« Lettre ouverte aux antisionistes… » de Liliane Messika, lue par Yana Grinshpun

L’auberge espagnole nommée antisionisme

Yana Grinshpun1 a lu le livre de Liliane Messika Lettre ouverte aux antisionistes de droite, de gauche et des autres galaxies (éditions de l’Histoire). Ce dernier montre que l’antisionisme, opinion volontiers adoptée par des gens de bonne foi (les BIMI = Bien Intentionnés Mal Informés) qui croient ainsi faire profession d’humanisme et de justice, a principalement pour fonction d’abriter l’antisémitisme tout en le déniant. À ceci près que « si l’antisémitisme du passé visait les Juifs en tant qu’individus, l’antisionisme d’aujourd’hui cible « le Juif collectif », nommé Israël ».

L’antisionisme, une « opinion éclairée » ?

Il y a des haines qui sont toujours d’actualité, dont la vivacité millénaire et l’efficacité ne cessent d’étonner. Par exemple, la haine des origines, curieux phénomène psycho-social observé dans le monde occidental depuis la naissance du judaïsme. Pour la société polythéiste, les Juifs étaient des êtres à part avec leur Dieu-Être Un, invisible et abstrait. De la part des chrétiens et plus tard des musulmans, ils subissent la haine de l’origine. Et « pour le haineux, l’origine de l’autre lui rappelle toujours qu’il en veut à la sienne » (Daniel Sibony). Ce fut et c’est le cas de l’antisémitisme chrétien et musulman. Depuis l’existence de l’État d’Israël, l’on ne parle plus de la haine des origines, dont les manifestations sont punies par la loi, en tant que circonstances aggravantes de racisme, mais d’antisionisme, une « opinion éclairée », critique anodine de la politique israélienne.

Quelle est donc cette opinion éclairée des gens qu’Israël obsède ? Sont-ils antisémites, comme on l’entend souvent dire, et sinon, par quoi sont-ils éclairés ?

Dans son essai Lettre ouverte aux antisionistes de droite, de gauche et des autres galaxies, paru aux Éditions de l’Histoire, Liliane Messika propose une réponse très complète, documentée, argumentée et dépassionnée, à cette question qui suscite des passions. Son livre s’adresse à un public qu’elle a très justement défini comme « les BIMI » (Bien Intentionnés Mal informés). On ne pourrait mieux décrire tous les gens de bonne foi, qui n’ont ni le temps ni l’envie de rechercher des informations, de les vérifier et de les analyser :

« Beaucoup de gens croient sincèrement faire preuve d’humanisme et de justice en se déclarant « antisionistes ». Il est contre-productif de les traiter d’antisémites, car ceux qui le sont vraiment le nient grâce à cette nouvelle dénomination, et ceux qui ne le sont pas se sentent injustement accusés, alors qu’ils sont des BIMI : Bien Intentionnés, Mal Informés ».

Il existe en effet, dans notre pays, des gens sans préjugé ni certitude sur les Juifs et les Israéliens. Ils ne se lèvent pas le matin pour écrire un message de soutien aux Palestiniens, ils ne pensent pas que si deux sœurs « colons » sont tuées par des terroristes, c’est parce qu’elles l’ont bien cherché, ils ne manifestent pas contre Israël et n’ont pas d’idées préconçues sur les Juifs ou sur leur pays. Ils perçoivent certainement le matraquage médiatique qui conditionne un grand nombre d’esprits, mais ils sont prêts à entendre des informations pas toujours accessibles par la voie officielle. Ils sont également réceptifs à un discours factuel, historique et dépassionné. Liliane Messika s’adresse à des gens capables de réfléchir, de faire une addition et une soustraction (opérations parfois importantes pour comprendre l’inflexion idéologique d’un discours), de penser logiquement et de se former un jugement sans être influencés par les discours moralisateurs ou indignés de Tiktok ou autres Twitter.

Cet ouvrage salutaire est fondé sur des faits aux sources vérifiables, sur des analyses historiques, des citations verbatim de textes officiels européens et… arabes, des témoignages insoupçonnables de favoritisme « pro-Juifs ». Le lecteur y trouvera une mine d’informations historiques que peu de non-spécialistes connaissent.

Par exemple sur la composition et le fonctionnement de l’ONU, ils constateront que le nombre de résolutions édictées contre Israël dépasse chaque année mathématiquement la somme de toutes celles qui condamnent les pays totalitaires pratiquant la peine de la mort, la torture et le gazage des populations. Un échantillon de ces décisions onusiennes pour 2021 montre une résolution unique contre la dictature la plus cruelle de la planète, la Corée du Nord, une seule aussi contre la Syrie, où la guerre civile dure depuis dix ans et où le bombardement à l’arme chimique, les tortures, les arrestations arbitraires, la destruction des infrastructures, la terreur contre la population sont endémiques. Par contre, Israël a été condamné quatorze fois, sans que les attaques du Hamas, du Fatah et autres contre lui soient mentionnées. Est-ce par amour inconditionnel des Palestiniens  ou par haine inconditionnelle d’Israël ? La question est légitime.

Messika sait compter : le « droit international », dont se réclament les chancelleries et la plupart des ONG, est élaboré par 93 régimes plus ou moins tyranniques et 74 régimes plus ou moins démocratiques. Elle rappelle également qu’en mars 2018, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a accueilli le ministre iranien de la justice, un tortionnaire responsable de massacres de masse. Le reste est à l’avenant. En 2021, Le Qatar, l’Érythrée, le Kazakhstan et la Somalie ont été élus, avec… l’Iran, à la Commission de la condition des femmes de l’ONU (CSW). « En 2023, 70 % des membres du Conseil onusien des Droits de l’homme étaient des dictateurs. Et la France avait voté pour l’élection de l’Iran ».

Endoctrinement ou enseignement ?

Liliane Messika dénonce dans les écoles ce que l’auteur de ces lignes a constaté à de nombreuses reprises à l’université : nombre d’enseignants d’histoire, en France, expliquent que les «  Israéliens ont conquis le pays de Palestine, l’ont occupé et colonisé ». Mais l’État de Palestine n’a jamais existé, ni comme royaume, ni comme pays. Messika cite des historiens et des personnalités du monde arabe qui l’attestent dans un chapitre important : « Témoignages désintéressés et des intéressés ». Ces professeurs d’histoire devraient le lire pour ne plus raconter n’importe quoi. Par exemple, Hafez el Assad, le dictateur syrien, dit clairement qu’il n’existe pas de peuple palestinien, que ces gens sont syriens et qu’ils font partie du peuple arabe. Zuher Mohsen, haut gradé de l’OLP, explique que l’invention du peuple palestinien permet de « poursuivre une lutte contre l’État d’Israël ».

Avant 1967, ceux qu’on appelle aujourd’hui « les Palestiniens » ne constituaient pas une entité géopolitique et n’aspiraient pas à un État. Lorsqu’ils s’en sont vus proposer un, par le partage de la Palestine mandataire, la Ligue arabe l’a refusé en leur nom. Ce refus n’est pas un complot juif, mais un fait historique.

Messika propose un bref recensement des colonisations successives de ce territoire, où des Juifs ont toujours habité. Accessible à ceux qui sont rebutés par les traités spécialisés, ce rappel permet de constater combien le terme « colonisation » est inapproprié car, d’une part, on ne colonise pas des entités mythiques et, d’autre part, les Juifs ne disposant pas d’une métropole, ils n’auraient pas pu en expédier des « colons » pour s’accaparer une terre qui leur était étrangère. Il s’agit du retour d’un peuple à sa patrie originelle, un retour attendu depuis deux millénaires. Il en va de même pour le terme « apartheid », lié à la juridiction raciste d’Afrique du Sud et souvent allégué contre Israël. Les preuves de cette diffamation sont factuelles. Parmi les plus saillantes : la condamnation pour corruption d’un ancien président juif de l’État par un juge arabe, l’existence d’un parti islamiste proche des Frères Musulmans au sein du Parlement, 50% de médecins arabes dans les hôpitaux, etc.

Une paix véritable, à laquelle disent œuvrer les Européens, peut-elle être fondée sur un mensonge ? Non, évidemment. On peut dire sans hésiter que le plus gros mensonge historique colporté par le discours scolaire européen est celui-ci, trop largement enseigné dans nos écoles, à nos enfants.

Pour combattre le racisme rien de tel que l’antisémitisme

L’auteur montre non seulement comment les faits sont manipulés, mais aussi comment est construit le discours légitimant la violence contre les Juifs, identifiés aux Israéliens. Elle cite la phrase de Mohammed Merah, devenue célèbre, parce qu’honnête et directe : « Je tue des juifs en France, parce que ces mêmes juifs-là tuent des innocents en Palestine ». Merah dit ce que cachent (ou ne cachent même pas) de nombreux intellectuels qui justifient les meurtres des Juifs en France et en Israël. Quand j’ai analysé en détail son discours, dans le cadre universitaire, en montrant les processus de légitimation de sa violence, des confrères m’ont dit qu’il avait raison et qu’il s’agissait de venger « des actes racistes » et mes articles n’ont jamais été publiés. Liliane Messika n’a donc rien inventé. Se référant à Robert Wistrich, grand historien de l’antisémitisme, elle montre que si l’antisémitisme du passé visait les Juifs en tant qu’individus, l’antisionisme d’aujourd’hui cible « le Juif collectif », nommé Israël.

Au bout de 304 pages de faits et d’analyses fort limpides et souvent drôles, car l’auteur a du style et de l’humour, le chapitre final donne la réponse à la question posée en préambule, sur la nature de l’antisionisme :

« Accuser l’état juif d’apartheid avec un parti arabe au gouvernement, de génocide quand sa population arabe a un taux de croissance supérieur à tous les pays arabes avoisinants, cela génère des pogromes, comme d’accuser les Juifs de manger des petits chrétiens ou d’empoisonner les puits. Eh oui, l’antisémitisme est bien l’antisionisme et si ce n’est lui c’est donc son fils ».

Liliane Messika, Lettre ouverte aux antisionistes de droite, de gauche et des autres galaxies. L’antisionisme, « faux-nez » de l’antisémitisme, Les éditions de l’Histoire, 2023.

1 – Yana Grinshpun est linguiste et analyste du discours. Elle est co-directrice de l’axe « Nouvelles radicalités » au sein du Réseau de Recherche sur le Racisme et l’Antisémitisme, co-fondatrice du blog Perditions idéologiques. Parmi ses derniers travaux Le genre grammatical et l’écriture inclusive en français ; Crises langagières: discours et dérives des idéologies contemporaines (co-dirigés avec J. Szlamowicz) et La fabrique des discours propagandistes contemporains. Comment et pourquoi ça marche (L’Harmattan, 2023).

