tous les particularismes.
    Mais quittons l’hexagone car le sauvetage des langues mortes ou moribondes n’est pas un exercice exclusivement français . Au contraire , il est certain que nous sommes assez nuls dans l’exercice. C’est dommage d’ailleurs quand on pense que cette tâche demande , à l’échelle d’un peuple , une dose phénoménale d’énergie constructive Je n’ose dans ces lignes parler des israéliens, seul exemple à ma connaissance de peule ayant redonné vie à une langue morte vu que ce travail dévoyé n’est qu’au service de l’impérialisme sioniste piloté par la conspiration judéo-maçonnique. Intéressons nous plutôt au cornique , langue celtique de la Cornouaille qui n’avait plus qu’une trentaine de locuteurs il y a une soixantaine d’années et qui maintenant a plusieurs milliers d’adeptes. Et ce sans qu’aucun anglais de quelle confession qu’il soit, n’ait eu à en souffrir.
    Si un tel exploit pouvait se reproduire dans l’île voisine , je pense (mollement il est vrai) que le Gaélique est la seule chose qui relie l’Irlande du nord et du sud
    A part ça je ne trouve rien de courageux à tirer sur les ambulances, en ‘occurrence sur des langues moribondes et leurs défenseurs.

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    1. Samuël Tomei via Mezetulle

      Mezetulle a reçu la réponse de Samuël Tomei :
      ***********

      Cher Monsieur,

      Merci d’avoir longuement répondu.

      On ne sait trop, à vous lire, si vous faites partie des défenseurs des langues locales ou bien des tenants de l’ethnicisme qui sous-tend l’idéologie séparatiste que dénonce Benjamin Morel.
      Dans le premier cas vous ne pourrez que vous réjouir qu’il ait écrit en creux le plus beau plaidoyer pour nos petites patries et leurs patois. Dans le second cas, il est dommage que vous refusiez d’ouvrir son livre car à ne lire que des ouvrages qui vont dans le sens que nous voulons, nous finissons par avoir des pensées molles (Alain) – et la fermeté de la démonstration de Benjamin Morel doit aussi, précisément, à ce qu’il a tout lu des différentialistes qu’il combat.

      Enfin, on trouvera cocasse que vous lui reprochiez d’arriver bien vite au point Godwin (ce qui, du reste, est erroné car l’auteur ne se départ jamais d’un ton serein et d’une logique démonstrative : il ne fait que montrer une communauté de vue entre ethnicistes…), alors qu’il ne vous pas fallu beaucoup de paragraphes pour dénoncer « l’impérialisme sioniste piloté par la conspiration judéo-maçonnique »… Ce qui, vous en conviendrez, a peu à voir avec le sujet.

      Salutation,
      ST

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  2. Binh

    La défense des langues étiquetées « régionales » se justifie si elle correspond à une réalité humaine contemporaine, donc à une demande pratique et attestée. Or, ce n’est pas forcément le cas : la promotion de la langue dite « catalane » dans le département 66 est une pure politique publique (Département et services de l’Etat) qui ne suit aucune demande sociale. Personne ne parle Catalan aujourd’hui dans ce département, sauf quelques militants ou amoureux de cette langue (on peut tout à fait les comprendre et les suivre, d’ailleurs, car cette langues existe en Catalogne) : la vraie langue « régionale  » sur ce territoire, c’est le français, suivi de l’espagnol, de l’arabe, du vietnamien. Ce sont elles, les vraies langues régionales. Si on veut instituer officiellement (et administrativement) les langues régionales sur des territoires, il faut partir de l’humain existant actuellement, et non de l’Université (UFR d’Histoire) ou des offices du tourisme. Ce qui n’empêche pas bien, sûr, de promouvoir ou défendre les langues anciennes (comme le latin, qui d’ailleurs est aussi une langue « régionale » ancienne sur cet espace). Mais imposer le catalan relève du déni démocratique alors qu’il n’est même pas la 5ème langue parlée dans les département des Pyrénées Orientales. On a exactement le même phénomène à Béziers: le magnifique centre culturel occitan de Béziers (le CIRDOC) est constamment vide. Et personne ne parle Occitan à Béziers, sauf dans les Calendreta où les enfants sont inscrits par des parents militants: on peut aimer cette langue qui a produit de grands écrivains ou poètes, mais elle n’est plus populaire aujourd’hui, elle n’est plus… »régionale ». Imposer l’Occitan pour son caractère déclaré « régional » reviendrait à insulter les populations qui vivent à Béziers qui sont majoritaires à parler, outre le français, l’espagnol, ou l’arabe, etc. Bref: le régionalisme, parfois, a des accents d’avant-gardes culturels (sinon de Gardes Rouges) autoritaires et peu
    démocrates. Et il est amusant de voir les régionalistes (ou indépendantistes) qui adorent tant critiquer l’Etat central , lui demander d’intervenir pour instituer un bien culturel qui n’est porté ou demandé par personne (quasiment) sur place..!

