Après avoir lu l’article de Jean Leclercq sur l’enseignement1 dont il partage en grande partie les analyses, Christophe Bertiau2 présente une vision dissonante et quelque peu décourageante s’agissant d’une action proprement politique qui, selon lui, entretient l’illusion d’une refondation humaniste de l’institution scolaire. Si, dit-il, « les savoirs passent à la trappe », si la perspective humaniste a quitté l’école, si les activités extra-scolaires et l’idéologie modulaire des « compétences » l’envahissent, c’est que les réformateurs sont les agents de forces puissantes qui font de l’école un appendice du marché du travail. Et puisque « dans une société de marché le politique est subordonné à l’économie », il est vain d’espérer une autre politique scolaire.
Au-delà de ses constats et de ses analyses extrêmement bienvenus dans la ligne éditoriale de Mezetulle, l’article pose la question classique de l’exclusivité causale de ce que naguère on appelait l’infrastructure économique. Ce faisant, il ouvre un débat s’agissant de l’école pensée comme institution censée dépasser, par son universalisme et son humanisme liés aux savoirs, ce moment causal mécanique.
Dans un article publié récemment sur ce site3, Jean Leclercq, professeur à l’Université catholique de Louvain, donnait à lire un beau plaidoyer pour une école axée sur les savoirs et l’esprit critique, « mise à l’abri des pressions sociales, économiques, idéologiques et, bien évidemment, religieuses ». Je partage, dans les grandes lignes, cet idéal éducatif, peut-être parce que l’école m’a permis, à moi aussi, de connaître une certaine élévation sociale, encore que mon parcours de chercheur ait été interrompu avant que j’aie pu me faire une place durable à l’université.
Si j’éprouve cependant le besoin d’apporter un complément à l’analyse de Jean Leclercq, c’est qu’autant mon activité théorique de chercheur en lettres (consacrée en partie à des questions d’histoire de l’enseignement) que mon activité pratique de professeur de français dans l’enseignement secondaire (en Belgique) ont achevé de me persuader que si l’école est aujourd’hui ce qu’elle est, ce n’est pas parce qu’on n’a pas encore proclamé suffisamment fort nos idéaux éducatifs, mais bien parce que des forces plus profondes et infiniment plus puissantes sont à la manœuvre pour faire de l’école un simple appendice au marché du travail.
Le projet humaniste
On sait le rôle qu’ont joué pour l’école européenne les humanistes qui, désireux de perfectionner le genre humain en s’inspirant de l’Antiquité classique (sans tourner le dos à la religion chrétienne), entendaient présenter aux élèves des modèles de vertu qu’il convenait d’imiter. Les principes humanistes s’implantèrent peu à peu dans les écoles et cohabitèrent un temps avec la pédagogie traditionnelle, avant de s’imposer à large échelle.
On aurait tort de penser que l’école humaniste n’a entretenu aucun rapport avec la préparation à un métier. En inculquant aux élèves une maîtrise approfondie du latin, elle leur permettait d’accéder à des professions dont l’exercice exigeait ce savoir fondamental. Le latin était, de fait, la langue de prédilection de l’Église catholique (jusqu’au concile Vatican II) et des savants, et servait à l’administration des États et à la diplomatie. Certaines professions, qui puisaient une bonne partie de leur savoir dans des textes latins – pensons aux médecins ou aux juristes –, requéraient par ailleurs une certaine familiarité avec la langue de Cicéron. Il n’empêche qu’en formant les élites par le recours aux textes antiques, les établissements scolaires visaient aussi à une éducation « complète » : le latiniste devait se distinguer de la masse par ses vertus humaines autant que par son savoir. Et c’est ainsi que l’école, longtemps, a pu constituer une sorte d’« abri », qui pouvait prétendre à une formation « humaine » par-delà même la préparation à un métier, et ce d’autant plus qu’avec le temps, l’utilité professionnelle du latin allait s’estomper4.
L’école aujourd’hui
Contrairement à ce que l’usage prolongé du mot « humanités » pour désigner l’enseignement secondaire pourrait faire croire, on peine aujourd’hui à trouver des traces du passé humaniste de l’école5. Si le latin et le grec, qui ont incarné historiquement l’idéal éducatif humaniste, n’ont pas complètement disparu des cursus, ils ont perdu une bonne partie de leur substance, outre une diminution évidente des heures qui leur sont consacrées. Les heures libérées par le recul des langues anciennes ont profité, pour la plupart, à des matières plus clairement « professionnalisantes » telles que les langues modernes, les sciences ou les mathématiques6. L’évolution du cours de français, qui peut, conformément à sa nature, aisément être conçu autant dans une visée humaniste que dans une visée professionnalisante, éclaire de manière frappante la volonté des réformateurs de faire de l’école une simple machine à fournir de la main-d’œuvre au marché du travail.