13 thoughts on “« Lettre ouverte aux antisionistes… » de Liliane Messika, lue par Yana Grinshpun

  1. DARNAY

    Bonjour,

    N’ayant pas lu le lire (ce que je pense faire très prochainement), je me permets de réagir simplement à l’article.

    Je ne suis pas très au fait des évènements qui président au conflit israélo-palestinien mais la lecture de l’article ci-dessus m’interpelle sur les points suivants : Il ne me semble pas que tous les israéliens soient juifs ni que tous les palestiniens soient musulmans, ai-je tord ? D’autre part, si les israéliens parlent, de leur pays, d’état juif, cela veut-t-il dire qu’ils considèrent que tous ses habitants doivent se soumettre au Pentateuque ? Auquel cas, il s’agit d’une théocratie (si c’est leur choix pourquoi pas). Enfin, il me semble qu’il y a confusion entre israélien et juif comme il y a une confusion entre arabe (ou perse) et musulman. si c’est le cas, doit-on confondre la France avec un état catholique (auquel cas, en tant que libre-penseur, sans dieu, il faut que j’envisage de déménager).
    Je tiens à préciser que je n’ai aucune passion pour la Palestine ou Israël.

    Bien à vous.

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    1. Yana Grinshpun via Mezetulle

      Mezetulle a reçu la réponse de Yana Grinshpun :
      *****

      Bonjour,

      Il me semble que votre commentaire contient des stéréotypes sur la perception du peuple juif.

      1. Vous semblez considérer qu’être Juif signifie être croyant, pratiquant ou religieux, et qui plus est, être Juif c’est de vivre selon la Torah (Pentateuque). Les pères fondateurs d’Israël ainsi que la mère (Golda Meïr), étaient sionistes laïques, socialistes croyant à la vertu de l’idéologie socialiste, pour la plupart athées. Voir à ce propos Une histoire politique et intellectuelle du sionisme de Georges Bensoussan. Être Israélien c’est d’adhérer aux valeurs ethniques, culturelles et historiques de la majorité qui est juive, car Israël est d’abord et avant tout un État de dans le sens moderne du terme, créé par les Juifs et pour les Juifs).

      Pour illustrer la fausseté de votre perception strictement cantonnée à la religion, regardez les usages linguistiques :

      Juifs russe, polonais
      Haine des Juifs
      Persécutions subies par les Juifs
      Juif né en Israël s’appelle sabra

      On peut être Juif athée, Juif laïque, Juif traditionaliste, Juif croyant, Juif universaliste, Juifs français etc. Être Juif c’est d’appartenir à l’histoire, à la mémoire et à la culture. Et cette culture, même si elle est nourrie par ses origines bibliques, peut être tout à fait éloignée de la religion. Par ailleurs, tous les Israéliens ne sont pas Juifs, vous avez raison – seulement 80% de la population sont ethniquement, culturellement, historiquement, religieusement Juifs. 20% sont présentés par des minorités : arabes chrétiens, arabes musulmans, Tcherkesses, Druzes, Bahaï. Comme dans tous les pays du monde, c’est la majorité ethnique qui impose sa langue, sa culture, ses symboles politiques ou religieux. Ainsi en Israël, tout en respectant les droits culturels et cultuels de la minorité ethnique musulmane, chrétienne, druze, et bahaï c’est la majorité ethnique juive qui impose les symboles juifs de l’État.

      2. Votre comparaison de la confusion de la France avec le catholicisme est aussi étrange, j’ignore qui peut le faire de nos jours, car si les racines culturelles de la France sont incontestablement catholiques, la France n’est pas un État catholique, c’est un état laïque, pratiquement le seul au monde à l’être. Israël n’est pas la France, c’est un État juif avec un caractère national (et pas religieux !) juif ; les juifs étant un peuple qui a un passé commun, une histoire commune et un avenir commun. Ce n’est pas un pays laïque dans le sens français (mais dans ce sens–là, il n’y a aucun pays laïque au monde). Faites un tour en Israël, vous y verrez toute la diversité de la vie juive : des laïcards fervents qui ne connaîtront pas un mot de la Torah jusqu’aux orthodoxes qui vénèrent le Texte.

      On peut saisir votre difficulté de compréhension, en rappelant à quel point la conception dominante du peuple juif et qui prévaut encore aujourd’hui chez certains a pu constituer un obstacle durable à la reconnaissance du sionisme. Vous pensez encore « religion », à l’instar des gens du XIX° siècle, alors que le peuple juif a fait valoir un projet d’indépendance nationale par son retour à la terre des ancêtres, par l’identité linguistique et par l’identité sociologique.

      3. Je ne sais pas dans quel sens vous utilisez le terme « théocratie », c’est un terme polysémique et tel qu’il est utilisé par les médias quant à Israël, il est erroné. La théocratie est contraire aux principes du judaïsme et de la culture juive. Par ailleurs, dire « Israël est un état théocratique » c’est de méconnaître l’histoire du sionisme qui commence avant 1880, c’est-à-dire, après l’expression du principe de nationalité en Europe. Théodore Herzl, le théoricien du sionisme, articule cette idéologie à la philosophie des Lumières. La reprise des référents juifs traditionnels constitue un geste symbolique de continuité et n’enfreint aucunement le rapport à la modernité. La question qui occupe actuellement les Israéliens n’est pas celle d’une quelconque théocratie, étrangère à l’esprit de l’État, mais celle du post-sionisme.

      Je vous invite à une conférence qui pourrait vous éclairer « Israël et le fantasme de la théocratie » qui se tiendra le 7 mai par zoom (lien et argument ci-dessous). Le conférencier est philosophe, psychanalyste et linguiste, spécialiste de la pensée juive, G.E. Sarfati. Cette conférence pourra vous éclairer au sujet de la « théocratie »juive.

      Bien cordialement,

      YG

      Lien vers la conférence (places limitées à 100) dimanche 7 mai 2023 ⋅
      18:30 – 20:00 (Heure d’Europe centrale – Paris)
      19h30 – 21h (Heure Jerusalem)

      https://us06web.zoom.us/j/81061043135
      Meeting ID: 810 6104 3135

      Le projet de réforme judiciaire, visant notamment à rééquilibrer les pouvoirs, en mettant fin à « la dictature des juges » suscite une vague de protestations et d’indignations; la contestation organisée par le camp « progressiste » agite le spectre de la dictature et de la théocratie.

      Cette conférence se donne deux objectifs: faire apparaître à travers un panorama de la pensée et de l’histoire politique du judaïsme que les notions de dictature comme celle de théocratie sont incompatibles avec la culture hébraïque et rabbinique, et d’autre part que la formation d’un tel fantasme est directement lié aux différents aspects de la crise identitaire que traverse le peuple juif, sous ses deux versants : diasporique et national.

      Loin de menacer la démocratie et les libertés, la continuité entre judaïsme et sionisme en constitue la garantie. Néanmoins, aussi bien les opposants que les partisans de la réforme sont animés par une même soif de justice.
      Ce sont certains des enjeux de cette polémique que cette conférence vise à élucider.

      Répondre
      1. Benjamin Straehli

        Plusieurs des arguments, dans le texte et les réponses, laissent à désirer.
        Il est plus que paradoxal de soutenir que « la théocratie est contraire aux principes du judaïsme et de la culture juive » : le mot même de théocratie est forgé par Flavius Josèphe, dans le livre II du Contre Appion, pour désigner le gouvernement institué par Moïse. La tradition juive n’est évidemment pas monolithique, et à l’intérieur même de la Bible le peuple d’Israël connaît plusieurs régimes politiques, mais le fantasme théocratique y a bel et bien sa place.

        Répondre à l’accusation d’apartheid par l’exemple des Arabes israéliens ne me paraît pas non plus approprié. Si bancal que soit le rapprochement avec le régime qu’a connu l’Afrique du Sud, il porte manifestement sur la situation des Arabes de Cisjordanie et de Gaza qui n’ont pas la citoyenneté israélienne. Il n’est pas possible de réfuter une accusation de racisme, d’apartheid ou de génocide, portée à propos de la façon dont serait traitée une certaine population arabe, en donnant en exemple les droits reconnus à d’autres Arabes. La réponse ne peut être pertinente que si elle porte sur le même sujet que l’accusation.

        Quant à expliquer, dans la réponse au commentaire de Marc Farina, le conflit actuel par un conflit originel entre Bible et Coran, cela se heurte aussi à des difficultés. Tout d’abord, une partie de cette explication repose sur les récits rédigés bien plus tard, sous les Abbassides, à partir de prétendues traditions orales hautement douteuses : les sources sur des conflits entre Muhammad et les communautés juives sont bien postérieures au Coran lui-même (dans lequel « musulman » ne semble même pas désigner une religion particulière, mais simplement le fait d’obéir à Dieu). Certes, elles en ont imposé une certaine interprétation. Mais même en tenant compte de cela, il est toujours insuffisant, pour expliquer une politique ou un comportement collectif, de dire « c’est dans leur religion » : en effet, un même texte sacré, et une même tradition religieuse, offre des traits contradictoires, et encore faut-il expliquer pourquoi tel aspect du texte est mis en pratique et pas un autre.

        En ce qui concerne, cette fois, moins le contenu même du discours que ses effets potentiels, il me paraît contreproductif de vouloir lutter contre l’antisémitisme en présentant le conflit comme une opposition entre un judaïsme qui serait fait de liberté et de démocratie, et un islam qui véhiculerait depuis toujours la haine et la vindicte. L’existence de tels discours ne peut guère que renforcer la conviction selon laquelle le sionisme se fonderait sur un racisme anti-arabe ou anti-musulman.

        Répondre
        1. Yana Grinshpun via Mezetulle

          Mezetulle a reçu la réponse de Yaha Grinshpun.
          Attention, à la suite d’une difficulté technique, une version incomplète de cette réponse a été publiée ce matin durant quelques heures. Je l’ai supprimée et remplacée par version complétée ci-dessous! CK

          *****
          Merci de votre commentaire qui témoigne d’une obsession que le sujet d’Israël provoque chez des lecteurs de ce blog. La preuve ? Aucun commentaire n’a porté sur mon compte rendu, ni sur le livre de Liliane Messika, que personne parmi les commentateurs n’a lu. Car si ma réponse à la personne qui n’a pas lu le livre, et qui manifeste quelques lacunes dans les connaissances historiques, « laisse à désirer », toutes mes réponses ne seront qu’une vaine perte de temps, car nous ne sommes pas dans la rationalité ou dans une disputatio, mais dans une passion. La lecture du livre dont j’ai fait une recension vous aurait permis de ne pas exposer le tiers de vos remarques, notamment sur le « génocide », « apartheid » et autres formules plaquées sur Israël par les apprentis sorciers des maîtres soviétiques. Je vous propose de lire l’analyse de cette mythologie ici :
          https://perditions-ideologiques.com/2021/11/23/le-role-de-lurss-dans-la-construction-du-mythe-de-lapartheid-en-israel/
          Les commentaires en disent plus sur les auteurs qui « commentent » que sur le contenu des commentaires. Ne prenez pas cela comme une offense, plutôt comme une observation amusée.
          Je vous répondrai tout de même en détail par souci d’explication.

