Archives de catégorie : Lecture, philosophie générale, littérature, histoire

Qu’est-ce que vouloir l’universel ?

S’appuyant sur les exemples de la république des esprits, de la traduction, de la littérature, des beaux-arts, Jean-Michel Muglioni dit comment l’universel unit les hommes en ramenant chacun au fondement de sa propre autorité et en le délivrant «  des particularismes qui le séparent plus encore de lui-même que des étrangers ». Loin d’exiger l’uniformité, loin d’un consensus fusionnel imposé de l’extérieur, la recherche de l’universel est celle d’une entente entre des singularités ; elle s’exprime concrètement dans des sociétés et des œuvres particulières. Vouloir former une communauté qui se fonde sur le jugement de chacun de ses membres, c’est aussi vouloir sa propre liberté : rien n’est plus difficile.

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D’une épidémie à l’autre : parallèle entre le Choléra de 1832 et le Covid-19 de 2020 (par Matthieu Le Verge)

Ce n’est pas à une « comparaison boiteuse » de chiffres et de statistiques débouchant sur une douteuse leçon de morale que nous invite ici Matthieu Le Verge. En revenant sur le déroulement de l’épidémie de choléra qui frappa la France en 1832 et sur les commentaires qu’en firent ses contemporains, il nous livre un parallèle saisissant qui atteste la constance des attitudes et des déclarations d’une épidémie à l’autre. De la minimisation à l’alarmisme, de l’insouciance à la suspicion complotiste, de l’égoïsme à l’abnégation, «  il est assez remarquable de relever que certains comportements, conspués ou loués dernièrement, sont en réalité intemporels et ne sont pas spécifiques à la propagation du Covid-19 en ce début de XXIe siècle ».

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Des virus et des vertus (par Laurent Jaffro)

Devant la crise du « Covid-19 », Laurent Jaffro invite à recentrer le regard sur le présent afin d’analyser les fautes que l’appel incantatoire à un « monde de l’après » a pour effet (et souvent pour but) d’escamoter. Il s’agit bien de fautes car « il y a beaucoup de choses que l’on savait et qui ont été l’objet d’une ignorance coupable ». Il rappelle que l’objet  principal de la philosophie, particulièrement en cette occurrence, n’est pas de spéculer sur le « sens » d’une prétendue « épreuve rédemptrice », mais de nous dire que la recherche de la vérité et la culture de la connaissance sont des tâches collectives toujours d’actualité – de faire voir en quoi elles sont en elles-mêmes des vertus, c’est-à-dire des forces. [Reprise de l’article initialement publié par la revue en ligne « The Conversation » le 21 avril 2020]

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Homme, où est ta victoire ?

D’un confinement à l’autre

Anne Baudart poursuit sa réflexion méditative en comparant et en opposant deux modalités du confinement. L’une, « temps béni de la communication avec l’essentiel », ourdie par un fil tiré du paganisme ancien au christianisme, conjure librement la dispersion et ramène à l’essentiel. Mais ne serait-ce pas plutôt l’autre que nous vivons ? Contrainte, étirée « dans un temps devenu pesant et opaque », elle engendre un sentiment d’absurdité et de stérilité. Comment pouvons-nous « en extraire lumière et force » ?

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Vestiges de l’Amour et mystiques du genre

Avec une gourmandise érudite digne d’un « Nom de la rose », François Rastier analyse le mille-feuille des mouvements récents qui s’agitent autour de l’identité sexuelle et du genre – retors au point, comme les sectes religieuses de jadis et le gauchisme flamboyant de naguère, de détruire la cause même dont ils se réclament. Il en ramène lumineusement la complexité néo-puritaine à nombre de courants sectaires dont l’acharnement ascétique, la détestation de la différence des sexes et celle de la rationalité parcourent l’histoire de la pensée mystique. Il en relève, aujourd’hui comme autrefois, la férocité : « Dans l’histoire des idées, il est fréquent que des mystiques se dégradent en superstitions et la « pop culture » d’aujourd’hui, comme la « pop philosophy » qui s’efforce de la porter au stade théorique, recycle sans trop s’en aviser d’antiques croyances sectaires, d’autant plus néfastes qu’elles engagent leurs partisans à la victimisation et à la violence. »

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« La liberté d’esprit » de Stéphane Toussaint, lu par J. Morales