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    1. JIDEUX

      Je sors peut-être du sujet mais je ne le pense pas : la République est une idée mais c’est avant tout un outil.
      L’un des fondements de la république française, et selon moi sa force, est le territoire. Et au territoire national est associée une notion que je trouve vitale : le droit du sol.
      Ainsi, l’on s’applique à respecter le droit en vigueur à l’endroit où l’on pose ses pieds. Si c’est la France, c’est simple : on regarde une carte de France.
      Nul n’est besoin de savoir où vous avez posé vos pieds par le passé ou si vos pieds sont nés ailleurs, s’ils comprennent le patois berrichon ou sont parfumés au Maroilles.
      Ce qui fait un territoire, un pays, une nation c’est sa lisibilité. Le régionalisme, l’ethno-régionalisme ou le communautarisme sont le berceau de l’illisibilité.
      Le droit du sol trouve sa source dans un corpus qui dépasse les gens qui l’appliquent. Et sa valeur dépasse l’attachement, nonobstant respectable, que l’on peut avoir à ses racines.
      Le régionalisme est un droit du sol dévoyé. C’est un droit du sang maquillé en droit du sol car il est moins attaché à la géographie qu’à ceux qui peuplent (ou peuplaient) la région en question.
      De même, mais a contrario des « méthodes régionalistes », comme vous Binh, « partir de l’humain » et dire que dans les Pyrénées Orientales on devrait parler plus espagnol ou arabe que catalan, c’est s’en tenir aux gens qui y parlent et non au territoire où parlent ces gens. Et c’est un écueil encore bien pire que le régionalisme. Si 200 000 locuteurs bretons arrivaient en Corse, faudrait-il changer la langue régionale de corse à breton ?
      Si l’on devait tenir compte de la langue que parlaient chacun de nos grands-parents ou des les lois qu’ils reconnaissaient ou de la religion qui était la leur… pour vivre ensemble ce serait (c’est ?) un beau bazar !
      La république n’est viable que s’il y a une permanence, et cette permanence passe par une hiérarchisation de ses attachements : pour ma part, je suis résident français, d’abord, et me soumets, de droit et de fait, aux lois françaises en vigueur sur le territoire français, et je suis subsidiairement – et sans autre hiérarchie à partir de là – Français, d’origine italienne, Lyonnais, d’éducation catholique, instruit en ZEP, mâle, hétéro, vélocipédiste, ronchon…

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  3. Tarnacois sans caténaire