          1. Sur la théocratie (voir le texte de G.E. Sarfati que je viens de publier exprès pour les gens en quête de savoir ici : https://perditions-ideologiques.com/2023/05/08/israel-la-reforme-judiciaire-et-le-fantasme-de-la-theocratie/ )
          Je commencerai par citer cet article  justement à propos de Flavius:
          « Bien que le terme même de ‘’théocratie’’ ait été introduit par un écrivain juif pour qualifier la nature de l’administration judéenne au retour de l’exil de Babylone (il s’agit de Flavius Joseph, qui est le principal témoin du judaïsme antique), cet auteur use de ce terme pour désigner non pas le pouvoir politique des prêtres (puisque dans la tradition hébraïque et juive, ces derniers n’en exercent aucun), mais plutôt le fait que l’édifice collectif puise son unité – sa cohésion et sa cohérence- dans la référence à une loi révélée (on parle alors de l’hétéronomie de la loi) ».
          Après l’époque patriarcale, les enfants d’Israël deviennent un peuple-nation, en recevant leur constitution sur le Mont Sinaï, constitution d’emblée transmise à tous et d’emblée appelée à l’interprétation (ce qui évite la clôture du sens : le prophète et le prêtre (Moïse/Aaron) s’appuieront bientôt sur des Juges (voir le livre des Juges), puis des Rois  (Samuel I, II dans la tradition de Septante): ceux-ci ne gouverneront pas au nom de Dieu, mais seront les garants de la loi de Dieu.
          Ensuite c’est la fédération administrative des Tribus d’Israël qui fonde l’autorité : s’y ajoutent la concertation permanente, la délégation, le débat qui président aux grandes comme aux petites décisions.
          À l’époque des Rois, l’exercice du pouvoir repose sur la coopération de 3 instances : le roi (exécutif), le prêtre (judiciaire), le prophète (législatif, en prise sur les circonstances), qui agissent en vue du peuple, lequel en dernière analyse est le véritable juge.
          À l’époque plus tardive, Le Mishné Torah de Maïmonide –composé au 12e siècle- envisage la codification de tous les secteurs de l’existence et de la vie collective (ce qui inclut la question de l’État et du gouvernement), le Shulkhan Aroukh de Joseph Caro – composé au 16è s.- et la Mishna Brura de Méir Kogan haCohen– composé dans la seconde moitié du 19è s.- limitent tous deux la codification halakhique à la règlementation de la sphère privée, des lois du commerce, et des lois liturgiques. Cela indique bien qu’Israël a renoncé à penser le politique en fonction de ce que l’on appelle – d’un mot très impropre- « la religion ».
          J’ai déjà répondu précédemment sur l’histoire du sionisme, mais il faut rappeler encore une fois Mosès Hess (ainsi que Pinsker et Herzl), les fondateurs intellectuels du sionisme, que ce dernier relève de la philosophie politique et s’inscrit dans la philosophie des Lumières relevant de la question nationale en Europe. Est-ce que vous pouvez me trouver un seul passage dans leurs écrits qui préconise, prône ou diffuse la théocratie ? Si oui, j’attends vos références. D’ailleurs, Herzl écrit :
          « Aurons-nous donc à la fin une théocratie ? Non ! Si la foi nous maintient unis, la science nous rend libres. Par conséquent, nous ne laisserons point prendre racine aux velléités théocratiques de nos ecclésiastiques. Nous saurons les maintenir dans leurs temples, de même que nous maintiendrons dans leurs casernes nos soldats professionnels. L’armée et le clergé doivent être aussi hautement honorés que leurs belles fonctions l’exigent et le méritent. Dans l’État qui les distingue ils n’ont rien à dire, car autrement ils provoqueraient des difficultés extérieures et intérieures. Chacun est aussi complètement libre dans sa foi ou dans son incrédulité que dans sa nationalité. Et s’il arrive que des fidèles d’une autre confession, des membres d’une autre nationalité habitent chez nous, nous leur accorderons une protection honorable et l’égalité des droits. »( In Le Sionisme dans les textes, D. Bourel éd., Paris, Ed CNRS, 2008, pp. 176-177.)
          Et c’est ce qui est advenu en Israël, qui est un pays séculier. Il me semble, après avoir longtemps vécu en France et après avoir participé aux débats sur la laïcité, que selon la conception laïque à la française, la laïcité signifie ici toute rupture avec la tradition, notamment catholique, c’est même contre la tradition que la laïcité à la française s’est construite. Or, en Israël, je l’ai déjà écrit, le lien avec la tradition n’est pas interrompu. Le sécularisme n’est pas la même chose que la laïcité. Vu d’ici, vu par le post-modernisme post-national, c’est un conservatisme nationaliste insupportable (ou comme vous semblez dire « théocratie »), mais là-bas, le sécularisme est inséparable de la tradition juive, sans laquelle l’État d’Israël n’a pas sa raison d’être. Que cela vous plaise ou pas, le lien avec la tradition culturelle n’est pas la théocratie.

          2. Génocide, apartheid et autres incantations doxiques. Gaza et l’Autonomie Palestinienne
          • apartheid

          Si je comprends bien votre contre-argumentation, si les Israéliens ne pratiquent pas l’apartheid contre leurs citoyens non juifs, alors c’est contre leurs voisins palestiniens. Mais les Palestiniens en Cisjordanie comme à Gaza ont leur propre gouvernement et ils ne dépendent pas d’Israël, sauf quand, pour des raisons obscures, ils viennent étudier dans les universités israéliennes, alors qu’il existe 49 établissements d’enseignement supérieur sur les territoires de l’Autonomie et à Gaza.
          https://www.haaretz.com/israel-news/2017-03-03/ty-article/.premium/hebrew-university-to-recognize-palestinian-authority-test-scores/0000017f-e2d5-df7c-a5ff-e2ff5fc10000
          En revanche, il n’y a aucun juif dans les établissements palestiniens, vous savez pourquoi ? Parce que les Israéliens y sont interdits d’entrée. Mais ce n’est pas tout, les étudiants palestiniens qui viennent de l’Autonomie en Israël appellent à boycotter les universités où ils sont inscrits. Voyez ce qu’ils en disent, c’est assez cocasse :
          https://electronicintifada.net/content/palestinian-students-israeli-universities-support-academic-boycott/1001
          Par ailleurs, cela ne vous choque point que Mahmoud Abbas dit ouvertement que dans le futur État palestinien, il n’y aura aucun israélien. Que la Palestine sera « judenfrei ». Les Européens, qui adorent les Juifs morts, et de préférence dans les camps de concentration, mieux quand c’est Auschwitz ne sont pas ébranlés par ses dires ? Je cite :
          Au Caire, en juillet 2013: “In a final resolution, we would not see the presence of a single Israeli civilian or soldier on our lands.” (http://www.foxnews.com/opinion/2016/09/14/all-jews-out-palestine-is-not-peace-plan.html) (Dans la résolution finale, nous ne verrions aucune présence israélienne dans nos terres).
          génocide
          Vous avez dit « génocide ? Et que j’ai mal argumenté. Eh bien, je me reprends. Gaza a été définitivement laissée par Israël en 2005. La population de Gaza est passée de 254000 habitants en 1950 à 2,9 millions en 2021.
          Population palestinienne en Cisjordanie : 1947-700000 ; 2021- 1,966 M.
          De source palestinienne, entre 1967 et 2021, le nombre des habitants de la Cisjordanie a été multiplié par plus de quatre.
          Pour comparaison, il y avait 18 millions de Juifs sur la planète terre en 1938, 78 ans après la guerre ils sont toujours moins que quinze millions…
          Mais parlons du gouvernement du Hamas. En 2005, Le Hamas dont la charte stipule notamment: « Israël existe et continuera à exister jusqu’à ce que l’islam le fasse disparaître » est élu à majorité. Mais tssss, ne parlons pas de l’islam. Il n’y est pour rien.

          3. Ce qui nous amène à l’occultation de la vindicte antijuive de l’islam
          Vous dites : « une opposition entre un judaïsme qui serait fait de liberté et de démocratie, et un islam qui véhiculerait depuis toujours la haine et la vindicte. L’existence de tels discours ne peut guère que renforcer la conviction selon laquelle le sionisme se fonderait sur un racisme anti-arabe ou anti-musulman ». Remarque linguistique : L’emploi du terme « racisme » lorsqu’il s’agit d’une critique de religion est un véritable abus du langage. Mais cet abus du langage s’explique par l’influence de la « racialisation » de tous les problèmes sociaux, imposée par le décolonialisme. Par ailleurs, comme le remarque Pierre-André Taguieff, l’extension de ce terme désigne un phénomène polymorphe imaginé sur le modèle répulsif du nazisme.
          Votre phrase témoigne de l’imprégnation par la doxa médiatique qui ne cesse de comparer le sionisme avec le racisme et le nazisme, en faisant fi de son histoire, de son inscription politico-philosophique et de rejet de ce mouvement par tous ceux qu’Israël dérange et qui s’efforcent d’inverser les rôles, en parlant du racisme.
          Et si vous vous intéressiez un peu plus à l’affaire, vous pourriez même jeter un coup d’œil sur les manuels palestiniens pour voir que l’islam y est bien présent avec ses appels au jihad. Je vous propose un exemple illustratif :
          En Israël
          L’une des meurtrières les plus connues dans l’histoire de la terreur palestinienne est Dalal Al Mugrabi. En 1978, Mughrabi et plusieurs autres assassins du Fatah ont détourné un bus et tué 38 civils, dont 13 enfants, et ont blessé plus de 70 autres personnes. Dans les manuels palestiniens, « cette affaire héroïque » est présentée comme ayant eu lieu « au cœur des territoires occupés », alors qu’il se s’est produit au nord de Tel Aviv. A la glorification de la haine meurtrière antijuive s’ajoute un mensonge politico-territorial.

          Les manuels palestiniens qui promeuvent la haine des Juifs avec une salutaire participation des femmes et au nom de l’islam, ne sont qu’une pièce dans le vaste programme d’endoctrinement des enfants et des adolescents. Les médias télévisuels donnent souvent la parole aux « intellectuelles » qui promeuvent le martyr au nom du jihad :
          Voir ici, par exemple, l’émission avec la poétesse palestinienne Rihab Kanaan, qui incite les jeunes femmes à suivre l’exemple de Mugrabi.
          https://www.youtube.com/watch?v=fpS4Ohndp-M
          Dans cette émission, diffusée le 8 mars 2020 sur Al-Quds Al-Youm TV (Gaza – Jihad islamique) en l’honneur de la Journée internationale de la femme, la poétesse gazaouie Rihab Kanaan a fait l’éloge es femmes palestiniennes qui ont porté des « ceintures de mort » dans l’espoir de libérer la Palestine [de Juifs]. Elle a récité un poème qu’elle a écrit en l’honneur de Fadwa Hassan Ghanem, qui a commis un attentat suicide à la frontière entre Israël et le Liban en novembre 1990 : « Oh Fadwa, tu t’es décorée du sacrifice… Bénis soient tes vêtements de mariage, qui ont été dispersés avec les lambeaux de ton corps ». Telle est la doctrine officielle, enseignée à l’école palestinienne et subventionnée par l’Union Européenne. Cela c’est là-bas.