Je dispenserai mes lecteurs de l’habituel réquisitoire contre les « compétences », car celles-ci, modernité oblige, sont déjà le fait d’un autre temps. En Belgique francophone, d’où je viens, l’heure est aux « UAA », ou « unités d’acquis d’apprentissage ». Le message est clair : l’élève doit développer des apprentissages lui permettant de cocher des cases donnant accès au monde de l’emploi7. Les UAA du cours de français sont les suivantes :
- UAA 0 : Justifier une réponse, expliciter une procédure
- UAA 1 : Rechercher / collecter l’information et en garder des traces
- UAA 2 : Réduire, résumer, comparer et synthétiser
- UAA 3 : Défendre une opinion par écrit
- UAA 4 : Défendre oralement une opinion et négocier
- UAA 5 : S’inscrire dans une œuvre culturelle
- UAA 6 : Relater des expériences culturelles
À chacune de ces UAA correspondent des tâches prescrites par les programmes. Il vaut la peine de se pencher sur les tâches prescrites pour les quatre dernières années du secondaire pour les UAA 5 et 6, sans quoi on pourrait se méprendre. À l’UAA 5 correspondent trois tâches : amplifier (« combler une ellipse, développer un élément simplement évoqué, poursuivre une œuvre narrative ou poétique, élargir le champ d’une image »), recomposer (« créer une nouvelle œuvre par déplacement ou suppression d’éléments d’une ou plusieurs œuvres sources ») et transposer (« une œuvre culturelle […] en conservant le même langage […] ou en en changeant »). Quant à l’UAA 6, elle exige des récits d’expériences culturelles, dont certaines seront regroupées dans un dossier.
Trois fondamentaux du cours de français sont ainsi totalement négligés dans ce programme.
- La maîtrise active de la langue est le premier d’entre eux. Dans la mesure où seules sont évaluées des productions libres, qui excluent d’emblée toute tâche simple du type « Conjuguez les infinitifs suivants au passé simple », il n’est pas possible, la plupart du temps, d’évaluer sérieusement la maîtrise par l’élève de tel ou tel point de grammaire ou d’orthographe. Le résultat, bien sûr, c’est qu’au terme de leur parcours, les élèves auront une maîtrise bien faible de leur propre langue, faiblesse dont ils subiront encore les conséquences durant leurs études supérieures. Car on sait bien que la maîtrise de la langue n’est pas un outil accessoire mais qu’un certain niveau est requis si l’on veut pouvoir exprimer une pensée de façon subtile.
- La compréhension à la lecture ne s’en sort pas beaucoup mieux. Il est presque impossible, avec ce programme, d’effectuer une lecture ou analyse approfondie (sinon de manière exceptionnelle) des textes importants de notre patrimoine. Au terme de leurs études, les élèves peinent ainsi souvent à comprendre des textes dont la complexité est toutefois assez modérée. La littérature et la philosophie sont réduites au rang de simples prétextes pour l’accomplissement des tâches-compétences évaluées. Autant dire que le niveau ne peut pas être très élevé.
- Enfin, les savoirs passent globalement à la trappe. Là aussi, de façon ponctuelle, il est possible de conditionner la réussite de telle ou telle tâche à la maîtrise d’une certaine quantité (fort limitée) de savoirs. Mais puisque le savoir n’est jamais une fin en soi, il est condamné à la marginalité. Le caractère de prétexte des contenus de l’apprentissage a pour conséquence que le cours de français se transforme, chez beaucoup d’enseignants, en un instrument de propagande politique. Les femmes « invisibilisées », l’engagement politique, la désobéissance civile, la lutte contre toutes les formes d’oppression ou de discrimination, contre le réchauffement climatique ou encore contre « l’extrême droite » (entendue dans une acception très large), deviennent des thèmes d’apprentissage courants8.