    LANGUE REGION

    Je n’ai qu’un but, ainsi que l’immense majorité de ceux qui ont la même préoccupation, sauver une culture et surtout une langue moribonde. Je me moque totalement que ma démarche soit populaire ou non. Elle serait élitiste, je l’assumerais de la même manière. Et je trouve l’argument de la rareté spécieux et absurde. Si le limousin était encore parlé couramment dans les rues de Limoges, il n’aurait pas besoin de zélateur tel que moi. C’est parce qu’il est en perdition que ce dialecte doit être le plus visible possible, qu’il doit être enseigné et pas seulement dans les calendretas avec des parents militants mais par petites touches à la communale. En 1968 mon instituteur avait instauré deux heures d’immersion en anglais sans demander l’avis de mes parents. L’argument du volontariat me paraît tout aussi spécieux. J’ai enseigné les maths pendant quarante-cinq ans ; si j’avais attendu des volontaires, je serais mort de faim ! Même si elle n’est pas gravée dans le marbre, la sauvegarde du patrimoine matériel ou immatériel est un devoir pour chaque nation. Devoir dont se dispense la France dans ce cas précis. Sous le prétexte fallacieux de l’unicité de la République (principe qui connaît tellement de dérogations, concordat en Alsace Lorraine, zones franches fiscales, deux ou trois rois dans les territoires du Pacifique sous tutelle, etc., qu’il ne peut plus être pris au sérieux), notre pays se dispense de ratifier un traité européen concernant la sauvegarde des langues régionales. À moins que ce ne soit pour protéger le français langue de la République. Notion qui veut seulement dire que la communication officielle doit se faire en français exclusivement et donc que le français doit être langue commune et non pas unique. Mais certains pensent le contraire. S’ils ont raison, j’ai le droit de faire interdire un cours dispensé dans une langue étrangère qui n’a pas pour but l’enseignement de ladite langue. Et pour eux ce droit devient un devoir !
    Je me fiche éperdument que le turc et le français soient plus parlés dans les foyers limousins que la langue ancestrale. Et je ne vois pas pourquoi, si le catalan est moins usité en Roussillon que le l’espagnol et l’arabe, il se verrait condamner. Que je sache l’arabe et l’espagnol ne sont pas en voie d’extinction et n’ont pas besoin d’être défendus. Les deux ont d’ailleurs un lourd passé colonial ou expansionniste, comme on voudra. Et quand je dis passé c’est que je ne veux pas m’étendre sur le sort des langues berbères en Afrique du Nord.
    Mais ceci dit, il a fallu que je lise qu’après avoir persécuté le juif, le régionaliste stigmatise l’immigré !Et uniquement parce qu’il est minoritaire ! Il faut qu’il se taise ou qu’il défile sur l’air des lampions pour l’enseignement des langues de l’immigration. Parce qu’elles sont plus populaires ! L’hawaïen, qui vient de se rendre compte mais un peu tard qu’il ne représente plus que dix pour cent de son archipel, doit descendre de sa planche de surf et promouvoir le chinois ou le japonais, même chose pour le tibétain, l’aborigène, le maori, etc., etc.
    Personnellement j’appelle ça la tyrannie de la majorité.
    Mais je reviens sur le martyre des immigrés. La plupart doivent se moquer comme de l’an quatre du combat linguistique régional : sauf quelques uns.
    Je ne remercierai jamais assez mon collègue chargé de l’occitan au collège. La moitié de sa classe était composée de jeunes turcs. En sortant de son cours ils étaient plus limousins que leurs condisciples qui étaient nés sur place, comme leurs parents, mais qui étaient ignorants de la toponymie de ladite place et qui avaient un nom de famille du coin dont ils ne connaissaient pas le sens.
    L’enseignement  des langues régionales est un formidable facteur d’intégration car il laisse une chance de gommer l’origine ethnique. Il permet d’être ce que l’on veut devenir.
    Qui oserait dire qu’Allan Stivell n’est pas breton ? Et pourtant à l’état civil il ne s’appelle ni Alan ni Stivell mais Baptiste Cochevelou ou Cochelevou né à Riom Puy de Dôme. Né d’un père certes breton, mais qui n’a passé en Armorique qu’une brève partie de son existence. Né aussi d’une mère lituanienne, peut être même juive de surcroît, ce qui dans ce marigot antisémite qu’est le régionalisme breton ne doit pas avoir favorisé sa mue.
    Au risque de me répéter, le sauvetage et l’apprentissage des langues en perdition est un fabuleux facteur de rassemblement d’un peuple.
    Je ne peux que saluer l’abnégation des quelques dizaines de corniques qui ont sauvé leur langue et ont réussi à entraîner des milliers d’anglophones massivement majoritaires pourtant indifférents au commencement mais qui ont accompli une œuvre rarissime. Et j’aimerais que l’exemple soit suivi dans toute l’Irlande, sans trop d’espoir.
    Exploit encore plus singulier, lorsque le gouvernement israélien a décidé que l’hébreu serait langue nationale, il n’avait pas l’idée de sauver une langue morte pratiquée par quelques rabbins, mais, sans avoir révisé le sujet, pour ne pas avoir à choisir entre un créole germanique et quelques sabirs judéo-méditerranéens (dont le judéo-provençal, dialecte occitan disparu en 1972 avec sa dernière locutrice). Mais on ne peut que saluer la performance de ces gens venus des quatre points cardinaux de s’unir dans une langue disparue depuis des millénaires et de surcroît portée par un alphabet tout aussi exotique.
    Mais il faut surtout voir dans cette volonté farouche la main du sionisme impérialiste dirigé contre la langue majoritaire du Proche–Orient.
    C’est en regardant ces exemples  disséminés sur la planète que je désire m’éloigner de ces « petites patries » dont je fais pourtant partie. Non pas parce que je n’ai pas plaisir à parler avec ma demi-douzaine de voisins et nous sentir comme les derniers des Mohicans mais parce que à court terme les petites patries c’est la mort. Tout simplement par appauvrissement du vocabulaire. Si je survis assez de temps, je ne veux pas rabâcher avec l’autre ancien combattant «  passe moi le pain ou la soupe est froide ». Je veux apprendre et échanger le plus loin possible. Me faire comprendre à l’étranger dans les bleds de la vallée de Courmayeur ou même à Figueras en me forçant un peu.
    Je ne suis pas de ceux qui bavent sur ces petits jeunes de Limoges qui veulent m’ apprendre à parler alors que je suis le détenteur du vrai patois du plateau.
    D’abord  ils ne sont jamais que les rejetons des habitants de ces fameuses petites patries, ils ne sont pas de génération spontanée, ce ne sont pas des Jean de Florette universitaires. Ils connaissent bien leur sujet
    Et je ne veux pas entrer dans le jeu de cette flagornerie populiste qui consiste à flatter la souche contre l’élite.

    P. S. J’ai écrit en italiques ce que je dis au second degré et qui consiste à caricaturer les positions de l’auteur.

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