          En Europe
          Ici, en Europe, sans pouvoir réduire le sionisme à l’extrême droite, car elle est antisémite, vous essayez de dire que toute critique de l’islam relève du racisme, tel qu’il se manifeste ici et en Israël : c’est exactement le discours d’Hourija Bouteldja et ses sbires et c’est le but recherché de l’Organisation de Coopération Islamique qui a édité en 1991 La Déclaration des droits de l’homme en islam.
          « Il est interdit de s’attaquer aux croyances sacrées admises par la société islamique telles que l’existence d’Allah, la véracité de la prophétie de Muhammad et il convient d’éviter tout ce qui est de nature à porter atteinte à l’islam et à ses fidèles »
          Je vous cite une universitaire indigéniste (Le Monde, 27 janvier 2017 « L’historien Georges Bensoussan face aux associations antiracistes »), à Paris 8, qui a expliqué urbi et orbi au procès de Bensoussan que dire « espèce de juif » n’est pas une insulte raciste, c’est une insulte tout court, désementisé. Quand une mère veut dire à son enfant qu’il fait mal, elle le traite de « yahoud ». Même si la convivialité peut exister au niveau personnel, même si des amitiés existent, il faut ne rien connaître à l’éducation islamique pour dire qu’il faut occulter la violence de la vindicte. Il faut tenir compte de l’inclusivité de l’islam. C’est là, la vraie violence, pas dans les appels aux meurtres du peuple impie, qui sont pris à la lettre de temps à autre, vous n’êtes pas sans le savoir. La Bible juive n’exclut pas la violence, mais elle ne mandate pas son peuple d’imposer son Dieu aux autres, à aucun moment. Israël n’a pas besoin d’effacer les Palestiniens pour s’affirmer, ni de chasser qui que ce soit au nom de la religion, ni de tuer au nom de la religion, comme c’est le cas ces dernières années en France et dans le monde entier (tous les Juifs tués en France l’ont été au nom de l’islam). Il faut bien comprendre que ceux qui parlent au nom de l’islam risquent leur pouvoir s’ils cessent de se référer au Texte fondateur, à Allah, au martyr etc. Le conflit judéo-arabe est un conflit symbolique, il dure depuis des millénaires. Tant que l’Islam n’a pas eu sa révolution « Vatican II », il durera, car la violence persistera. Et pas seulement contre les Juifs. Passez du temps dans les quartiers, parlez avec les gens, demandez-leur ce qu’ils « savent » d’Israël et des Juifs. Ils sauront ce qui est écrit dans le Coran et… ce que l’Europe, guidée par sa culpabilité narcissique, leur a appris : le « racisme antimusulman ».
          En guise d’exemple parlant, regardez cette vidéo, c’est une télé web Rebeu Deter 2.0. A partir de 1h54, un jeune homme Jassim, explique comment il exploite cette peur de parler de l’islam. C’est très instructif

          la vidéo complète ci-dessous à partir de 1h54 

          https://www.youtube.com/watch?v=vgur_oOcJ6Y

          Par ailleurs, je me permets (car je travaille sur ce sujet) de vous conseiller la série Arrivals, et la série The Signs très regardées par les jeunes musulmans, qui explique est le vrai coupable des malheurs de ce monde. Vous la trouverez sur Youtube, World Awake project. Notamment https://www.youtube.com/watch?v=fS-oV4CI2Lk&t=2s
          Je me demande si les Européens, en l’occurrence, les Français, pourront un jour trouver une solution à leur « problème juif », et à leur « problème musulman », car j’ai souvent l’impression, et dernièrement, en lisant ces commentaires, qu’ils méconnaissent l’une et l’autre de ces cultures, modes de vie, traditions, et ignorent surtout les textes fondateurs ainsi que leur rôle dans la transmission symbolique et réelle.

          Je termine par une question à tous les commentateurs, car vos réactions sont significatives.

          Pourquoi les Européens (des Européens, mais qui sont majoritaires) tiennent à ce mensonge sur le peuple palestinien  envahi (au choix : colonisé, occupé, génocidé, apartheidé, meurtri, opprimé) par les Juifs? Quand l’empereur Hadrien décide de rebaptiser la Judée Palestine, il choisit le nom d’un peuple qui n’existe plus à l’époque. Ce peuple se nomme par un mot hébreu plishtim (Philistins) dont le sens est envahisseur. Cela vient de la racine [plš]. Les Hébreux ont souvent été envahis par ce peuple. Le mot juif vient du mot hébraïque Judée, ce que les Européens nomment Cisjordanie, ( aussi, pour effacer tout lien juif origine avec cette terre), le mot palestinien vient du mot hébraïque « envahisseur ». Et maintenant, on assiste à l’inversion sémantique, historique, philosophique, politique qui apprend au monde que les Palestiniens sont « envahis » pas les Juifs. Je rappelle (au cas où) à tous ceux qui lisent ces échanges que les Philistins n’étaient pas musulmans car ils disparaissent vers le Ve avant J.C. et que les envahisseurs musulmans arrivent en Judée vers la fin du VIIe siècle de notre ère. Le but de ces inversions est de remplacer l’état Juif par un état arabe. De facto la même manœuvre symbolique, pratiquée par l’Église qui prétendait incarner le Nouvel Israël. Quand je lis les accusations d’Israël d’apartheid et de génocide fondées sur des mensonges grossiers, il est impossible de ne pas supposer qu’il s’agit d’une accusation projective. Pourquoi vous y tenez tant malgré les démentis, les évidences, les faits ?

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          1. Benjamin Straehli

            Je suppose que je vous dois des remerciements pour avoir pris la peine de répondre à quelqu’un que vous considérez comme aveuglé par la passion, prisonnier de la doxa médiatique, etc. Mais je n’adopterai pas la même posture que vous, et ne prétendrai pas être « amusé » par votre réponse. Je suis franchement consterné, et voici pourquoi.

            Quand je relève trois de vos arguments en disant qu’ils « laissent à désirer », vous prétendez qu’on sort là de la disputatio, pour être dans la passion. Rappelons quelques évidences : en matière d’argumentation, ce qui est désirable, c’est que l’argument soit valide. Dire qu’il laisse à désirer, c’est tout simplement affirmer qu’il échoue à prouver ce qu’il prétend. Tout mon propos a ainsi porté sur la valeur de trois de vos arguments. Procéder à la critique d’arguments et expliquer pourquoi on ne les juge pas valides, c’est la pratique même de la disputatio. Soutenir que nous en sortons dès lors que je dis que certains des vôtres laissent à désirer, c’est d’une absurdité totale.

            Comment en arrivez-vous là ? Le principal problème est le suivant : vous m’attribuez une certaine thèse, simplement parce que j’affirme que certaines des objections que vous lui faites sont inadéquates. Entre dire qu’une certaine objection est mauvaise, et dire que la thèse contre laquelle elle est dirigée est vraie, il y a tout de même une différence qui devrait sauter aux yeux. Que je critique une réponse que vous faites à l’accusation d’apartheid portée contre Israël, et cela vous suffit pour me considérer comme l’auteur de cette accusation. Si j’évoque en passant la possibilité que certains poussent l’accusation plus loin en allant jusqu’à parler de génocide, aussitôt vous voyez en moi un partisan d’un tel propos. Il en va de même de votre réponse au dernier paragraphe de mon commentaire : j’exprime la crainte que ceux qui assimilent le sionisme à un « racisme anti-musulman » puissent tirer avantage de votre discours, et vous me rangez parmi eux. Mais le comble est atteint quand vous affirmez que je ne suis pas choqué par les propos de Mahmoud Abbas : comment prétendez-vous savoir ce qui me choque ou non ? Et tout cela parce que j’ai indiqué une condition que devait remplir une réponse à l’accusation d’apartheid, pour être valide…

            Passons aux point suivants. J’ai mis en doute la pertinence d’une explication de l’antisionisme, ou même de l’antisémitisme, par les origines de l’islam. Sur ce point, votre réponse consiste à souligner le fait que la référence religieuse est bien présente aujourd’hui dans l’antisémitisme qu’affichent des personnes ou des organisations de confession musulmane. Ce qui fait la faiblesse de cette réponse, c’est qu’un fait n’est pas la preuve de l’explication qu’on en propose. Une tradition religieuse, et ses textes les plus anciens, peuvent contenir de multiples éléments contradictoires, et le fait qu’à une époque donnée, l’un d’eux soit particulièrement prégnant, ne peut guère s’expliquer par sa seule présence au sein de la tradition, et ce même si cette présence paraît remonter aux prétendues origines. Je trouve d’ailleurs comique, quand je déclare douteuses les traditions de l’islam sur ses propres origines, que vous m’attribuiez l’idée selon laquelle toute critique de l’islam serait un racisme.

            Ce problème de la multiplicité interne des traditions m’amène au dernier point. Que vous preniez le mot « théocratie » en un autre sens que Flavius Josèphe quand vous dites que la théocratie est contraire aux principes du judaïsme, soit. Je doute néanmoins que la distinction entre gouverner au nom de Dieu, et être garant de la loi de Dieu, suffise à conjurer le danger : de « garant de la loi de Dieu » à « tyran au nom de la loi de Dieu », l’écart ne me paraît pas infranchissable.
            Et le texte de G.E. Sarfati (je vous remercie pour le lien) n’est pas vraiment propre à me rassurer sur ce point. En somme, en quoi sa démarche consiste-t-elle ? Dès le début il sélectionne dans la Torah ce qui lui paraît concorder avec l’idée que le judaïsme aurait pour principes l’universalisme, la tolérance, les droits de l’homme. Puis il procède de même avec toute la tradition ultérieure, et en conclut qu’il n’y a aucun risque de s’écarter de ces belles valeurs si Israël se dirige vers un renforcement de la référence au judaïsme. Que penser de cette démonstration ? La Torah, comme il le relève, attribue bien un même ancêtre à toute l’humanité, et considère que les autres peuples n’ont pas à être soumis à la loi de Moïse. Mais elle contient bien d’autres choses encore : l’appel à détruire les Cananéens pour avoir sacrifié aux idoles, le commandement de mettre à mort les Israélites qui suivraient leur exemple, l’idée que l’on puisse être maudit ou béni en raison de la conduite de ses ancêtres, etc. Pour voir dans ce texte une garantie de tolérance et d’universalisme, il faut tout de même beaucoup de bonne volonté.
            Ce pourrait être très beau si G.E. Sarfati parlait en prédicateur, qui s’adresserait à d’autres adeptes au sujet des aspects les plus aimables de leur tradition, en disant : « Voilà ce qu’il y a de grand, de noble, de bon dans notre tradition ; voilà à quoi nous devons être fidèles. » Mais son propos se situe sur un tout autre plan. Il soutient que renforcer, en politique, la référence à cette tradition, ne pose aucun problème, en raison de ces aspects aimables. Mais pourquoi n’y aurait-il pas un risque, ce faisant, de donner aussi du poids aux aspects inquiétants ? Imaginons un théologien catholique qui dirait : « Il n’y a aucun risque, si on fait du catholicisme une référence centrale dans la vie politique, que cela mène à une tyrannie du clergé, puisque Jésus a dit : rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » Ou bien un théologien musulman, qui dirait : « Il n’y a aucun risque, là où l’islam est au centre de la politique, que cela mène à l’intolérance, puisque dans le Coran on trouve le verset : pas de contrainte en religion. » De tels théologiens raisonneraient, au fond, comme le fait G.E. Sarfati à propos du judaïsme.

