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Dire bonjour : un exemple de pédagogie ouverte sur le monde..

.. et de mise en œuvre des « compétences »

L’émission InterClass (France-Inter) est très « innovante ». On élabore et on suit des « projets pédagogiques » menés dans des classes avec des journalistes de France-Inter, et ça passe à la radio dans une brève chronique le dimanche matin. L’auditeur en sort édifié, plein d’admiration envers la pédagogie ouverte sur le monde. Outre que c’est un excellent exemple pour la mise en œuvre des « compétences » du « socle commun », c’est super-excitant. Je la recommande en particulier à tous les professeurs déprimés : elle les mettra en humeur combative.

Il m’arrive d’écouter France-Inter le dimanche matin : pour avoir des nouvelles, mais aussi rien que pour entendre Patricia Martin – animatrice du créneau horaire 7h-9h en fin de semaine – chambrer gentiment Alain Baraton le très savant jardinier, qui le lui rend bien ; c’est caustique, plein de gaieté et les propos d’Alain Baraton sont toujours instructifs. Mais le 14 février j’allume un peu trop tôt et je tombe sur la chronique pédago InterClass : ça va me mettre sur ressorts pour une bonne partie de la journée. En effet, je me suis demandé si ce n’était pas un canular inventé par un anti-pédago grincheux dans mon genre, tellement c’était affligeant, pauvre, consternant. Mais non c’était vrai : une superbe leçon sur l’absence de contenu des « compétences », où transparaît une morale du culot et de l’esbroufe.

Afin qu’on puisse en juger, je retranscris ci-dessous mot à mot le dialogue entre la coordinatrice Emmanuelle Daviet et l’un des professeurs participant au projet. Elles font part d’une expérience enrichissante : les élèves ont été invités à réaliser un micro-trottoir.

Emmanuelle Daviet  – Aujourd’hui nous écoutons Blandine M, professeur d’histoire-géographie au collège Louis Pasteur de Mantes la Jolie. […]. Cette classe travaille sur le thème des femmes. [….].

Blandine M, professeur – On est dans la phase où on est en train de prendre contact avec les personnes que les élèves souhaitent interviewer, ou ont commencé déjà des interviews. On a fait déjà un premier micro-trottoir au mois de janvier. Nous sommes allés au centre ville de Mantes la Jolie, chaque groupe a interviewé des passants. Et donc maintenant on rentre dans les interviews plus concrètes avec des personnalités qui concernent vraiment chaque angle.

Emmanuelle – Alors un micro-trottoir, c’est pas toujours très simple à faire puisqu’il s’agit d’aller trouver dans la rue des personnes susceptibles de nous répondre. Est-ce que tout le monde a accepté de jouer le jeu ?

Blandine – Alors, c’était assez amusant de voir les élèves aller vers des personnes qu’ils ne connaissaient pas, qu’ils devaient interpeller en plus et souvent déranger parce que c’était le jour du marché et donc il fallait aller déranger des personnes qui étaient en activité. Donc certaines ont refusé de répondre à leurs questions et les élèves étaient parfois assez vexés qu’on refuse de leur répondre. Et on avait quand même préparé en amont, bien 3 semaines un mois à l’avance, les élèves à dire bonjour tout simplement. Et ça, ça a été vraiment une grande expérience pour nous de leur apprendre à dire bonjour avec un petit peu de sourire dans la voix, de leur apprendre à déranger des personnes… et surtout à ne pas les agresser directement en leur posant des questions et en leur mettant le micro sous le nez tout de suite.

Emmanuelle – Qu’est-ce que cette expérience InterClass apporte aux élèves ?

Blandine – Alors on constate que des élèves très timides se forcent à prendre la parole. Enfin moi je le remarque surtout au niveau de l’oral, vraiment ça développe toutes les compétences orales, et puis aussi beaucoup de réflexion parce qu’ils constatent que quand on a un interlocuteur en face de nous il faut savoir rebondir sur sa réponse pour reformuler des questions. Donc voilà, pour moi c’est vraiment les deux grands apports pour l’instant du projet.

Emmanuelle – Et en tant qu’enseignante, qu’est-ce qu’InterClass vous apporte ?

Blandine – Ah ben, nous ça nous met en danger toutes les semaines. Plein de choses nouvelles, un formidable travail d’équipe. Et puis, ben, c’est passionnant de faire des choses différentes, de sortir, d’être avec des groupes plus petits. Du coup ça crée des relations avec les élèves qui sont totalement différentes, parce que quand on encadre un groupe de 5 élèves, on n’a pas les mêmes relations qu’en classe où ils sont 20-22. Voilà, c’est plein de surprises. On attend aussi beaucoup des journalistes qui nous rassurent sur la qualité des sons que prennent les élèves, et puis sur le montage, parce que nous c’est un aspect qu’on ne maîtrise pas du tout en tant qu’enseignants, c’est vrai qu’on a vraiment besoin de leur regard de spécialiste, mais on a une bonne collaboration avec eux et puis même eux, je les sens contents de venir nous voir, venir voir les élèves. voilà, donc c’est très enrichissant. C’est une rencontre de deux professions, je pense.

