« Pensare la laicità »
Je suis très heureuse et fière de voir paraître la traduction en italien de mon Penser la laïcité !
« Pensare la laicità », paru en 2022 aux éditions Ariele (Milano) a été traduit par Viviano Cavagnoli
Je suis très heureuse et fière de voir paraître la traduction en italien de mon Penser la laïcité !
« Pensare la laicità », paru en 2022 aux éditions Ariele (Milano) a été traduit par Viviano Cavagnoli
Delphine Girard analyse l’effarante et effrayante histoire de « Stéphanie », professeur de SVT qui, peu après l’assassinat de Samuel Paty et dans la même académie, fut accusée de « racisme » et menacée par un père d’élève. N’avait-elle pas, dans son cours sur les origines et l’évolution de l’espèce humaine, illustré Homo sapiens par une image du rappeur Soprano ? Effarante histoire : soutenue du bout des lèvres par une institution encline à déstabiliser les professeurs, « Stéphanie » dut d’abord « s’expliquer » avant d’être exfiltrée dans une autre académie. Effrayante aussi : le crédit accordé à la parole prévenue et convenue des élèves, relayée et amplifiée par des parents idéologues, entend une fois de plus faire savoir aux enseignants de France qu’ils sont épiés et que la pression s’accentue pour les pousser à l’autocensure. Allons-nous laisser des prédicateurs s’emparer de l’école ?
Je me rappelle l’émission « Répliques » du 24 avril 2021 . Elle a mis en présence François Héran (professeur au Collège de France) et Souâd Ayada (directrice du Conseil supérieur des programmes de l’Éducation nationale) au sujet de « la liberté d’expression », après l’assassinat de Samuel Paty et la publication de la « Lettre aux professeurs » de F. Héran. À un moment, F. Héran a objecté habilement à S. Ayada que, le « respect des convictions religieuses d’autrui » figurant dans le programme d’enseignement moral et civique (EMC), on pouvait récuser légitimement le fait de « montrer » certaines caricatures. S. Ayada dut se donner bien du mal pour soutenir la liberté du professeur de choisir ses moyens dans un tel cadre. Car, malheureusement, elle ne pouvait pas nier directement le fait : oui, le « respect des convictions » figure expressément dans le programme officiel… Ce qui appelle quelques remarques.
Le livre de David di Nota « J’ai exécuté un chien de l’enfer. Rapport sur l’assassinat de Samuel Paty » (Paris, le Cherche-Midi, 2021), est une « contre-enquête » accablante sur le dispositif qui a conduit à l’assassinat de Samuel Paty. C’est une lumineuse et consternante remontée vers la doctrine pédagogique officielle qui a consenti à la série de rumeurs et d’accusations mensongères orchestrée par l’islamisme et l’antiracisme dévoyé qui l’accompagne. C’est un livre poignant, magnifiquement et sobrement écrit aux modes dramatique et narratif. S’y déroule d’abord, découpé par les entrées en scène, le scénario « à la fois bienveillant et meurtrier » d’une tragi-comédie politique. L’auteur retrace et analyse ensuite, en l’introduisant par un conte philosophique, l’édifiante histoire de la culture du respect dû aux croyants.
Faut-il ajouter « Laïcité » à la devise républicaine ? Je n’y suis pas favorable. Un tel ajout rendrait la devise hétérogène en lui faisant viser deux objets disjoints. Et il affaiblirait l’intelligibilité du triptyque dont l’ordre et la clôture n’énoncent pas un classement, mais un fonctionnement.
J’ai appris par la presse que le Ministère de l’Éducation nationale lance une campagne en faveur de la laïcité lors de cette rentrée scolaire 2021-2022. Les lecteurs de Mezetulle savent que je fais partie du « Conseil des sages de la laïcité » installé en janvier 2018 par le ministre Jean-Michel Blanquer, présidé par Dominique Schnapper. Ils peuvent à juste titre s’interroger sur le rôle éventuel du Conseil dans cette campagne consacrée à la laïcité, particulièrement en prenant connaissance des huit affiches de lancement. C’est en toute indépendance que je propose les remarques critiques qui suivent.