            Terminons par le reproche que vous adressez aux commentateurs, de n’avoir pas lu le livre de Liliane Messika. J’imagine qu’en écrivant et en publiant ce compte-rendu, votre but était justement de vous adresser à des personnes n’ayant pas lu le livre, pour les inviter à le faire. Devant l’impossibilité de lire tous les livres traitant de sujets importants, le lecteur d’un compte-rendu cherche précisément à savoir, ou du moins à conjecturer, si le livre dont il est question vaut la peine d’être lu. Et c’est bien ce ce dont le lecteur doute quand des arguments contenus dans le compte-rendu même semblent défaillants. C’est pourquoi il n’est guère pertinent de dire, au fond, à vos interlocuteurs : si mes arguments vous paraissent mauvais, lisez le livre.

            Je vous souhaite bon courage pour votre travail sur les séries que vous m’avez indiquées, et vous remercie d’avoir voulu faire mon instruction, malgré l’idée assez étrange que vous vous êtes faite de moi.

  2. Marc FARINA

    Ce bouquin est sûrement très sérieux, mais comme toujours, les arguments exposés peuvent être déconstruits. Par exemple : « Avant 1967, ceux qu’on appelle aujourd’hui « les Palestiniens » ne constituaient pas une entité géopolitique et n’aspiraient pas à un État. Lorsqu’ils s’en sont vus proposer un, par le partage de la Palestine mandataire, la Ligue arabe l’a refusé en leur nom. » Bien sûr, les Etats arabes existants ne voulaient surtout pas de la création d’un nouvel Etat qui viendraient marcher sur leur plate-bande . . .
    Ou bien encore : « Il s’agit du retour d’un peuple à sa patrie originelle, un retour attendu depuis deux millénaires ». En quoi, les palestiniens qui depuis 2 000 ans vivaient sur ces terres en toute légitimité ( ce sont les romains qui sont la cause de la diaspora) devaient-ils être les victimes expiatoires de ce « retour » ? Cela pouvant expliquer par ailleurs leur refus de 2 Etats. . . Pourquoi ne pas avoir proposé la création d’un Etat d’Israël en France, en Espagne, en Hongrie, d’où de très importantes communautés juives avaient été chassées, et cela ne remontait pas à 2000 ans ! (non, apparemment, les belles âmes ne se sont pas précipité pour soutenir de telles projets . . .). Il s’agit donc d’un débat sans fin, parce que ce sont les conditions de la création de l’Etat d’Israël qui constituent la tache originelle . . .

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    1. Yana Grinshpun via Mezetulle

      Mezetulle a reçu la réponse de Yana Grinshpun :
      ***

      C’est dommage de parler d’un ouvrage sans l’avoir lu et de faire un procès à tout un peuple sans connaître son histoire. Tout ce que vous dites dans votre commentaire relève soit de la mauvaise foi, soit de l’ignorance de l’histoire juive et arabe, ce qui est justement synthétisé dans ce livre. C’est pour cela que j’en ai fait un compte rendu. On peut déconstruire tous les arguments avancés par l’auteur du livre, sans l’avoir lu, déconstruire les arguments de ceux qui ont aspiré au retour à leur terre pendant des milliers d’années, déconstruire le sionisme comme mouvement d’autodétermination du peuple juif historiquement, symboliquement aspirant au retour, qui a eu lieu il y a 75 ans, mais on ne peut nier la présence continue et ininterrompue sur cette terre de Juifs, certes, minoritaires après les vagues d’exils et de colonisations
      par les Romains,
      par les Byzantins,
      par les Arabes,
      par les Turcs Ottomans,
      par les Anglais.

      Voltaire, pourtant pas vraiment un grand amateur de Juifs écrivait « Je vous aime tant , que je voudrais que vous fussiez tous dans Hershalaïm au lieu des Turcs qui dévastent tout votre pays, et qui ont bâti cependant une assez belle mosquée sur les fondements de votre temple, et sur la plateforme construite par votre Hérode » (Dictionnaire philosophique, article Juifs). Cela peut répondre en partie à votre étonnement qu’Israël n’ait pas été créé en Russie ou en France ou au Japon.
      Cette terre est « possédée » par les Juifs dans le sens symbolique, depuis des millénaires.
      Par ailleurs, « Terre d’Israël », (Erez Israel) est une dénomination d’Israël dans l’Ancien Testament, dans les Évangiles et dans le Coran. Quand on dit que les Palestiniens vivent en Israël depuis mille ans, on dit exactement ce que décrit Messika dans son livre : l’ignorance de l’histoire. Mais cela n’est pas un problème quand on est de bonne foi et quand on désire s’instruire avant de déconstruire.
      Primo, les Arabes qui se trouvaient dans la Palestine mandataire en 1948 sont issus de trois groupes principaux:
      envahisseurs musulmans depuis le VIIe siècle, immigrants arabes attirés par les emplois créées par les Juifs au XIXe et XXe siècles et les convertis locaux à l’islam. Le premier État avait vu le jour sous le nom de Transjordanie. 77% de territoire originel avaient été soustraits au futur État juif par la Grande Bretagne, pour être offerts à l’émir Abdallah, en remerciement de son aide contre l’Empire Ottoman pendant la première guerre mondiale. Quant au terme Palestine, il a aussi son histoire. Pour ne pas alourdir ce commentaire, je vous propose la lecture de cet article dont vous pourrez vérifier toutes les sources https://perditions-ideologiques.com/2020/06/19/linvention-politique-de-la-palestine-une-mystification-territoriale-denominative-et-cartographique/

      Secundo, quant au refus arabe, il n’est pas lié, comme vous le dites, seulement au refus de voir ENCORE un État, alors qu’il n’y a aucun État sur ces terres (et de facto le premier État palestinien c’est la Transjordanie), c’est lié au refus de reconnaître le lien symbolique des Juifs à cette terre, mais pas pour les mêmes raisons que vous exposez dans votre texte. Ce refus est lié à la source, le conflit entre la Bible et le Coran, un conflit identitaire. Le Coran est traversé par la vindicte antijuive, le Juif est dépeint comme mauvais, retors, arrogant et pervers et même traître à sa propre religion. Tous les grands Hébreux de la Bible sont musulmans dans le Coran : Abraham, Moïse. Mohammed se disait persécuté par les Juifs et il leur voue une vindicte qui se transmet de nos jours. Il était donc impensable pour les Arabes musulmans de considérer ce « Juif collectif » comme ayant les mêmes droits qu’eux, pensez aux 13 siècles de la vie de la dhimma dans les terres arabes. Aux Occidentaux ils ont servi l’argument colonial, qui convenait là où c’est facile, notamment en France. Les antisionistes espèrent résoudre le conflit symbolique par une loi gestionnaire avec une impasse faite de la violence contenu dans le conflit des origines.

      Je pense qu’une discussion sérieuse implique la connaissance de l’histoire. Parler du livre qui fait une synthèse de tout cela sans l’avoir lu en dit long sur l’état d’idées reçues et le refus de les remettre en cause, ou d’accepter d’entendre autre chose que celle qui est ressassée par tous les médias depuis 1967.
      Cordialement

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  3. Goémé

    Je suis étonnée par le manque de réponses athées à l’article de Y. Grinshpun
    La question que cet article pose n’est pas pour moi de savoir si Israël doit ou non exister : il est clair que -devant le fait accompli de son existence et le fait que des gens y vivent maintenant depuis 2 ou 3 générations-personne de sensé n’a envie de détruire ce pays – sauf à être un assassin.

    Ce pays existe depuis sa reconnaissance. Par Staline d’abord pour deux raisons :
    1) débarrasser la Russie de ses Juifs
    2) et « emmerder » les Anglais
    Quant aux Américains qui ont ensuite 24h ou 48h après, reconnu ce pays, ils voulaient également se débarrasser des Juifs qu’ils n’aimaient pas plus à l’époque que les personnes de couleur et les étrangers qui affluaient chez eux pour se réfugier quelque part (d’origines africaine, asiatique, etc.)La lecture de P. Roth est passionnante à ce sujet
    Donc perso : je ne souhaite pas la destruction de l’État d’Israël pas plus que celle de l’Inde ou du Pakistan, pays créés dans ces époques aussi épouvantables et barbares que d’habitude dans l’histoire de l’humanité qui a toujours trouvé d’excellentes et multiples raisons (aux noms de ses divinités, par exemple) pour s’entre-tuer !
    Par contre : je suis étonnée, en tant qu’athée et que laïque, que Mezetulle puisse – éventuellement – entériner l’idée que Dieu aurait donné un pays à son peuple sans qu’une réponse soit apportée… Car tout ne se juge pas à l’aune de la haine. La question de la « destruction » de qui ou de quelque pays que ce soit est une question obscène et répugnante. Une question de meurtriers.