Emmanuelle – Et ça je pense aussi que chacun d’entre nous le confirme, c’est une belle rencontre entre nos deux métiers très différents.

Patricia Martin – Ah mais nous on est absolument ravis, mercredi dernier j’y suis allée avec xxx et xxx, on était très excités en voiture en y allant. Alors Blandine M, je pense qu’elle va bientôt pouvoir faire le 7-9 du weekend, elle est incollable en matière de journalisme. Mercredi dernier, on leur a appris…, elle leur a dit des choses très intéressantes sur comment placer leur voix, poser des questions aussi, quand on s’adresse à quelqu’un, des questions qui ne soient pas trop larges, à écouter attentivement quand on monte un micro-trottoir […]1.

Alors maintenant, quand on me demandera pourquoi je préfère les programmes disciplinaires aux « compétences » sur lesquelles j’ai quelques réserves, j’ai des exemples vraiment concrets, tirés de la réalité, de mise en œuvre de celles-ci au collège :

  1.  Dire bonjour. Les esprits chagrins qui n’ont rien compris prétendront qu’on devrait savoir ça avant le collège, que même si les parents n’y ont pas pensé, ça aurait pu venir à l’idée des instituteurs (et pourquoi pas à l’école maternelle pendant qu’on y est ?), etc., etc. Mais là il ne faut pas confondre, on est à un autre niveau : c’est « bonjour avec un petit peu de sourire dans la voix », à des inconnus (maman j’ai peur encore à 12 ans) et un micro dans la main en plus ! ça demande une préparation importante en amont, et quelle « grande expérience » pour le professeur.
  2. Déranger quelqu’un sans « l’agresser directement ». Car indirectement, c’est non seulement possible, mais recommandé : voir l’astuce à la compétence n°4.
  3. Vaincre sa timidité et placer sa voix en réalisant un micro-trottoir. C’est vrai que réciter des vers devant toute la classe, ou (pire) affronter un jury à l’oral dès la 3e, c’est la honte, du reste seuls les bouffons y excellent.
  4. « Rebondir ». On a raison d’être vexé quand un vieux schnock sur le marché de Mantes la Jolie refuse de répondre à une question (laquelle au fait ?) si on le dérange avec un micro. Mais si on s’y prend bien en rebondissant sur sa remarque, il va nous manger dans la main…

Vous ricanez ? Songez pourtant qu’avec de telles compétences, les plates-formes de démarchage téléphonique vont pouvoir recruter de super-employés : c’est exactement le profil.

Lorsque Blandine M. fait vraiment son métier de professeur d’histoire-géographie en expliquant et en transmettant des contenus consistants qui, ne valant pour aucun « profil » spécifique et n’étant soumis à aucune adaptation sociale « prérequise », arment tous les esprits, peut-elle espérer que les médias en fassent tout un plat ?

© Mezetulle, 2016.

Pour en savoir plus : un grand article sur la réforme des collèges par Jean-Noël Laurenti  où est notamment analysée la notion de « compétence ». Paru dans le journal en ligne Respublica du 13 février.

[Edit du 18 février ] Pour une analyse de ce billet, voir ci-dessous le commentaire de « Genin ».

  1. On peut écouter l’enregistrement ici sur le site de l’émission []

Image, alphabétisation, laïcité

Jean-Michel Muglioni entend montrer qu’il y a un refus de l’image qui est aussi idolâtre que l’idolâtrie – c’est-à-dire la sacralisation de l’image – et que seule la parole et donc la maîtrise d’une langue peut nous en délivrer : l’alphabétisation seule peut libérer les hommes. Mais à cet égard la leçon des assassinats de janvier à Paris ne semble toujours pas comprise.

 

On ne peut se coucher sur l’image d’un lit

J’ai appris lors de mes études platoniciennes que nous commençons par prendre l’apparence pour la réalité. Nous croyons avoir prise sur les choses mêmes, alors que nous n’en tenons que les images. Ces images sont des simulacres, c’est-à-dire non pas des images se donnant pour telles et par là nous apprenant quelque chose sur ce dont elles sont des images, mais des trompe-l’œil, qui nous font croire en la présence d’un objet pourtant inexistant. L’image, comprise comme telle, peut nous rappeler ce dont elle est l’image : il faut pour cela que nous ayons conscience de ce qui la distingue de son modèle et qu’elle-même n’en soit pas le double ni ne cherche à l’être. Le simulacre au contraire passe pour la réalité. Comme si par exemple nous croyions qu’il y a un lit dans la chambre que l’aubergiste nous propose alors qu’il s’agit seulement d’un lit peint sur un mur. Platon, qui imagine cette plaisanterie, nous demande si nous pourrions nous étendre sur un tel lit. Or nous ne cessons en matière de politique de nous laisser séduire par des images qui passent pour la réalité, des simulacres, des illusions, et nos faiseurs d’illusions ne savent peut-être pas eux-mêmes qu’ils sont coupés du réel : ils sont naïvement réalistes.