Poussé par l’amour de la vérité, Stéphane Toussaint, dans son essai « La liberté d’esprit. Fonction et condition des intellectuels humanistes » (Paris, Les Belles Lettres, 2019), suit la voie hérétique d’un Sébastien Castellion et son esprit de résistance contre l’entraînement des passions régnantes. Chercher la vérité dans le dialogue avec l’histoire, fortifier l’humanité par le travail intellectuel, mettre au centre « le logos de l’art et de la culture » sont les principales missions des « travailleurs de l’esprit », ces esprits inquiets, comme Érasme ou Pétrarque, qui ont érigé la gratuité de l’étude et du savoir en vertu.

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« La nature en train de se révolter » avec une épidémie de Covid-19 ? 

L’humilité vicieuse des adorateurs du chagrin

Chaque jour apporte son lot d’inepties médiatisées, et ce n’est pas nouveau. Mais quand elles sont proférées par des doctes, elles n’en sont que plus désolantes. Je n’en croyais pas mes oreilles ce matin : « la nature est en train de se révolter » ! Cette déclaration publique à propos de la diffusion du coronavirus SARS-CoV-2 n’est pas d’un gourou, elle n’émane pas d’un esprit tourmenté qui se livre à la mentalité magique – comme nous le faisons tous par moments car ça fait du bien même si nous n’y croyons pas vraiment –, mais très sérieusement d’un sociologue ayant pignon sur rue. Les adorateurs du chagrin reprennent force et vigueur et prêchent l’humilité : il ne faut pas irriter les dieux.

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« La désinstruction nationale » de René Chiche, lu par Jorge Morales

Analysée depuis 35 ans par nombre de livres et de travaux dont les auteurs ont lancé l’alerte tout en proposant le retour à une politique scolaire de simple bon sens, la destruction délibérée de l’école républicaine a dépassé aujourd’hui le stade d’un processus : c’est un résultat. Le bilan de ce saccage est dressé avec lucidité par René Chiche dans son livre « La désinstruction nationale ». Jorge Morales nous en donne lecture : « la spirale infernale des réformes a fini par transformer définitivement l’école publique en une offre de « formations » et les élèves en consommateurs ».

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Coronavirus 2020 – point alpha

Anne Baudart propose cette brève, intense et belle réflexion – où affleure sa longue fréquentation de la philosophie ancienne – sur l’épidémie de Covid-19 comme « point zéro », « point alpha dans un alphabet qui reste à écrire », moment critique d’appel à s’examiner et à tisser, peut-être, « une autre toile ».

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« La Gauche contre les Lumières ? » de Stéphanie Roza, lu par P. Foussier

Philosophe, spécialiste du XVIIIe siècle, Stéphanie Roza examine dans son dernier livre « La Gauche contre les Lumières ? » (Fayard, 2020) les attaques dont l’héritage des Lumières est l’objet de la part de la gauche. Une gauche qui jadis s’inscrivait massivement dans cette filiation ou en revendiquait même fièrement les acquis.

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Coup d’œil sur une grammaire du XVIIIe siècle

Au hasard d’une visite au Marché du livre ancien et d’occasion (qui se tient tous les week-ends dans le quinzième arrondissement de Paris), je me suis procuré les « Principes généraux et raisonnés de la grammaire française » de Pierre Restaut (1696-1764). Cet ouvrage, dont la première édition remonte à 1730, connut un immense succès jusqu’au début du XIXe siècle. Mon exemplaire porte une date évocatrice : M. DCC. LXXXIX.

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Michel Guérin sur André Leroi-Gourhan, lu par Alain Dermerguerian

En lisant le dernier ouvrage de Michel Guérin « André Leroi-Gourhan – L’Évolution ou la liberté contrainte » (Hermann, 2019), Alain Dermerguerian propose une méditation sur un matérialisme non réductionniste et réflexif. Il montre comment, dans les trois essais qui composent le livre, « Michel Guérin réitère sur l’œuvre de Leroi-Gourhan l’opération même de celui-ci sur la poïétique préhistorique. L’art et la philosophie culminent chez Michel Guérin en une pensée comme geste inchoatif, la matière vivante de la Forme qui se féconde, se métamorphose, et se retrouve enfin dans l’accomplissement de l’œuvre – cette idée auto-matérialisée ».