    Ceci dit, même sans être « anti » qui et quoi que ce soit, on peut aussi penser, comme je le pense, que la Bible – comme tous les récits religieux, y compris les Évangiles – sont de sublimes récits mythologiqueset non pas historiques.
    La réévaluation actuelle de mythes qui fondent des nationalismes divers et variés un peu partout dans le monde (en Inde par exemple qui chassent les musulmans sur des motifs religieux, et vice et versa ailleurs), ne dépendent que de mythologies excluantes qui sont celles de toutes les religions qui pensent toutes avoir la « vérité vraie »et qui veulent fonder des théocraties.
    On peut sans être « anti » quoi que ce soit penser que les récits mythologiques qui racontent partout dans le monde qu’un (ou des dieux) a donné, dans un pacte, sous formes de textes sacrés, certes magnifiques, mais « bricolés », un bout de terrain à une religion, un peuple, une race, une couleur, etc., idées qui se propagent – sous diverses formes – partout dans le monde pourraient sembler tout à fait sympathiques si elles ne prenaient pas les ampleurs destructrices et haineuses qu’elles prennent de plus en plus.
    Et en plus avec ce côté « Disneyland » de tous ces pays qui attirent le tourisme grâce à leurs sites religieux « relookés » et construisent des lieux mythologiques bien crédibles, soi- disant historiques, et néanmoins tout à fait « modernes »…

    Je suis athée, grande lectrice de la Bible et des mythologies (Homère, le Mahabharata, l’Avesta etc.), mais flûte alors !
    Je suis aussi laïque…
    J’aime la liberté, la raison, l’art, la littérature -dont la Bible par exemple (mais pas que) et les savoirs… et donc par dessus tout , l’altérité
    De ce point de vue, j’estime que des juifs, des chrétiens, des musulmans, des hindous, des bouddhistes (bravo, au passage, aussi à ceux-là : mêmes barbares que les autres ! cf. la Birmanie…) mais aussi les athées – dont je suis- ont le droit de penser que Dieu n’a jamais donné de patrie à qui que ce soit sans passer pour des « salauds »…. Et le droit également de penser, même, qu’il n’y a pas de dieu(x) du tout….
    Et croire que seule « la haine » conduit à critiquer une de ces idées théocratiques, (c’est à dire un nationalisme fondé sur une mythologie fût-elle juive ou musulmane ou bouddhiste et autre) est une injure à l’athéisme qui, sans haïr toutes ces croyances et même en s’y intéressant, peut tout à fait en déplorer les effets meurtriers….

    Pour le reste, chacun pense et croit en ce qu’il veut….

    En amitié
    Christine Goémé

    PS. J’ajoute que, pour répondre également aux « réponses », je me sens très bien informée. Au point d’avoir lu ce livre passionnant mais devenu (on ne sait pourquoi ? )introuvable, d’un grand historien israélien L’Invention du peuple juif (livre passionnant de Shlomo Sand) et sa suite Comment la terre d’Israel fut inventée. Questions intéressantes
    N’oublions pas que « peuple » est un mot polysémique….
    On peut également parler de « peuple chrétien » par exemple… Alors qu’entendre dans le livre de L. Messika puis dans cet article de Y. Grinshpun par le mot « peuple » ?

    Car si ce n’est pas sur la religion ou sur la culture que se fonde le judaïsme, serait-ce, alors, sur quoi ? Par quelle idée de l’identité ? La race ? Impossible tout de même d’attribuer des idées aussi nazies à des Juifs…..

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    1. Yana Grinshpun via Mezetulle

      Mezetulle a reçu la réponse de Yana Grinshpun :

      *****
      Merci de votre commentaire. Il appelle quelques rectifications historiques que je me dois d’apporter ici.

      Vous écrivez :  « il est clair que -devant le fait accompli de son existence et le fait que des gens y vivent maintenant depuis 2 ou 3 générations-personne de sensé n’a envie de détruire ce pays – sauf à être un assassin ».
      Vous semblez ignorer que des Juifs ont toujours vécu sur cette terre, qui leur a été transmise et que la transmission ne s’est jamais arrêtée, depuis que les Juifs se sont inventés comme peuple, ou depuis qu’ils ont inventé Dieu unique qui est l’Etre-Temps (j’ose le rappeler au cas où Shlomo Sand ne l’a pas précisé dans sa trilogie) -le tétragramme YHVE signifie être. Et depuis ils transmettent cette invention cosmologique, d’une génération à l’autre, ils l’ont transmise aux chrétiens et aux musulmans, aux athées et aux agnostiques, à toute l’Europe dont vous et Philippe Roth êtes héritiers. Ils ont aussi transmis l’idée de la terre, car dans toutes les familles juives – religieuses, traditionnelles, athées, assimilées, etc. – on dit depuis l’exil (depuis 2000 ans, voire plus) « Shana Habaa BeYerushalaim ! » (L’année prochaine à Jérusalem !). Je l’ai entendu de mon grand-père, athée, de mon père athée, et même de mon arrière-grand-père, athée lui aussi, qui plus est, occupait un poste important au sein des instances soviétiques. Tous ces athées qui transmettent à leurs enfants l’amour de Sion ! Il en résulte que la transmission n’est pas une religion, peut-être prise au sens métaphorique.

      Le sionisme, revenons-y pour la quatrième fois, le mot qui renvoie à Sion (un mont de Sion à Jérusalem) est un mouvement national né de la sécularisation du judaïsme et des problèmes que l’émancipation a posés aux Juifs à la fin du… XVIIIe siècle. C’est alors, par exemple, que l’hébreu devient une langue d’enseignement en Palestine juive. Au XIXe, en 1890 y est créé Vaad Halashon (Comité de la langue) etc. À partir de 1881 commence la première alya (immigration), la deuxième immigration massive se situe entre 1904 et 1914, la troisième commence en 1919 – celle-là inclut un grand nombre de socialistes séculiers qui veulent travailler la terre, leur terre.

      Dire que personne n’a envie de détruire Israël fera sourire à peu près tout le monde. Il faudrait tout de même être attentif à ce qui se dit dans le monde arabe, ou au Pakistan, par exemple, ce que préconise la Charte de l’Autonomie Palestinienne ou celle du Hamas, ce que souhaitent les dirigeants de l’Iran et de la Syrie. Certains parmi mes collègues à l’université disent qu’Israël est une aberration historique. Bien sûr, jamais ils n’iront pas faire le jihad en Palestine, mais ils ne seront pas mécontents que des Merah le fassent à leur place.

      Selon vous on ne peut pas mettre dehors « deux –trois générations qui vivent en Israël ». Deux ou trois générations, vraiment ? Regardons l’histoire. En règle générale, pour qu’un État puisse exister avec sa population, il faut déjà que cette population y vive préalablement.
      L’Union soviétique a essayé de donner un État aux Juifs au Birobidjan : peu de Juifs y sont allés, ce n’est pas un État et encore moins juif. Un État juif en Palestine n’est pas la conséquence d’une décision politique, mais la conséquence d’une forte présence juive déjà sur place avant même l’apparition de discours politiques contemporains. Rappelons-nous le traité de San Remo (1920), le sens de ce traité consistait à inciter la Grande Bretagne à ne pas poser d’obstacles pour qu’un État juif puisse émerger en Palestine, obstacles qui ont été de facto appliqués par la puissance mandataire (la Grande Bretagne), en créant la dynastie Hashémite sur la rive Est du Jourdain et surtout par l’instauration et l’application de trois volets du Livre Blanc (publiés en 1922, en 1930 et en 1939).

      Vous semblez dire que ce sont les raisons antisémites et racistes qui ont fait que l’URSS et puis les USA ont voté la création d’Israël en espérant se débarrasser de ces Juifs. Merci donc aux antisémites d’avoir donné un État aux Juifs ? S’il est indéniable que le vote de l’URSS fut décisif, il n’explique pas l’existence d’Israël. Quant à votre interprétation du vote américain à la lumière des théories antiracistes simplistes, je renvoie aux livres qui expliquent les intérêts américains au Proche-Orient, les rapports du gouvernement de Truman avec les électeurs juifs, etc. – par exemple Power, faith and fantasy, de B. M. Oren. Pas inintéressant. Voir aussi Abba Eban My country, the story of modern Israel.

      Il ne faut pas confondre « donner un État », et « donner la légalité internationale à un État », légalité qui a été donnée à San-Remo. Cet État n’a pas été « donné », il s’est construit malgré l’hostilité de la puissance mandataire avec l’application de son fameux « Livre Blanc », qui limitait toute immigration juive et autorisait l’immigration arabe vers la Palestine.
      Cependant, entendons-nous bien, la notion de légitimité, que vous mettez en cause, n’est pas juridique mais morale. La délégitimation ne consiste pas en une réprobation ou une critique, elle touche à l’essence même de cet État, à sa nature. Cette délégitimation peut prendre des allures faussement bienveillantes.

      Voyons à présent la « possession » symbolique de la terre d’Israël par les Juifs. Il se trouve que, depuis le début du mouvement sioniste, c.à.d à partir de la fin du XVIIIe siècle, des Juifs ont commencé à acheter les terres chez les propriétaires terriens (Ottomans). Les actes des achats en prévision de l’établissement du foyer juif sont aussi réels que les actes notariaux contemporains, et aucune main divine ne les a signés.

      Justement, parlant de la main divine, un mot sur la manière dont on lit les textes. Vous dites :
      « Et croire que seule « la haine » conduit à critiquer une de ces idées théocratiques, (c’est à dire un nationaliste fondé sur une mythologie fut-elle juive ou musulmane ou bouddhiste et autre) est une injure à l’athéisme qui, sans haïr toutes ces croyances et même en s’y intéressant, peut tout à fait en déplorer les effets meurtriers…. »
      Quel est le sujet sémantique de ce « croire » et quel est ce discours rapporté ? Je crains fort que vous m’attribuiez à moi ces croyances, pourtant on ne peut pas citer un seul passage de mes réponses précédentes où je dis que je crois que les critiques de la théocratie relèvent de la « haine ». Voir ma réponse à Benjamin Straehli. Comme à aucun moment dans les textes précédents je n’ai mentionné Dieu, et que vous m’avez attribué l’argument qui consiste à invoquer ce référent « barbare », je crains que vous n’ayez fait une lecture projective et passionnelle de mes réponses. Mais après tout, il y a belle lurette que tout le monde sait qu’Israël est un sujet de passions. Je parlais du symbolique et pas du divin.

      Le « peuple » : qu’est-ce le peuple juif ? Je renvoie à mes réponses précédentes, cette fois en en citant Shlomo Sand que j’ai eu la (mal ?) chance d’avoir comme professeur naguère à l’Université de Tel-Aviv. Il commençait ses cours avec une tirade qui m’a marquée. Il nous regardait tous et disait doctement quelque chose comme ça: « Vous êtes tous différents ici. Vous avez les cheveux blonds, les cheveux bruns, les yeux verts, les yeux bleus, vous n’êtes pas un peuple, vous voyez ». J’étais alors choquée, étant jeune et innocente, croyant au savoir des enseignants. Comment supposer qu’un peuple est un phénomène biologique (vous-mêmes dites que c’est du racisme)? Ensuite j’ai lu ses écrits, bourrés d’erreurs patentes et grossières, d’assertions non-vérifiées, d’extraction des contextes des événements historiques, des assertions linguistiques ridicules, etc.
      Pour Shlomo Sand, l’identité collective des Juifs désignée par le mot « peuple » est une invention des théoriciens sionistes au XIXe siècle, alors qu’en réalité, toujours selon lui, les Juifs ne seraient que les adeptes d’une religion – point qui est repris dans votre commentaire, et dans d’autres commentaires aussi. Toujours selon lui, la religion ne peut pas prétendre à former une nation, par conséquent l’identité du peuple qui habite dans l’actuel État d’Israël et qui prétend être uni par des liens historiques et culturels n’est pas juive. Pour cet historien, le peuple juif est un ensemble des gens unis par leur observance du judaïsme, il y a des Juifs (des individus), mais le peuple juif est une invention idéologique des sionistes. J’ai résumé les étapes de son raisonnement ici de manière la plus fidèle possible :
      https://perditions-ideologiques.com/2021/09/04/le-faussaire-shlomo-sand-entre-le-discours-identitaire-et-le-discours-linguistique/
      On trouvera une bibliographie sur cette question à la fin de mon texte.