La logique de ces « omissions » ne peut laisser planer aucun doute : un niveau élevé de maîtrise active de sa langue maternelle, une compréhension fine de celle-ci et l’insertion par le savoir dans une culture commune n’ont pas vocation à combler les demandes des employeurs, qui réclament davantage des travailleurs qui sachent faire un bon pitch, jeter de la poudre aux yeux des clients, communiquer par courriel, rédiger un procès-verbal de réunion ou faire preuve de créativité dans un cadre prédéfini. L’objectif du cours de français ne peut être en aucun cas de former des citoyens cultivés et critiques capables d’apprécier les grandes réalisations de la culture dont ils sont issus, mais de préparer au mieux l’entrée des futurs adultes sur le marché du travail.
Ce pitoyable objectif éducatif se traduit encore de différentes manières dans la pratique quotidienne des écoles. Les directeurs portent souvent beaucoup plus d’attention aux activités extrascolaires – décisives dans la guerre d’images que se livrent les écoles sur les réseaux sociaux afin d’attirer les futures inscriptions – qu’à la question des apprentissages. Le nom même de « directeur », d’ailleurs, est usurpé : le directeur d’école ne peut plus être qu’un manager, chargé de la bonne gestion d’une institution qu’on lui a confiée le temps d’un mandat pour accomplir des objectifs fixés par en haut. Dans le cadre de « plans de pilotage », les écoles doivent se fixer des objectifs chiffrés pourvus d’indicateurs clairs pour optimiser leurs performances (le chiffre étant censé rendre compte parfaitement de la réalité, alors qu’on sait par exemple qu’une réussite d’élève peut être due, non à la qualité du travail fournie, mais au laxisme de l’institution, en quête de bons résultats). Les professeurs sont de plus en plus souvent tenus d’utiliser du matériel numérique performant, et l’on va jusqu’à les obliger à intégrer dans leurs cours le numérique comme outil d’apprentissage pour les élèves eux-mêmes, si besoin avec l’appui d’un « technopédagogue » qui, sous prétexte de conseiller les enseignants, ne fera que contrôler leur conformité à l’ordre « technopédagogique » de la société du capitalisme total. De plus en plus aussi, les enseignants d’une même branche se voient contraints de proposer à leurs élèves le même cours, ou presque, afin de se protéger contre les plaintes des élèves et les traditionnels « recours » de fin d’année – ce qui conduit généralement à une sorte de médiocrité consensuelle des apprentissages. Etc. Bref, loin d’être un « abri », l’école a peu ou prou achevé sa transformation néolibérale d’ouverture au marché.
L’école du Marché
Jean Leclercq semble faire grand cas de notre démocratie9. L’énoncé du « rôle principiel et archétypique » qu’il croit « nécessaire de redonner à l’École » pourrait peut-être, qui sait, accomplir son retour à la faveur d’une prise de conscience de nos dirigeants. C’est ne pas voir que les démocraties modernes, loin d’être « autonome[s] et auto-constituée[s], indépendante[s] et libre[s] », ont pour condition première, non négociable, la bonne gestion du système de production marchande. C’est à peu près ce qu’affirmait Karl Polanyi dans ce passage célèbre de La Grande Transformation :
« La maîtrise du système économique par le marché a des effets irrésistibles sur l’organisation tout entière de la société : elle signifie tout bonnement que la société est gérée en tant qu’auxiliaire du marché. Au lieu que l’économie soit encastrée dans les relations sociales, ce sont les relations sociales qui sont encastrées dans le système économique. […] Car, une fois que le système économique s’organise en institutions séparées, fondées sur des mobiles déterminés et conférant un statut spécial, la société doit prendre une forme telle qu’elle permette à ce système de fonctionner suivant ses propres lois. C’est là le sens de l’assertion bien connue qui veut qu’une économie de marché ne puisse fonctionner que dans une société de marché. »10
Dans une société de marché, l’école n’est qu’un rouage d’un mécanisme global. Elle délivre des diplômes attestant la capacité de l’élève à entrer sur le marché du travail avec une certaine qualification, qui implique un barème salarial, ou à poursuivre ses études pour pouvoir prétendre à un barème salarial plus élevé. C’est là sa fonction première. Dans ce cadre, vouloir que l’école retrouve son rôle d’« abri » est tout aussi illusoire que d’attendre de François Hollande qu’il égratigne la finance.
La laïcité à l’école
De cette prémisse, il suit nécessairement que les pressions sociales, idéologiques ou religieuses exercées sur l’école seront moindres que les pressions économiques.