 

La difficulté de distinguer l’image et ce dont elle est l’image

En faisant un cours de philosophie à des jeunes gens de 17 ou 18 ans, j’ai appris à quel point Platon a visé juste, tant la confusion de l’image et de son objet est enracinée dans les esprits. Il m’est arrivé de ne pas pouvoir faire comprendre que l’image de ma pipe – c’était le temps où nous fumions tous – et ma pipe sont deux choses différentes. J’avais dessiné au tableau la pipe que je tenais à la main pour bien montrer cette différence ; j’avais même dit que je ne pouvais pas fumer mon croquis – je n’avais pas pensé alors au célèbre tableau de Magritte intitulé La Trahison des images connu surtout par sa légende « Ceci n’est pas une pipe ». Rien n’y fit, un jeune homme normalement intelligent ne comprenait pas. Très poliment il me dit que mon dessin était grossier et que sur une photographie, il n’y aurait pas de différence entre ma pipe et son image. Comment le délivrer de cette confusion ? Il faut dans de tels cas s’improviser pédagogue. Avez-vous, lui demandai-je, la photo de votre petite amie ? Oui, me répondit-il en me la montrant. Eh bien faites-vous avec sa photographie la même chose qu’avec elle ? Cette question produisit une illumination et comme cela se passait dans des temps anciens, je n’ai reçu pour mon indiscrétion aucune plainte, ni de l’administration, ni des parents d’élèves.

 

Nous sommes submergés d’images

La photographie, le cinéma, la télévision, et tous les écrans dont nous disposons ne peuvent que cultiver en nous la confusion de l’apparence et de la réalité. Ce qu’on appelle le virtuel, qui peut avoir une fonction technique et même scientifique remarquable, nourrit cette illusion dans les esprits incultes. Écoutez journalistes et politiques, et vous verrez que pour eux tout est une question d’image ; l’image, objet de multiples sondages, est la seule réalité dont ils parlent, sans jamais la distinguer de la réalité elle-même. Si je passe pour malhonnête parce que j’ai menti, on ne dira pas que je dois cesser de mentir mais que je dois « changer mon image ». Si la politique d’un gouvernement échoue, son image doit changer, non cette politique. Il est vrai que la politique est affaire de propagande et donc d’image, que la rhétorique joue sur les passions par les images et compte sur les passions pour donner l’apparence de réalité aux images. En ce sens il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Il me semble toutefois que beaucoup de ceux qui devraient apprendre à se défier des images et des simulacres sont eux-mêmes séduits par tant d’apparences.

 

Le refus des caricatures : une idolâtrie

Mais l’affaire des caricatures de Mahomet est révélatrice d’une confusion plus profonde peut-être, qui affecte les iconoclastes : ils sont plus idolâtres encore que les idolâtres. Les iconoclastes veulent en effet détruire les images parce que prendre une image pour un dieu ou quelque chose de sacré est impie. Et il est vrai qu’une image de Dieu n’est pas Dieu : la prendre pour sacrée rabaisse Dieu. Les religions juives, chrétiennes et musulmanes ont donc justement condamné l’idolâtrie. C’est pourquoi il est interdit aux juifs et aux musulmans de représenter Dieu, et aux seuls musulmans, selon une tradition importante, leur prophète. D’où la colère d’un grand nombre d’entre eux, à la parution des caricatures de Mahomet, moins parce qu’elles sont des caricatures que parce qu’elles sont des images. Or n’y a-t-il pas dans la violence avec laquelle ils ont réagi à ces croquis le comble de l’idolâtrie ? Car enfin ce ne sont pas des représentations du prophète qui prétendraient nous dire ce qu’il est en tant que prophète de l’islam : ce ne sont pas des images du prophète au sens où les idolâtres prétendent devant une statue avoir affaire à leur dieu. Tout se passe donc comme si, contrairement aux caricaturistes eux-mêmes et aux lecteurs habitués de leur journal, certains musulmans prenaient l’image du prophète qui figure sur le journal pour le prophète lui-même : ils sont plus idolâtres encore que les adorateurs du veau d’or. Cette manière de confondre l’image et le sacré qu’elle caricature revient encore à confondre l’image et ce dont elle est l’image. Platon savait quelle illusion il analysait et quelles en sont les conséquences tragiques.