      Le peuple est un groupe de personnes qui ont une identité collective impliquant un cadre psychique, culturel, politique qui correspondrait à un système de valeurs partagées, préétablies, intériorisées par les membres de la collectivité, qui affirment leur autonomie, leur singularité et leur différence. Et qui ont en commun une langue, une culture et une terre, une mémoire et une histoire. En hébreu, « peuple » a la même étymologie que la préposition « avec »-« am ». Dire comme Sand qu’être juif c’est être religieux, c’est se tromper au moins une fois sur deux (et je suis généreuse). Et c’est ce que vous semblez ne pas comprendre lorsque vous me demandez si je dirais « peuple chrétien ». Être juif ne signifie pas nécessairement croire en Dieu, aller à la synagogue, respecter le shabbat ou manger cacher. Je crois d’ailleurs, que ni Liliane Messika ni moi ne cochons ces cases. Ainsi que beaucoup d’Israéliens séculiers.

      Contrairement à Sand qui a cessé d’être juif (c’est le titre de son livre), et dont on se demande comment il a pu cesser d’être quelque chose qui n’existe pas, car inventé, la création de l’État d’Israël n’est pas le fait de l’antisémitisme, comme vous le croyez à tort, mais le rétablissement de l’État sur le lieu où la transmission ne s’est jamais arrêtée. Le philosophe et psychanalyste Daniel Sibony, dont je conseille la lecture, a toujours dit que Shlomo Sand a raison en utilisant le mot « invention », mais qu’il n’a jamais compris son sens. Le peuple juif s’est inventé, je l’ai dit au début du texte, et non pas par l’aréopage de quelques rabbins qui l’ont déclaré après une réunion secrète ou quelques sionistes nationalistes malveillants. Il s’est inventé dans la transmission qui ne cesse pas depuis trois mille ans et dont vous êtes tributaire, avec votre culture, vos connaissances des mythes et des récits. C’est donc la transmission qui est la plus grande invention des Juifs. Et elle s’est bien incarnée dans les décisions politiques et concrètes discutées dans les institutions politiques et juridiques. Israël est le résultat de la force du désir de cette transmission.

      Si l’on s’intéresse à l’archéologie biblique, on constate notamment que tout ne relève pas des mythes dans la Bible, que le temple juif existait réellement, on peut en visiter les vestiges à Jérusalem. Je donne quelques références de textes accessibles à tous, et je peux fournir de plus amples informations.
      https://www.geo.fr/histoire/bible-et-archeologie-ce-que-revelent-ou-non-les-vestiges-de-jerusalem-200015
      Que la révolte des Maccabées est bel et bien réelle (Le Livre des Maccabées)
      https://www.geo.fr/histoire/la-decouverte-dun-tresor-prouve-la-revolte-des-maccabees-contre-le-royaume-grec-seleucide-dans-le-desert-de-judee-212884
      Au fait, il en est de même avec d’autres mythologies, par exemple les lieux dont parlent les mythes grecs ont réellement existé :
      https://www.nationalgeographic.fr/histoire/mythologie-comment-les-archeologues-ont-decouvert-le-site-de-delphes
      Je propose ici quelques références de vulgarisation, mais on peut aisément trouver des ouvrages savants sur ces sujets. Je les cite pour dire que les œuvres littéraires et religieuses que vous citez contiennent certainement des éléments mythologiques, mais ne sont pas totalement déconnectées de la réalité spatiale et temporelle des époques décrites et que ces éléments sont inséparables de l’invention de l’identité nationale.

      Enfin, je crois que vous confondez trop de choses : l’athéisme personnel, la laïcité française comme régime social et étatique, le sécularisme israélien, le symbolique avec le religieux, la tradition avec les croyances, l’information avec le savoir, la légitimité avec la légalité, la critique avec la passion. Ne m’en tenez pas rigueur, je le dis avec bienveillance, en espérant avoir rectifié quelques confusions.

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      1. Goémé

        Je suis étonnée par votre lecture de mon texte, et je pense qu’il est utile de reprendre quelques éléments d’histoire, donc des faits.
        Mais avant de vous répondre, je voudrais préciser qu’à mon avis, un des gros problèmes de notre temps – et ceci partout dans le monde – est non seulement un aveuglement et une surdité devant l’histoire, mais aussi que toutes les positions intermédiaires et/ou paradoxales, n’ont plus de place nulle part. Or l’histoire n’est pas un western : une lutte des « bons » contre les « méchants ». Il y a partout dans le monde des gens, des associations, des pensées, des évènements qui -à des degrés divers (et divergents) – se tiennent entre ces deux positions. Et il y a même des individus qui se tiennent radicalement ailleurs. Le monde n’est pas en noir et blanc.

        Donc, je précise :
        Dire qu’il y a des gens installés « depuis 2 ou 3 générations » ne signifie évidemment pas qu’il n’y avait pas de Juifs en Palestine avant la création de l’État d’Israël.
        Évidemment tout le monde sait (même moi!) qu’il y avait des Juifs en Palestine bien avant Israël ! Et même des gens très peu informés savent que par exemple l’Université hébraïque de Jérusalem (où a enseigné, par exemple, le grand historien G. Sholem sur lequel j’ai travaillé) existe depuis les années 1920. On sait tout sur les désastres, guerres, conquêtes et massacres qui ont ravagé la Palestine où vivaient toutes sortes de gens très différents. Il y a même des thèses qui supposent que, parmi les modernes Palestiniens qui y vivent encore, il y a, très probablement, des descendants des juifs, coptes, zoroastriens, etc., qui ont été obligés de se convertir à l’islam pour pouvoir survivre à tous ces malheurs.
        Il y a aussi des travaux, imparables, et uniquement factuels (dates, lieux…) : ceux du professeur Henry Laurens dont j’ai suivi les cours au Collège de France et qui a écrit une somme très précise sur l’histoire de la Palestine.
        Personne jusqu’à présent n’a contesté ses travaux et ce savant est très estimé partout dans le monde y compris en Israël . Cette histoire, très complète, intitulée La Question de Palestine est publiée en 5 tomes chez Fayard. Tome 1 L’invention de la Terre sainte : 1799-1922 ; le dernier, le Tome 5, s’intitule La Paix Impossible (1982-2001). Titre hélas vérifiable chaque jour…

        Les Juifs, contrairement à ce que vous postulez, ne forment pas un « collectif » : il y a des singularités libres, pensantes, généreuses, ouvertes aux autres et irréductibles – et des imbéciles, des bornés et des méchants, comme partout. Les Juifs, comme tout le monde, ont de profonds désaccords sur des questions très importantes, et même vitales, comme on peut le constater en suivant les actualités. Il y a en plus, dans le judaïsme lui-même, une belle tradition de débats divergents et de désaccords sur les interprétations. Le judaïsme, étant une religion de sectes, a cette grandeur de ne jamais former un vrai « collectif ». Et d’ailleurs, par exemple, l’assassin juif d’Y. Rabin fait-il (ou non ?) partie de votre « collectif » ?
        On a vu ça à l’époque où est censé avoir vécu Jésus, le dieu des chrétiens : le Sanhedrin était pour la mort du blasphémateur juif qui se prétendait le Messie… mais tous ceux qui ont, dit la légende, suivi ce messie étaient tous aussi juifs (et le fondateur du christianisme était un juif citoyen romain : Paul de Tarse).
        De plus, la Bible ne cesse également de célébrer la diaspora (cf. l’histoire de Joseph par exemple, et bien d’autres).

        Personnellement, je pense que les Juifs, comme tous les autres, doivent être partout chez eux. Et qu’on doit se battre pour qu’ils restent « heureux comme un Juif en France ».

        Vous avez un grand père sioniste ? toute ma famille était dans la Résistance. Et ce que j’en retiens c’est qu’il y avait, dans les maquis, des communistes, des gens de droite, des gens de gauche, des hommes et des femmes, des chrétiens, des athées, des juifs (ainsi par exemple, Cavaillès, mais aussi Politzer, Desnos, etc.), des singularités sans autre accord que celui de se battre pour la liberté de tous – et pas pour un « collectif » mot sociologique qui, pour moi, ne veut rien dire de concret. Car qui le compose ce collectif ? Je connais plein de juifs français qui ne se sentent pas israéliens, et d’autres qui ont la double nationalité. Ce que j’aime, c’est l’esprit de cette Résistance où se retrouvaient des gens, qui ne pensaient pas la même chose, mais qui se battaient pour que tous puissent être « libres de penser et de vivre librement».

        Les Juifs ont inventé un dieu unique ? Oui, sous cette forme-là. Car en lisant la Bible, on voit que Yahvé passe son temps à combattre les autres dieux – Baal, par exemple- Mais c’est une autre question d’ordre théologique. Il existait, comme vous le savez, bien d’autres monismes. Et chaque religion invente ses dieux !

        La Bible, telle qu’on la connaît, a été rédigée par les Massorètes, un groupe de savants juifs qui a unifié des textes différents vers le VIe siècle après notre ère (donc pour les chrétiens après J.C. donc aussi après les Évangiles rédigés eux à la fin du 1er siècle, et au 2e). Avant il y avait plusieurs sortes de textes bibliques tout aussi beaux les uns que les autres : la Bible samaritaine ou encore l’ensemble qui compose « Les Manuscrits de la Mer morte », la Bible grecque, etc.
        De plus, la Bible a cette particularité magnifique de rassembler des textes issus de plusieurs traditions. Ainsi par exemple, on trouve, en effet, le sacrifice d’Abraham dans la « Genèse », mais aussi le sacrifice de la fille de Jephté dans le « livre des Juges » – qui est un copié-collé du sacrifice d’Iphigénie. On y entend des voix mésopotamiennes, égyptiennes, grecques etc. Bref : des voix de toute l’Antiquité rassemblées dans ce livre, dans cette « Bibliothèque ».