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« Plaidoyer pour l’universel » de Francis Wolff, lu par Philippe Foussier

L’avenir de l’universalisme

Philippe Foussier a lu « Plaidoyer pour l’universel de Francis Wolff » (Fayard, 2019). Ce livre roboratif et solidement étayé, où l’auteur affronte les détracteurs de l’humanisme universaliste dans toute leur variété, propose une analyse et des arguments pour ne pas désespérer de l’air du temps différentialiste.

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L’attention esthétique. Lecture du livre de B. Nanay « Aesthetics. A Very Short Introduction »

Conformément d’ailleurs à l’étymologie et à la conception de Baumgarten qui y voyait la « science de la connaissance sensible » (1750), Bence Nanay, professeur à l’université d’Anvers et ancien critique de cinéma, considère essentiellement l’esthétique sous l’angle de la perception. Dans le livre qui vient de paraître, Aesthetics : A Very Short Introduction, il s’intéresse, en particulier, à la question de l’attention esthétique.

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Éléments pour réinstituer l’élitisme républicain

L’égalité chez Condorcet

À partir de Condorcet, Charles Coutel propose une analyse de l’élitisme républicain et montre en quoi, opposé aussi bien à l’égalitarisme qu’à l’élitisme de la naissance ou de l’argent, il s’inscrit dans le concept d’égalité, qu’il éclaire à son tour. L’institution de l’Instruction publique est au cœur de cette réflexion : l’école publique, malmenée à présent depuis des décennies au nom d’une vulgate sociologiste qui lui enjoint de se renier, serait bien inspirée d’en méditer et de s’en réapproprier les principes.

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« Laïcité : une question de frontière(s)? » (dir. Frédérique de la Morena)

Issu d’un colloque tenu à l’Université Toulouse 1 Capitole en novembre 2018, l’ouvrage collectif « Laïcité : une question de frontière(s) » dirigé par Frédérique de la Morena illustre, explique et défend une idée fondamentale : l’association politique laïque suppose des distinctions, des « frontières », des séparations. Que celles-ci soient méconnues, brouillées, grignotées, que des brèches y soient effectuées et la laïcité perd son sens, quand elle ne se perd pas tout entière.

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Le Père Noël et « le droit d’être païen » (C. Lévi-Strauss)

Réédition de l’article publié le 8 décembre 2014

Il est bon de rappeler en cette période de Noël, comme l’avait fait Mezetulle en décembre 2014, un bel article de Claude Lévi-Strauss intitulé « Le Père Noël supplicié » paru en… [lire plus]

« Les Troubadours » de Gérard Le Vot, lu par Jean-Yves Bosseur

L’art des troubadours représente une alliance véritablement alchimique de la musique et de la poésie, du chant et de la langue. C’est ce que démontre avec une particulière pertinence et de manière très étayée Gérard Le Vot dans son ouvrage « Les Troubadours, les chansons et leur musique (XIIe-XIIIe siècles) », sans aucun doute le plus complet à ce jour dans un tel domaine.

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Les derniers mots de Léon Brunschvicg

Lecture du livre « Héritage de mots, héritage d’idées » (PUF, 1945)

Il y a exactement cent cinquante ans, le 10 novembre 1869, naissait le philosophe français Léon Brunschvicg. Il termina son dernier livre, « Héritage de mots, héritage d’idées », deux mois avant sa mort, alors que, persécuté par les nazis, son habitation parisienne et sa bibliothèque pillées, il avait fini par trouver refuge à Aix-les-Bains.

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« La parole du mille-pattes. Difficile démocratie » de Jean-Paul Jouary, lu par Valérie Soria

La lecture du livre de Jean-Paul Jouary « La parole du mille-pattes. Difficile démocratie » (Encre marine, 2019) nous convie à une plongée, ou plutôt à une remontée allant bien en deçà des analyses de la démocratie occidentale ancrée sur le modèle de la Grèce antique. L’hypothèse philosophique est que la démocratie est le socle de la forme première de toute organisation humaine. S’efforcer de revenir, à travers et au-delà des formes multiples, au terreau de toute forme de société, dès le Paléolithique, c’est prendre l’universalisme au sérieux et mesurer ce qu’est le principe démocratique comme principe de justice et de conciliation par la parole bien comprise.

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