 

La parole contre l’image

Or je ne vois pas d’autre manière de se délivrer de cette illusion que la parole, à condition qu’à son tour elle ne se réduise pas à la répétition d’un texte sacré dont on ne peut rien dire, à condition qu’on ne sacralise pas une formulation de telle manière qu’on ne puisse en proposer une autre, même allant dans son sens. C’est la raison pour laquelle la question de l’interprétation de l’écriture est essentielle et peut donner lieu à des luttes à mort.

Le discours n’est pas un livre d’images. Les signes linguistiques ne sont pas des images ni même des symboles (au sens où le lion peut être le symbole de la majesté)1. Et s’il arrive à Platon de comparer les noms à des images, c’est pour montrer qu’ils sont différents de ce dont ils sont les noms et qu’à cette condition seulement ils peuvent remplir leur fonction. Toute parole doit pouvoir disparaître et être remplacée par une autre qui dira la même chose, mais en d’autres termes, et il convient donc de ne pas sacraliser l’écriture. La vraie mémoire est mémoire du sens et non de la formulation particulière qui nous a permis d’y accéder. Les signes écrits ne sont que des notes permettant à celui qui a compris de se ressouvenir d’un sens qui est en lui. Ils ne sont pas plus le sens que l’image d’une pipe n’est une pipe.

 

Il faut une école pour délier la parole elle-même

Ainsi le discours qui est tenu sur les images qu’on nous présente sur des écrans est essentiel. Faire prévaloir le discours sur l’image qu’il commente, montrer toujours qu’il est possible de dire autrement ce qu’on a déjà formulé, délier la parole et par la parole : par là seulement nous pouvons nous délivrer de l’idolâtrie et nous rendre indifférents aux représentations qu’on nous donne du sacré, puisque nous savons alors qu’aucune n’est le divin lui-même. Mais pour cela il faut maîtriser au moins une langue, ce qui suppose une école : l’usage vernaculaire ne suffit pas, un usage réflexif et donc d’abord scolaire est nécessaire. L’apprentissage de l’écriture est essentiel à cette fin, d’autant qu’il donne accès aux textes qui jusque-là n’étaient que des mots répétés sans jamais être questionnés.

Des peuples entiers réagissent aux images par la violence parce qu’ils sont maintenus dans l’ignorance et l’illettrisme par leurs chefs religieux et politiques. Les hauts-parleurs des minarets ne cessent de leur hurler les mêmes mots, et leur fureur est aussi nourrie d’images, que les plus démunis d’entre eux reçoivent sur des écrans connectés au cœur des déserts les plus éloignés.

 

Pas de laïcité possible ni de « morale » sans instruction véritable, et d’abord sans maîtrise de la langue

Faut-il s’étonner qu’en France, des élèves des écoles en soient au même point ? La lutte contre l’analphabétisme a été abandonnée, comme parfois la vaccination : sa réussite a fait croire que c’était gagné et qu’il était inutile de continuer. Mais si une génération ou même une partie d’une génération est privée d’école, alors la société tout entière peut en pâtir. Le combat d’un Hugo pour l’alphabétisation des peuples est aussi urgent aujourd’hui qu’hier, et il en sera de même à l’avenir.

Parler de morale n’a aucun sens devant un enfant incapable d’écouter, pour quelque raison que ce soit. Rien n’est possible s’il ne respecte pas une discipline élémentaire avant même de comprendre et de se mette ainsi en mesure d’apprendre. Mais alors, une fois qu’il a pris l’habitude d’écouter et qu’il a commencé à s’instruire, une fois devenu élève, a-t-il besoin qu’on lui fasse la morale ? Un enseignement de la morale, même laïque, produira au mieux de l’indifférence, au pire de la haine, sur des esprits que la maîtrise de la langue n’aura pas délivrés – étant donné l’état actuel de l’école, étant donné sa doctrine. Un enseignement du « fait religieux » sera au mieux inintelligible, au pire « blasphématoire » pour qui ne sait pas distinguer mythe et raison, pour qui n’a pas appris à lire des fables comme des fables, c’est-à-dire comme des images qu’on ne confond pas avec ce dont elles sont les images. Parler de « fait religieux » est en soi aussi blasphématoire que n’importe quelle image et ne peut être accepté qu’à la condition qu’un regard critique soit porté sur la parole sacrée de celui qu’on tient pour un prophète. On sait donc déjà qu’aucun des remèdes proposés jusqu’ici par les autorités françaises n’aura d’effet, puisqu’il n’a toujours pas été question de revenir sur ce qui fait que l’école n’apprend pas le français à ses élèves (s’ils ne le parlent pas déjà dans leurs familles). Mais quel politique aujourd’hui osera dire que le français n’est pas la langue de la rue, des réseaux sociaux et des médias, et qu’il n’a de réalité effective que par l’école et la littérature ?

 

1 Voir C. Kintzler « L’alphabet, machine libératrice », notamment la fin de l’article sur symbole et écriture alphabétique.

© Jean-Michel Muglioni

L’imitation en art : aliénation ou invention ?