Sur le principe, Jean Leclercq a raison de s’indigner de la présence, en Belgique francophone11, d’un important réseau d’écoles organisé par le « Secrétariat général de l’enseignement catholique » (SeGEC), qui a fait du christianisme une « source d’inspiration », et auquel il n’est pas si aisé d’échapper en raison de la réputation de ses écoles et du nombre de places limité dans les établissements non confessionnels. Dans la pratique, cependant, l’emprise catholique pèse bien peu en regard des considérations économiques. S’il est bien un domaine auquel s’applique parfaitement l’expression de « catholicisme zombie », forgée par Emmanuel Todd, c’est celui de l’enseignement belge, où l’on se contente peu ou prou de produire les signes du catholicisme sans y adjoindre les choses. Les différents programmes de cours ne contiennent aucune trace de prescriptions religieuses, et le cours de religion catholique lui-même (présent également sous une forme optionnelle dans le réseau organisé par les pouvoirs publics) s’est adapté à l’évolution du public de façon à respecter les convictions des élèves, dont l’écrasante majorité est vraisemblablement composée d’athées et de musulmans. L’athéisme de nombreux professeurs de religion, soucieux de compléter leurs horaires de quelque façon que ce soit, est du reste un secret de Polichinelle. Au fond, on peut raisonnablement penser que cette persistance superficielle du catholicisme, qui a des racines historiques profondes en Belgique, s’explique avant tout par l’absence de volonté des gouvernements successifs de se lancer dans une pénible bataille contre une institution qui n’est de toute façon plus ce qu’elle prétend être et dont l’existence permet de réaliser, au passage, quelques économies budgétaires12.
La question du port de signes religieux par les élèves se pose différemment. L’interdiction de ces signes dans le cadre scolaire n’est pas incompatible avec le bon fonctionnement d’une société de marché ; le développement propre du capitalisme libéral rend toutefois compliquée sa mise en application.
Dans l’abstraction du travail capitaliste, l’individu n’est qu’une force de travail dotée de compétences utiles au poste qu’elle occupe. C’est cette donnée fondamentale qui rend possibles les flux migratoires intenses caractéristiques des sociétés modernes. Or dans la concrétude de la vie, l’homme est un être de culture. L’occultation de la dimension concrète de l’existence par le marché du travail ne dure qu’un temps, et la cohabitation sur un même territoire d’individus issus de cultures parfois très différentes a un prix, tant pour les autochtones que pour les allochtones.
Pour les autochtones, le prix à payer est généralement un étiolement des fondements institutionnels de leur propre culture, confrontée à des revendications culturelles concurrentes. En tant qu’elle est un dispositif essentiel de la transmission culturelle, l’école cristallise tout particulièrement les tensions et se voit d’autant plus mise sous pression pour se concentrer sur sa mission première : préparer au marché du travail, au détriment des autres apprentissages.
Les allochtones, quant à eux, font face à une sorte de conflit de loyauté culturelle. Ils peuvent tenter de se bricoler une sorte de métaculture à partir de la culture d’origine et de la culture d’accueil, renier partiellement leur culture d’origine ou entrer en conflit avec la culture d’accueil. Si l’intégration est souhaitable pour tous, en tout cas, elle n’a rien d’évident et peut s’apparenter à un renoncement pour les premiers concernés.
On peut penser qu’en matière religieuse, la laïcité est la solution idéale, neutre et universelle, au problème posé par la multiculturalité. Or elle est elle-même un artéfact culturel, le produit d’une histoire, le résultat d’une lutte et, à ce titre, elle n’est pas forcément du goût de tous, en particulier de ceux qui placent la dimension religieuse au-dessus de toute autre considération. D’où ce paradoxe : plus l’application de la laïcité devient souhaitable, plus elle est mise en difficulté. La société de marché est une société « à la carte » dans laquelle l’individu est pourvu de droits abstraits qui l’engagent fort peu vis-à-vis de ses semblables.
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Si, donc, le rôle de l’école ne peut être pensé indépendamment du principe organisateur de la société qui la prend en charge, alors les appels au changement demeureront lettre morte aussi longtemps qu’ils ignoreront les déterminations économiques de la reproduction sociale. Dans une société de marché, le politique est subordonné à l’économie, et non l’inverse. On commet une erreur logique en attendant des dirigeants d’un État capitaliste qu’ils opèrent un découplage de l’école par rapport aux demandes du marché. « There is no alternative », pourrait-on dire ici ; à moins, bien sûr, que l’on risque un coup d’œil prolongé derrière le rideau de l’économie de marché, dont les lois d’airain tiennent pour fort peu de chose l’humanité de l’homme13.