Mis en ligne le 2 juillet, on peut lire en accès libre sur le site Figarovox un entretien avec Aziliz Le Corre au sujet du voile des assesseurs dans les bureaux de vote et, derechef (car j’avais abordé la question en 2016) du « burkini ». L’entretien se termine par un commentaire de l’ambivalence de l’expression « espace public » et un rappel de la dualité des principes dans le fonctionnement du régime laïque.
Jean-Pierre Castel examine une idée répandue qui attribue au christianisme l’origine de la laïcité. Récemment reprise par Jacques Julliard dans un article du Figaro que l’auteur commente, cette idée confond distinction et séparation, et ce faisant elle élude ou détourne de son sens la question fondamentale de l’autonomie du politique. L’auteur expose pourquoi à ses yeux il est plus pertinent, en matière de laïcisation de la pensée, de se tourner vers l’héritage grec plutôt que vers « l’exclusivisme des textes sacrés abrahamiques ».
Véronique Taquin a lu de près le livre de François Héran « Lettre aux professeurs sur la liberté d’expression » . Dans cette analyse critique détaillée et documentée, elle met en évidence, notamment, comment F. Héran appelle de ses vœux un droit multiculturaliste (sous forme d’une diversité juridique surplombante) qui, par l’effet d’une législation européenne fantasmée, obligerait la France à réviser le droit laïque et républicain engoncé dans un « particularisme ».
Au passage quelques énormités et sophismes sont épinglés, tel le présupposé paternaliste selon lequel les immigrés seraient naturellement brimés par la loi laïque et ne pourraient pas en être, comme les autres, les bénéficiaires – cela en dit long sur une conception de la liberté qui consiste à préserver l’identité et les traditions religieuses figées dans une essence. Une analyse approfondie est également consacrée au retour du délit de blasphème par le biais victimaire des sensibilités offensées, ainsi qu’à la notion infalsifiable de discrimination indirecte.
Finalement, pour décider une « nuit du 4 août » à l’envers – événement qui inaugurerait une politique racialiste détruisant le droit national et l’égalité devant la loi – les experts d’un courant identitaire des études postcoloniales seraient-ils plus légitimes que les citoyens ?
Le livre d’Aline Girard « Enseigner le fait religieux à l’école : une erreur politique ? » (Minerve, 2021) ne s’inscrit pas dans le consensus qui, depuis le début des années 2000, entoure la question : il l’examine et montre que, loin de se réduire à une mise à jour pédagogique, les modalités d’introduction de cet enseignement en font un « événement idéologique majeur » qui affecte l’idée même d’école républicaine.
J’ai eu le plaisir de lire ce livre très documenté et argumenté dès son premier jet et d’en écrire la préface que je publie ci-dessous, avec l’aimable autorisation de l’éditeur Minerve. Je la fais suivre d’une brève analyse qui s’appuie sur le parcours du livre.
Selon Gwénaële Calvès, la notion d’habitus laïque est hautement problématique. Si un comportement perçu comme « laïque » est imposé par la loi, il ne relève pas d’un habitus. S’il n’est pas imposé par la loi, mais qu’il relève de l’usage ou de la coutume, en quoi peut-on le rapporter au principe de laïcité ? Ces difficultés d’identification touchent à une question fondamentale : la laïcité a-t-elle vocation à régir les mœurs ?
Dans ce texte issu d’une conférence donnée le 9 décembre 2020, Jean-Éric Schoettl expose en quoi la notion de laïcité excède son strict noyau juridique. Nos mœurs lui ont donné une dimension coutumière, un « habitus ». Une culture laïque tacite, aujourd’hui fortement malmenée, privilégie ce qui nous rassemble et répugne aux ségrégations que connaissent les sociétés organisées sur une base ethnico-religieuse. Mais est-il légitime (et dans quelle mesure ?) d’attendre du législateur qu’il donne force normative à des usages ?