L’imitation en art a mauvaise presse : n’est-elle pas un geste inutile répétant ce qui existe déjà, une soumission à l’extériorité qui instrumentalise l’art ou, pire, une grimace, un mensonge qui trahit l’original qu’elle prétend imiter ? En tout état de cause, elle semble contraire à l’idéal répandu d’un artiste créateur et aux antipodes de l’autonomie qui caractérise la position esthétique, l’art pris dans sa caractéristique « libérale ». Cet aspect, nourri par une forte tradition philosophique de critique de l’imitation, reste dominant encore de nos jours. Pourtant l’imitation fut érigée en principe esthétique par une tradition tout aussi forte, quoique moins prisée par la philosophie. Il s’agira alors de comprendre, en partant de la théorie classique de « l’imitation de la nature » pour aller vers les formes actuelles d’imitation comme hyper-mimésis, pourquoi on peut soutenir qu’imiter c’est inventer, comment une forme apparente d’aliénation de soi, une sorte de fidélité à l’extériorité, contribue à former la liberté de l’esprit, et plus largement comment le principe d’imitation débouche sur une perspective ontologique de « recréation ».

La critique philosophique de l’imitation

Les lectures admises du Livre X de La République de Platon donnent d’emblée le ton philosophique au statut déprécié de l’imitation dans le domaine de l’art. Le lit peint par l’artiste – dans lequel personne ne peut s’allonger – est une copie du lit fabriqué par l’artisan, lui-même déjà copie de l’Idée du lit – on ne peut s’empêcher ici de penser au fameux « lit » que Robert Rauschenberg dresse le long d’un mur, prenant peut-être l’exemple au mot : car dans le lit de Rauschenberg, on ne peut pas non plus se coucher. Mais la critique platonicienne de l’imitation est bien différente de celle qui aujourd’hui prétend s’en inspirer pour céléber un « artiste créateur», car pour Platon l’?uvre artistique, loin de donner l’existence à ce qui n’en avait pas auparavant, subit une déperdition ontologique qui l’éloigne deux fois de la vérité.

Paradoxalement, c’est un éloge de la copie qui pourtant traverse ce texte et inspire la virulente critique de l’imitation : l’artisan guidé par l’archétype (que connaît véritablement « celui qui sait ») n’a pas la prétention de donner son produit pour vrai, mais se cantonne sagement à sa place de copiste. Il n’en va pas de même pour l’artiste, qui ose brandir une apparence et propose ce prestige chatoyant comme s’il était vrai. Ce geste de substitution et de suppléance donne à l’art sa structure sophistique. Aussi c’est dans Le Sophiste qu’on trouve la distinction entre la copie (« eikon ») et le simulacre (« eidolon ») : ce dernier montre que l’artiste se règle sur une pure apparence et s’intéresse à l’inessentiel. L’opération esthétique, jugée sur la peinture et surtout sur la poésie dramatique, ne se réduit pas à cet aspect ontologico-logique, elle a aussi un effet moral : livrant l’amateur d’images au règne du sensible et de l’apparence, elle le précipite dans un désordre de la pensée. Projeté hors de lui, se réglant sur l’extériorité, il n’a alors aucun principe ferme susceptible de soutenir sa conduite. Ainsi, déperdition ontologique et fausseté logique aboutissent à une perdition morale.

On retrouvera bien plus tard sous la plume de Hegel (dans son Introduction à l’Esthétique) une critique sévère de l’imitation, menée d’un point de vue très différent puisque pour Hegel l’art lui-même est liberté, attention portée aux choses de manière gratuite et élection de l’extériorité à un statut libéral, travail par lequel l’apparence s’érige au niveau contemplatif. C’est alors au nom même de cette liberté de l’art que l’imitation se voit décriée. Elle est en effet un moment où l’art se trahit lui-même en s’instrumentalisant, en se donnant une fin extérieure où le donné empirique (ce qui est imité) est sacralisé comme indépassable. Ce moment se caractérise par son abstraction, il faut entendre par là que l’intérieur et l’extérieur y sont posés comme séparés, dans un rapport antithétique où le donné vient imposer sa loi à une liberté sans contenu. Alors que Platon critique l’imitation comme perdition en faisant de l’art (particulièrement de la poésie dramatique) le comble de la soumission à l’extériorité, Hegel la critique au nom d’une conception libérale de l’art : elle se contente en effet de considérer l’extérieur comme extérieur et n’accomplit pas le moment substantiel par lequel l’art parvient à faire de l’extériorité une forme de l’intériorité.