Notes
1 – Voir référence note 3.
2 – Christophe Bertiau est docteur en langues, lettres et traductologie de l’Université libre de Bruxelles. Il est l’auteur de l’ouvrage Le latin entre tradition et modernité. Jean Dominique Fuss (1782-1860) et son époque, Hildesheim / Zürich / New York, Olms (« Noctes Neolatinae. Neo-Latin Texts and Studies », 39), 2020. Il a été enseignant en Belgique.
3 – https://www.mezetulle.fr/lenseignement-comme-emancipation-et-education-par-jean-leclercq/?utm_source=mailpoet&utm_medium=email&utm_source_platform=mailpoet&utm_campaign=la-lettre-de-mezetulle-6-novembre-2020_96#sdfootnote1sym, mis en ligne le 22 avril 2025, consulté le 5 mai 2025.
4 – Pour un aperçu général de l’histoire tardive de la langue latine, notamment à l’école, on peut consulter Françoise Waquet, Le latin ou l’empire d’un signe. XVIe‑XXe siècle, Paris, Albin Michel, 1998.
5 – Qui souhaiterait davantage d’informations sur le processus historique ayant mené à cet état de fait pourra se rapporter à mon article « Le latin, une matière “bourgeoise” ? Sur le déclin du latin dans l’enseignement à l’époque contemporaine », dans Christophe Bertiau et Dirk Sacré (dir.), Le latin et la littérature néo-latine au XIXe siècle. Pratiques et représentations, Bruxelles / Rome, Brepols (« Institut historique belge de Rome. Études », 7), 2019, pp. 11‑34.
6 – On peut, bien entendu, imaginer un investissement « humaniste » de ces matières, mais force est de constater que le quotidien scolaire, défini en grande partie par des programmes conçus en amont, y consacre fort peu de place.
7 – Et nous n’avons encore rien vu : l’avenir nous réserve un apprentissage « modulaire », c’est-à-dire que l’élève devra valider des « modules » d’apprentissage (davantage morcelés) correspondant à des compétences recherchées par les employeurs. C’est du moins ce qu’a laissé entendre en fin d’année le directeur de la dernière école par laquelle je suis passé, sans doute afin de préparer lentement les esprits à cette nécessaire évolution d’un système archaïque, décidément incapable de satisfaire aux augustes attentes des employeurs.
8 – On attendait de moi, l’an dernier, que je donne un cours (de français !) sur le génocide au Rwanda et sur celui des Ouïghours. Comme j’ai eu le malheur de refuser cette injonction idiote, une cabale s’est ourdie derrière mon dos visant d’une part à me discréditer auprès de mes propres élèves, d’autre part à me faire quitter l’école, comme j’ai fini par l’apprendre.
9 – Outre qu’il pense pouvoir changer les choses par son plaidoyer, il a aussi des mots fort élogieux sur « la constitution politique du régime démocratique », dont on peut penser qu’il n’y voit pas tant un idéal encore à faire advenir que le système politique dans lequel nous vivons : « […] il y a, dans l’École, quelque chose de similaire à la constitution politique du régime démocratique : elle n’a sa transcendance qu’en elle-même, elle est autonome et auto-constituée, indépendante et libre ; elle est aussi procédurale et soumise au travail de la raison critique, la seule entité qui est capable de rendre chacun de nous à lui-même, en sorte qu’il soit autonome et toujours au rendez-vous de sa liberté de conscience. »
10 – Karl Polanyi, La Grande Transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Gallimard, 1983, p. 88.
11 – La Belgique n’est pas tenue à la laïcité mais à la « neutralité », principe qui se traduit notamment par l’organisation de cours de religion (de confessions variées) autorisés par l’État.
12 – En Belgique francophone, les subventions de fonctionnement sont moins élevées de 50% par élève pour le réseau libre que pour les écoles « officielles » de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
13 – Sur le plan économique, cette thèse est défendue avec beaucoup de cohérence par les auteurs allemands de la « critique de la valeur » (Wertkritik), et singulièrement dans l’ouvrage d’Ernst Lohoff et de Norbert Trenkle, La Grande Dévalorisation. Pourquoi la spéculation et la dette de l’État ne sont pas les causes de la crise, [nouvelle éd.], trad. de l’allemand par P. Braun et V. Roulet, Albi, Crise & Critique, 2024.