        Sur ces questions j’invite les lecteurs à consulter, sur le site du Collège de France, les cours de Thomas Römer, actuel administrateur et professeur au Collège de France, titulaire de la chaire « Milieux bibliques » – dont j’ai également suivi les cours et avec lequel j’ai fait des entretiens pour France Culture. Celui-ci, par exemple, qui précise bien les choses avec lesquelles je suis d’accord:
        https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-eloge-du-savoir/milieux-bibliques-4806708.
        Thomas Römer s’intéresse de façon très subtile à la manière dont le texte biblique a été rassemblé et rédigé ; de très nombreux Juifs suivent ses cours. Il travaille évidemment en Israël avec l’archéologue Israël Finkelstein, directeur de l’Institut d’archéologie de l’Université de Tel-Aviv. Et en fait de « collectif », les débats sur les données archéologiques sont plutôt… très houleux !

        Quant au nom du mont Sion, je me permets de préciser que ce sont les chrétiens qui l’ont localisé et nommé (de façon totalement fictive) au IVe siècle. Même dans Wikipédia on trouve cette info. Voici le passage : « on ne sait si ces traditions liées au mont Sion concernent bien cette colline à l’Ouest de Jérusalem ou si elles concernaient la localisation du mont Sion à l’époque de Jésus, c’est-à-dire la colline de l’Ophel, etc. »
        Idem pour le Sinaï : comme il restait introuvable, certains ont pensé qu’il était là où on le situe aujourd’hui. Mais ce sont des lectures rétrospectives de textes et de lieux mythologiques. Rien à voir avec une géographie historique.

        J’aurais encore mille choses à ajouter mais surtout, vous m’avez fort mal lue : j’ai dit que quiconque veut détruire Israël (mais aussi la Palestine, ou n’importe quel autre pays ou n’importe quel être humain) est un assassin. Cela ne signifie pas que personne ne veut détruire Israël. Bien au contraire, cela signifie que ceux qui veulent détruire Israël sont des assassins .

        Vous dites que le judaïsme est une question de « transmission » ? Mais cela tombe sous le sens de n’importe qui d’un peu intéressé par les cultures et les religions. Tous les gens un peu sensés savent que la transmission est partout (à l’Ecole par exemple) la grande question qui se pose à notre époque de destruction de tout. À tel point que, pour moi, être révolutionnaire aujourd’hui, c’est tenter de conserver ce qui peut l’être !

        Sinon, bien sûr que c’est absolument aussi par antisémitisme que Staline a reconnu Israël.
        D’ailleurs il faudrait parler de l’ accord Haavara (en hébreu הסכם העברה, Heskem Haavara, littéralement « accord de transfert »), signé le 25 août 1933 après trois mois de négociations entre la Fédération sioniste d’Allemagne, la Banque Leumi (sous les ordres de l’Agence juive, structure de liaison entre les sionistes établis en Palestine et les autorités britanniques, ayant conquis la Palestine dès fin 1917 et ayant ensuite reçu mandat en 1922 de la Société des Nations de l’administrer et de la gérer) et les autorités nazies, avec l’arrivée au pouvoir de Hitler et de ses partisans le 30 janvier 1933, (https://phdn.org/antisem/antision/haavara.html). Car de très nombreux antisémites (notamment en Allemagne et en URSS dans les années sombres) ont espéré – et espèrent encore aujourd’hui- qu’Israël devienne « un ghetto » où on pourrait rassembler les Juifs pour s’en débarrasser en effet.
        Vous semblez ignorer toutes ces histoires et la diversité des approches de cette question hautement paradoxale. On peut donc être contre la destruction d’Israel et antisioniste parce que pour moi, tous ces mythes sont des inventions textuelles (que jamais ni Abraham, ni David, ni Salomon, ni Moïse… n’ont existé) et que la Bible est un livre mythologique au même titre que L’Odyssée, par exemple.
        Je pense, pour ma part, que la vraie patrie des Juifs est… le livre.

        Mon texte n’était évidemment pas agressif : c’était juste un autre point de vue que le vôtre… mais bon….
        Christine Goémé

        Répondre
  4. Jean-Pierre Lledo

    Aujourd’hui , il semblerait que les sujets « Israël » et « Juifs » soient les seuls qu’à l’Université certains de ses représentants s’autorisent à traiter, bien qu’ignorants de leurs textes fondateurs et de leur histoire. Tout autre sujet ainsi maltraité susciterait colère voir excommunication de l’institution susnommée.
    Mais sans doute, et comme le fait l’auteur de la recension, il faudrait aussi ajouter comme sujet qui fait jaser en toute méconnaissance de cause, l’islam et le Coran. Et Benjamin Straehli en est une nouvelle preuve.

    « les sources sur des conflits entre Muhammad et les communautés juives sont bien postérieures au Coran lui-même ». Faux. Le conflit entre Mohamed, ses partisans et les tribus juives de Yatrib, y est bien évoqué, certes de façon plutôt laconique. Et l’on peut en avoir un récit très détaillé dans la Sira (Bio du prophète, partie prenante du corpus sacré, avec le coran et les hadiths) ; qui nous apprend que « 600 à 900 juifs en âge de se raser ont été égorgés », Mohamed mettant lui-même la main à la pâte.

    « un même texte sacré, et une même tradition religieuse, offre des traits contradictoires, et encore faut-il expliquer pourquoi tel aspect du texte est mis en pratique et pas un autre. » conclut l’universitaire. Cette fois avec raison. La preuve c’est que certains versets du Coran appellent les « Fils d’Israël » à « retourner en masse » sur leurs terres. Malheureusement ces versets longtemps « oubliés » par les exégètes sont revenus en mémoire des chefs palestiniens : « Dieu les a appelés à se rassembler en un même endroit… afin de mieux les anéantir » (visitez le site Palwatch).

    L’interprétation, c’est-à-dire l’intervention humaine, de fait, est au moins aussi importante que le texte lui-même. La question qu’il faut donc se poser, c’est pourquoi dans les pays musulmans (d’où je viens), l’interprétation a eu tendance jusqu’à présent à n’en retenir que les passages les plus négatifs (vis-à-vis des Juifs).
    Et pourquoi les Juifs, eux, depuis toujours ont pratiqué l’exégèse (Talmud) quitte à faire dire quasiment le contraire à la lettre (par exemple la loi du talion, obligeant le contrevenant à compenser financièrement le tort commis).
    J’ai déjà dit la raison dans un livre (Le Monde arabe face à ses démons : nationalisme, islam, Juifs (ed Colin) : c’est que chez les Juifs, contrairement à ce qui se passe chez les musulmans, il n’y a pas de contrainte en opinion.

    Cet état de fait explique aussi, sans aucun doute :
    – pourquoi bien que revenus en Terre d’Israël en majorité d’endroits du globe où régnait le totalitarisme, les sionistes ont pratiqué la démocratie « naturellement » (mieux que Mr Jourdain : en le sachant )…
    – et pourquoi, a contrario, aucun des pays des 57 pays musulmans ne peut être classé comme un pays « démocratique », même lorsque dans la dénomination l’épithète figure, comme pour l’Algérie (République algérienne démocratique et populaire)

    Cordialement, jean-pierre lledo, cinéaste

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    1. Yana Grinshpun via Mezetulle

      Mezetulle a reçu la réponse de Yana Grinshpun :

      ****
      Merci de ce commentaire qui atteste bien ce que je vois dans le monde académique. Quand je demande à certains de mes collègues s’ils connaissent les textes fondateurs du judaïsme, du christianisme ou de l’islam, leurs réponses sont étonnantes. « On n’est pas religieux », « non, ce n’est pas ma tasse de thé », « enfin, dans un pays laïque, on n’est pas obligé de lire ça », « oui, vaguement », etc. Cela explique, d’ailleurs, peu de travaux sur ces textes en analyse du discours. La plupart des collègues tirent leurs « connaissances » sur Israël des médias. Évidemment, cela complique tout, car ils n’ont pas de moyens de comprendre le rôle et l’importance de ces textes dans la transmission et l’éducation.

      J’ajouterai à votre commentaire ce que j’ai déjà dit, le Coran est lu par la majorité des musulmans comme un texte « d’actualité ». Les Juifs qui y sont maudits à la longueur des sourates, comme vous le rappelez, sont vus comme les Juifs de toujours : non seulement d’hier, mais d’aujourd’hui, de demain. Ils ne sont pas perçus comme des personnages historiques qui ont contrarié Mohammed au VII° siècle, mais comme ceux qui contrarient toujours l’intégralité de l’Oumma. Les voix dissonantes dans le monde musulman, qui pointent l’anachronisme d’une telle lecture, sont très minoritaires.

      Répondre
    2. Benjamin Straehli

      Quand vous dites que le conflit avec les tribus juives de Yathrib est bien évoqué dans le Coran, je suppose que vous faites principalement allusion au verset 26 de la sourate 33. De façon « laconique », dites-vous : bel euphémisme, si le Coran était notre unique source à ce sujet, on serait bien en peine de reconstituer l’épisode auquel il est fait allusion, on ne pourrait même pas assurer qu’il s’agit de tribus de Yathrib, seulement de « ceux des gens du Livre ralliés aux factions » (s’agit-il d’une tribu entière ? le texte même ne permettrait pas d’en décider). Pour en avoir un « récit détaillé », selon vos propres dires, il faut se reporter à « la » Sira ; il existe plusieurs biographies anciennes de Muhammad, en supposant que l’on prenne celle d’Ibn Hisham, l’auteur est mort deux bons siècles après Muhammad. N’est-ce pas ce qu’on peut appeler un texte bien postérieur au Coran ?
      Cette partie de mon commentaire visait à souligner que la tradition musulmane (c’est-à-dire les hadiths, sira…), qui présente Muhammad comme étant en conflit avec les Juifs, est historiquement douteuse, et qu’il est donc peu pertinent de l’entériner en expliquant les manifestations musulmanes d’hostilité envers les Juifs par une vindicte personnelle du fondateur. Si en disant cela, je donne selon vous la preuve que je me permets de parler des textes « en toute méconnaissance de cause », c’est donc que vous considérez cette même tradition comme historiquement certaine ? Je ne mène assurément pas de recherches universitaires sur ce sujet, mais il ne me semble pas que chez ceux qui le font, cette certitude soit tellement partagée : voir par exemple le résumé de débats sur l’épisode du massacre de Yathrib, dans le chapitre que Jan M.F. Van Reeth consacre à la sourate 33 dans le Coran des historiens (dir. Mohammad Ali Amir-Moezzi et Guillaume Dye, Paris, éd. du Cerf, 2019, p. 1125-1129)
      Mais si vous êtes si scandalisé que mes commentaires n’entraînent pas mon excommunication de l’université, laissez-moi vous rassurer sur ce point : elle n’a jamais voulu me confier de poste, même si vous me décernez aimablement le qualificatif d’universitaire.
      Bien cordialement,
      Benjamin Straehli

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