Tout espoir n’est alors pas perdu de ce côté. Hegel ajoute tout de même que l’imitation, en se réglant sur l’extérieur, évite le piège d’une liberté pseudo-créatrice qui prétendrait trouver sa loi dans ce qui n’est que son propre vide. Un intérieur qui n’est qu’intérieur n’a aucune intériorité. En copiant un modèle, l’artiste imitateur apprend au moins à enrichir ses techniques, ses connaissances : il fait l’expérience de la discipline sans laquelle aucune intériorité ne prend forme. Cette espèce de culte de l’extériorité n’est pas étranger à la libération véritable et pas entièrement contraire au principe libéral des beaux-arts : il indique une voie qui, prise au sérieux, engage une dialectique de l’intérieur et de l’extérieur.

 

Les vertus de la copie

 Sur cette indication, faisons un moment confiance à l’acte de la copie la plus banale et en apparence la plus servile et voyons comment il est susceptible de produire une forme de désaliénation par la constitution d’une « substance ». Nous prendrons à cet effet appui sur l’analyse que fait Rousseau du copiste dans son Dictionnaire de musique.

Rousseau fait en effet remarquer que le copiste musical ne se contente pas de recopier à l’identique le manuscrit fourni par le compositeur, mais que l’opération même de la copie lui permet de déceler les fautes évidentes ou implicites laissées dans l’original : son devoir est alors de « restituer », au-delà de l’original matériel fautif que lui a laissé l’auteur, une partition plus conforme à son idée. Parce qu’il a pour tâche la mise au point de l’épreuve définitive (comme par exemple je mets mon texte « au propre »), il est conduit à remonter à un original qu’il suppose, au-delà de la copie qui lui a été remise, plus « vrai ». L’épreuve de l’extériorité (on parle d’épreuve en imprimerie, en gravure, en photographie) ne se réduit pas à un acte mécanique ou à une pure technique : elle introduit, précisément par l’écart qui la constitue, le moment réflexif qui construit le vrai au-delà du donné, au risque bien sûr de se tromper. Le copiste analysé par Rousseau, dessaisi un moment d’une liberté spontanée, acquiert une liberté substantielle en se hissant au niveau de l’auteur et en re-composant la musique qu’il était censé reproduire : situé idéalement au même point que l’auteur, il se pose comme une subjectivité instruite par l’épreuve de l’extériorité.

C’est sur ce modèle qu’on pourra comprendre le geste imitatif par lequel l’artiste se met à l’école des « maîtres » et par lequel, en les copiant, il s’approprie leur technique, la dépasse et finit par se trouver lui-même. Rien de plus libre, en un sens, que Picasso ou Cézanne copiant Rubens : ils finissent par se copier eux-mêmes et par produire le schème de leur propre inventivité. Il faut alors se demander par quelle voie l’acte de la copie s’élargit pour trouver le moment original. A cet effet, une comparaison entre le contrefacteur, le faussaire et l’artiste imitateur sera utile. Un contrefacteur ne se propose rien de plus que de reproduire un objet à l’identique : aucun écart critique ne le hisse à la production d’un moment d’originalité. Le faussaire (on parle ici du faussaire en art) qui peint par exemple « un Rembrandt » ne peut en revanche faire l’économie de ce que Kant aurait appelé un jugement réfléchissant : il suppose, dans la série des tableaux peints par Rembrandt, des places vides qu’il remplit en s’inspirant d’un principe dégagé à partir des œuvres existantes. Son mensonge, logé dans un trou ou dans un écart, atteint une vérité de l’œuvre contrefaite. Or on sait que Kant fait du jugement réfléchissant la clé du jugement esthétique. Nous trouvons alors, en poussant l’opération jusqu’à son terme, le moment créatif où l’auteur, à l’école des maîtres qu’il copie, passé par toutes les étapes du jugement réfléchissant, aboutit à un principe actif qui, impossible à formuler, opère cependant comme principe de ses productions. On retrouve ici la définition que Kant donne du génie, disposition de l’esprit par laquelle la nature donne à l’art ses règles, moment où l’artiste agit comme s’il obéissait à une règle qu’on ne peut pourtant pas formuler sous peine de le voir se transformer en technicien. Le génie est « force de la nature », mais ajouterons-nous, il le devient « à force » de se régler sur une nature qui lui est d’abord extérieure.

Ce détour permet de caractériser la voie de la désaliénation au sein même de l’acte en apparence le plus asservi. Nous en retiendrons, afin de poursuivre notre réflexion, deux jalons principaux : l’idée de « moment vrai » paradoxalement atteint sous la condition du mensonge et de la fausseté, et celle d’un « schème productif » qui apparente l’artiste à une sorte de nature naturante. Le premier de ces jalons philosophiques va permettre de comprendre en quoi l’imitation dans l’art peut être une forme de liberté sur le modèle de la liberté produite par la connaissance de l’idée vraie : c’est ainsi que procède la célèbre doctrine classique de « l’imitation de la nature ». Le second nous amènera à réfléchir sur la notion plus large d’une imitation comme reprise ou re-création d’une force de production, imitation d’un geste par lequel quelque chose accède à l’existence : alors le concept d’imitation prend une dimension ontologique qui se déploie particulièrement dans l’art contemporain. 