Jean-Michel Muglioni médite, une fois de plus, sur l’école et sur l’acte même d’enseigner. Celui-ci, loin de se réduire à une pure et simple exposition de ce que le maître sait déjà, n’instruit les élèves que si le maître réactive en lui-même le moment de découverte « dans le bonheur de voir naître l’intelligence d’abord en soi-même ». Car c’est l’éclosion de la lumière en tout esprit qui est la substance l’enseignement. « Il en résulte une certaine idée de la laïcité de l’école » et que, faute de mettre le savoir au centre de l’école, il ne sert à rien d’y prêcher une morale fût-elle républicaine.
Gwénaële Calvès analyse une lettre adressée par François Héran aux professeurs d’histoire-géographie. Publiée dans « La Vie des idées », cette lettre explique comment organiser un cours consacré à la liberté d’expression. Examinant les propositions de l’auteur, Gwénaële Calvès montre qu’elles reposent sur une double confusion « à laquelle il est à peine croyable qu’un tel auteur ait pu céder ».
Michel Eltchaninoff m’a invitée à un entretien pour « Philosophie magazine ». Le texte vient d’être publié (23 octobre) sous le titre « Le terrorisme islamiste considère que l’école est à sa disposition et entend lui dicter sa loi », en accès libre sur le site Philomag.
En voici de brefs extraits. Merci Philomag !
Vendredi 16 octobre, Samuel Paty, professeur, a été décapité parce qu’il enseignait. Réduire cet assassinat à un crime revient à esquiver le caractère politique de la visée hégémonique qu’il véhicule. Car cette atrocité se présente comme une exécution expiatoire menée au nom d’un ordre supérieur qui devrait supplanter non seulement les lois de l’association politique, mais aussi tout rapport autonome à la connaissance, à la pensée. Elle révèle aussi que la guerre menée contre la République a dépassé la période des tests politiques, ainsi que celle des commandos organisés terrorisant la société civile, pour atteindre un niveau alarmant de diffusion. En étendant les poches d’aisance où il il se meut « comme un poisson dans l’eau », le terrorisme islamiste contamine le corps social et menace de le submerger.
Ce n’est peut-être pas de gaieté de cœur que le président de la République brise un tabou idéologique à l’avantage des républicains laïques en prononçant le discours du 2 octobre aux Mureaux. Désigner clairement l’islamisme, déculpabiliser la critique publique de « la » religion, parler d’insécurité culturelle, rappeler la liberté de « blasphémer », avouer que, après avoir pensé à un modèle concordataire, il en est revenu : ce n’est pas rien, cela va à contre-courant du consensus multiculturaliste à modèle anglo-saxon qui semble avoir eu jusqu’à présent sa faveur. Et il n’est pas anodin qu’il songe (un peu tard…) à regarder vers l’électorat républicain laïque et à lui envoyer un signe. Mais que vaut un signe s’il n’est pas accompagné et suivi d’une politique ?
Le site de Marianne publie le 5 juin la tribune « ‘Justice pour Adama’ : résistons à ceux qui rêvent de séparation et non d’émancipation ». Il s’agit d’un texte rédigé à l’initiative du Comité Laïcité République initialement intitulé « Anatomie d’une sédition », dont je suis signataire.
La date de reprise éventuelle des rassemblements cultuels, fixée initialement au 11 juin puis ramenée au 2 juin, a soulevé les protestations de l’Église catholique, au point que le Premier ministre a évoqué, dans une de ses récentes déclarations, la possibilité de l’avancer au 29 mai. On remarque depuis quelques jours une multiplication de déclarations mi-plaintives mi-indignées de la part de responsables catholiques (soutenus par des responsables politiques) qui semblent décidés à revendiquer un statut d’exception, prétendument « vital », sinon pour leur religion, du moins pour les religions en général. En quoi ils sont surclassés par l’outrance offensive d’un appel catholique international qui, pour revendiquer une liberté exclusive, n’hésite pas à recourir au complotisme.
La triste actualité entraînée par la pandémie Covid-19 fait réapparaître la question des « carrés » confessionnels dans les cimetières. Je me permets de reprendre ci-dessous un article intitulé « Existe-t-il des cimetières chrétiens en France ? » publié en février 2015 à la suite d’une affaire de profanation, dans lequel je m’efforçais de faire le point.