 

La théorie classique de l’imitation de la nature

C’est l’âge classique qui, en reprenant les chapitres initiaux de La Poétique d’Aristote, élève l’imitation au niveau d’un principe esthétique. Or imiter ne consiste pas à reproduire ce qui s’offre immédiatement à l’observation, mais à rechercher une sorte d’essence dont le donné observable ne fournit que la forme particulière et anecdotique. En cela, les classiques s’inspirent d’abord et principalement du chapitre 9 de l’ouvrage d’Aristote, où est énoncée l’opposition entre d’une part l’histoire (nous dirions aujourd’hui plus volontiers la chronique) qui s’attache au réel particulier (« ce qui a été ») sans lui donner la profondeur de « ce qui aurait pu être », qui ne prend donc aucune distance critique avec les choses mais les présente telles qu’elles sont, et d’autre part la poésie, « plus noble, plus philosophique » et plus instructive parce qu’elle cherche à atteindre un niveau de généralité que le réel n’offre pas et parce qu’elle n’est possible que dans la perspective de la contingence des choses (« ce qui aurait pu être »). Ainsi le poète n’imite pas ce qui est mais élargit ses vues pour s’interroger sur les possibles : cette opération d’élargissement s’effectue par la fiction. Loin de s’aliéner dans l’immédiateté de la diversité sensible, l’artiste s’élève au-dessus d’elle et recrée un objet plus beau parce que plus exemplaire.

Pour être plus précis, ce principe une fois repris par les classiques s’articule à la nature qu’il s’agit d’imiter. Or en examinant son fonctionnement, on voit qu’il s’agit moins de se conformer à une nature en tant que donné immédiat que de remonter à une nature profonde qui ne s’offre pas à l’observation directe. La nature objet d’imitation de l’âge classique est plus proche de la nature de la science moderne que d’un donné particulier sans principe et sans éclat. Pour expliquer ce point, l’abbé Batteux donne l’exemple des personnages de Molière : son Misanthrope n’est en aucun cas le portrait fidèle d’un misanthrope réel qui pourrait se rencontrer. C’est au contraire un composé de « traits » choisis qui, bien que n’existant pas dans la réalité, est plus vrai, plus coloré, plus vigoureux que tout ce que le réel peut contenir : la « belle nature » n’est pas nécessairement une nature d’agrément, c’est une nature ramenée à son principe et affranchie des obstacles qui l’affadissent et la rendent ordinaire. On retrouve ici une idée qui relie art et connaissance : la construction de l’artifice nous instruit plus sur la constitution de la nature que la soumission servile à celle-ci. L’objet esthétique fictif a ceci de commun avec le dispositif scientifique qu’il en concentre les mécanismes ? mais en outre il les fait voir et les rend sensibles, c’est un « extrait » de nature, qui par son « rendu » la ramène à elle-même et lui redonne l’éclat que le réel ordinaire avait terni. C’est ainsi que l’alcool a plus de goût que le fruit dont il est tiré, et que le vers hausse la prose à son moment le plus aigu. C’est ainsi que les personnages du théâtre tragique osent vivre ce que nous n’osons même pas nous avouer. Les choses redeviennent ce qu’elles sont. On rencontre alors un paradoxe qui n’est autre que celui de la connaissance elle-même : la fiction, forme de mensonge, est un moment qui permet de saisir le vrai.

Rien de moins aliéné que cette forme d’imitation. Non seulement l’artiste s’y affranchit de la surface des choses pour atteindre leur « vérité » en les décapant, non seulement le spectateur, en éprouvant le plaisir du vrai, le plaisir d’identifier dont parlait déjà Aristote au chapitre 4 de La Poétique, « reconnaît la nature » (Boileau) et jouit de cette liberté philosophique que donne la puissance de la connaissance, mais on peut dire encore que la « nature » elle-même y est libérée de sa propre apparence et que, « réduite à ses principes », elle apparaît dans tout son éclat.

Une réflexion plus poussée conduit en outre à s’interroger sur la nature même de cet objet produit par l’art et sur celle du geste producteur qui lui donne naissance. En effet, à y bien réfléchir, on a ici un paradoxe supplémentaire. Car l’objet imité ne préexiste pas à l’acte qui exhibe son imitation. Molière imitant le Misanthrope n’imite aucun homme réel préalable qui lui servirait de modèle : c’est au contraire son personnage qui en imitant tout misanthrope possible, invente l’original dont Alceste est la présentation sensible ! D’ailleurs, comme le remarque Arthur Danto dans La Transfiguration du banal, Aristote ne dit nulle part que l’imitation doive imiter un objet qui lui préexiste. 

 

L’invention de l’original par hyper-mimésis : l’imitation de la nature naturante

Avec l’artiste produisant l’original dont son œuvre est la « copie » et l’unique exemplaire, un degré de plus s’offre à notre réflexion. L’imitation alors, plus que celle d’un objet ou d’un donné, serait celle d’une activité productrice. Et que l’art soit pris ou non dans la problématique de la représentation ou de la figuration, il effectue toujours ce geste démesurément ambitieux et inouï qui consiste à faire exister quelque chose, non pas en vue d’autre chose (comme ferait l’artisan ou le technicien) mais « gratuitement » pour que cette chose existe : c’est l’une des thèses, notamment, que développe Etienne Gilson dans Peinture et réalité. On pourrait ici pousser les choses encore plus loin, et entendre aussi par là que ce qui est imité n’est pas seulement et pas nécessairement un objet (la nature naturée) mais une activité, une modalité de production. A la différence du technicien ou de l’artisan qui complètent la nature, l’artiste imite la nature naturante elle-même, il supplée à la nature et se conduit comme s’il était une force naturelle. La musique par exemple nous fait toujours entendre les sons en tant qu’ils sont « inouïs ». C’est comme intériorité que l’artiste façonne et recrée l’extériorité, laquelle porte alors son empreinte et lui ressemble : il faut donc plutôt inverser les choses et dire que c’est la chose qui imite son producteur.

Dans sa célèbre analyse de la peinture hollandaise (Esthétique II, III, chap. 3), Hegel montre comment, en peignant des natures mortes et des scènes de la vie domestique, les Hollandais ont su faire du quotidien un objet grand et héroïque, mais surtout comment ces toiles, issues d’une méditation sur l’apparence, l’ont élevée en essence, et comment s’y trame « la recréation subjective » de ce que l’extériorité a de plus fugitif. Le regard n’y est pas confronté à la présence inerte de la chose, mais à travers l’éphémère, la fugacité d’une lueur, il perçoit que seul un esprit peut émouvoir un autre esprit. L’extériorité qui s’offre alors au regard, passée par le moment réflexif, n’est autre que la forme sensible de l’intériorité : le tableau imite en réalité la subjectivité dont il anime le regard, et réciproquement seul le regard d’une véritable subjectivité peut voir le tableau et élever le sensible à son point d’autonomie réflexive et faire de l’apparence un moment essentiel. L’imitation d’un plat d’huîtres se retourne alors en une véritable « transmutation métaphysique » par laquelle la pensée s’imite elle-même. Sans ce devenir-autre (aliénation) dans l’extériorité, elle ne pourrait pas vraiment se saisir comme intériorité.

La leçon de la peinture hollandaise, pourtant fixée à une époque déterminée, se répand sur l’ensemble du geste esthétique. L’art moderne et contemporain, pourtant très éloigné de toute idée d’imitation prise au sens ordinaire du terme, peut à certains égards être caractérisé comme une hyper-mimésis, étudiée notamment par Gérard Wajcman dans L’Objet du siècle. Hanté par un mouvement de purification qui lui fait reléguer comme accessoire tout ce qui relève de la technique et de la superficialité d’un savoir-faire aliéné dans sa propre virtuosité, l’art du XXe siècle s’attache à bannir tout ce qui respire la façon, la manière : Duchamp congédie de la peinture « l’odeur de térébenthine ». A trop « faire peinture », à trop « faire musique », à trop « faire théâtre » on oublie en effet l’essence de la peinture, de la musique, du théâtre. Et si l’art moderne s’attache à « ce qui ne ressemble à rien », c’est bien parce que son intérêt n’est pas de figurer les choses, mais de rendre visible ce qui rend possible le visible, de rendre audible ce qui rend possible l’audible. Tel est en effet le Carré noir de Malévitch qui met sous nos yeux la simple découpe de ce qui constitue tout tableau possible et qui, en noir et blanc, épelle l’alphabet élémentaire de « ce qui se voit ». Tels sont les « monuments invisibles » de Jochen Gerz qui renvoient au spectateur médusé le message de l’effacement : « on n’a rien vu, on n’était pas là » disaient les gens après la découverte des camps de concentration ? et le monument répond « moi non plus, je ne suis pas là, il n’y a rien à voir ». Congédiant la ressemblance extérieure, cet art convoque la ressemblance fondamentale d’un geste et se présente comme une imitation de la pensée.

L’idée d’imitation est polysémique et on peut en parcourir différents sens en passant d’une hétéronomie à une autonomie. Si l’imitation comme réglage superficiel sur l’extérieur peut correspondre à une perte de soi, en revanche, pourvu qu’on le prenne au sérieux, le moment d’extériorité peut être compris comme un parcours ou plutôt une épreuve permettant de se constituer comme intériorité en se donnant une règle, en s’interrogeant sur la vérité même des choses, enfin en se constituant comme force autonome et en donnant à la pensée la forme sensible sans laquelle elle ne pourrait sans doute pas se saisir elle-même.

© Catherine Kintzler, 2010